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L'impact de la flambée des prix du bois sur le secteur de la construction

  • Session : 2020-2021
  • Année : 2021
  • N° : 493 (2020-2021) 1

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  • Question écrite du 25/05/2021
    • de DESQUESNES François
    • à BORSUS Willy, Ministre de l'Economie, du Commerce extérieur, de la Recherche et de l'Innovation, du Numérique, de l'Aménagement du territoire, de l'Agriculture, de l'IFAPME et des Centres de compétences
    Les prix du bois de sciage ne cessent d'augmenter continuellement depuis l'été 2020. En un an, le prix du bois traité industriellement est passé de 250 à 450 euros/m³ voire plus. Les entreprises du secteur de la transformation du bois sont confrontées à une concurrence féroce pour l'approvisionnement en matière première à la suite d'une demande de plus en plus soutenue des marchés chinois et américains.

    La réduction de la production des entreprises américaines et chinoises en raison de la crise de la Covid-19 ainsi que le boom mondial de la construction engendrent une forte demande de bois sur les marchés internationaux. De plus, cette pénurie de bois est aggravée en Europe par les grandes quantités de bois endommagé par les scolytes et les conséquences du changement climatique.

    Tout naturellement cette augmentation des prix se répercute au final sur les consommateurs qui voient le prix de leurs constructions et de leurs projets augmenter ainsi que le délai d'attente pour être livrés.

    Notre assemblée s'est déjà penchée sur cette problématique et avait adopté le 9 novembre 2016 une résolution relative à la gestion forestière wallonne, dont j'avais été le cosignataire. Parmi les demandes formulées, on trouvait notamment la volonté d'inviter la Commission européenne à considérer le bois comme une matière première stratégique et à le traiter comme tel.

    Monsieur le Ministre peut-il faire le point sur l'état de la situation en Wallonie ?

    Notre filière bois parvient-elle encore à s'approvisionner sur le marché malgré l'explosion des prix ?

    Quels sont les impacts pour le secteur de la construction ? Parvient-il encore à s'approvisionner ?

    Prend-il des mesures pour garantir à notre filière bois l'accès à la matière première ?

    L'augmentation des prix et le manque de matière première se répercutent-ils sur le rythme des chantiers et le prix pour les consommateurs ?

    A-t-il plaidé pour la mise en place de mesures au niveau européen afin de limiter la pression exercée par les marchés étrangers et garantir l'approvisionnement de la filière bois européenne ?

    Dans le cadre de la nouvelle stratégie de l'Union européenne pour les forêts que la commission doit publier courant 2021, le bois sera-t-il enfin considéré comme une matière stratégique ? Plaide-t-il en ce sens ?
  • Réponse du 14/06/2021
    • de BORSUS Willy
    Le Gouvernement wallon et l’ensemble du monde politique wallon sont bien au courant de la tension qui existe sur l’ensemble des matières premières et des produits manufacturés. Le bois, essentiellement les résineux, comme tous les autres matériaux n’échappe pas à cette situation : les prix augmentent de façon exponentielle, les délais de livraison s’allongent et les quantités disponibles sur le marché national et européen se réduisent.
     
    Notre économie interconnectée souffre des perturbations causées aux différentes activités par la crise du Covid-19 depuis plus d’un an. La reprise plus rapide et intense en Chine et aux États-Unis soutenue par un pouvoir d’achat « élevé » aspire du bois en grumes chez les uns et/ou des bois sciés chez les autres.
     
    La crise des scolytes et le changement climatique qui les favorisent n’influent pas pour le moment sur la disponibilité de bois sur le marché européen, que du contraire. Les volumes prélevés dépassent largement les récoltes annuelles normales avec des prix qui se sont effondrés en 2019 et 2020 tant pour les bois scolytés que pour les bois sains. Le volume de bois sains mis sur le marché a été réduit au maximum pour favoriser la récolte et l’évacuation des bois scolytés, méthode la plus efficace pour limiter l’expansion de l’insecte. Les ventes anticipées d’épicéas scolytés organisées par le DNF en forêt publique ont connu un grand succès, car elles permettent une récolte rapide des arbres attaqués une fois ceux-ci martelés. En effet, l’acheteur s’engage à reprendre un volume maximum déterminé de bois à un prix donné sur une zone donnée. Dès qu’un peuplement est martelé, l’acheteur en est avisé immédiatement et il a 15 jours pour couper les arbres et quelques semaines en plus pour les évacuer. Les bois vendus de la sorte restent de qualité tout à fait satisfaisante.
     
    Le problème vient plus des bois scolytés plus dégradés, car exploités tardivement. Ils sont destinés à l’industrie du panneau qui s’est vite trouvée saturée. Ces bois, disponibles en grande quantité à des prix écrasés ont très naturellement trouvé un débouché à l’exportation vers l’Asie, en Chine notamment.
     
    Les dernières ventes anticipées et normales d’épicéas scolytés témoignent cependant d’une nette reprise avec des prix variants entre 20 et 40 euros/m³ en fonction des volumes, localisations et qualités des lots proposés. Les scieries de résineux disposent donc pour le moment d’un approvisionnement satisfaisant en quantité et en qualité. La situation sera cependant nettement plus tendue dans les années à venir, car elle verra une réduction programmée des peuplements d’épicéas, que l’on estime à 20 % en termes de récolte, se conjuguer avec les effets déstructurants de la crise actuelle des scolytes. Sans compter que la reprise du marché de l’épicéa sain va encourager les propriétaires privés qui disposent de 55 % de cette ressource et qui sont échaudés par la crise des scolytes à mettre en vente de plus grandes quantités d’épicéa alors qu’on surexploite déjà largement cette essence depuis plusieurs années.
     
    Le problème d’augmentation des prix concerne essentiellement les sciages résineux – et plus particulièrement l’épicéa, première essence wallonne – dont la production wallonne est l’ordre de 1 200 000 m³ pour 2 200 000 m³ de grumes sciées. À côté de cela, la production de sciages feuillus est bien plus modeste avec environ 30 000 m³ des sciages pour 70 000 m³ de grumes sciées, essentiellement du chêne.
     
    Nos scieries de bois résineux tournent actuellement à plein régime, mais travaillent à flux tendu, car leurs stocks sont au plus bas. De même, nous souffrons également d’une réorientation de nos importations traditionnelles de bois sciés résineux – scandinaves et russes – vers ces deux pays. Cette tension sur la demande se traduit par une augmentation des prix moyens des épicéas sains sur pied qui sont passés de 40 euros/m³ au plus fort de la crise des scolytes en 2019 à 60 euros/m³ au printemps 2021 pour des bois de 1 m³ de moyenne. Les épicéas de 2 m³ de moyenne sont passés quant à eux de 45 euros/m³ à 70 euros/m³ dans le même laps de temps.
     
    Le volume de bois résineux utilisé dans un bâtiment varie selon le type de construction : 25 à 30 m³ pour une maison à ossature bois, 50 m³ pour une maison en bois massif et environ 5 m³ dans un bâtiment traditionnel. Une augmentation de 200 euros par m³ représente donc une augmentation, toutes choses demeurant égales, de 1 000 à 10 000 euros dans le pire des cas. Malheureusement, cette spirale inflationniste n’est pas encore terminée et touche également les autres matériaux, ce qui fait grimper notablement la note. À titre de comparaison, on annonce une augmentation de 35 000 $ du prix des maisons unifamiliales aux États-Unis. Mais là, le prix du bois de construction a triplé en un an. Les constructeurs de maisons bois wallons, par exemple, ne savent plus à quel saint se vouer, car il se passe généralement plus de 6 mois entre la remise de prix et le début du chantier. Il leur est difficile d’appliquer une formule de révision des prix à une clientèle essentiellement privée.
     
    Un autre problème vient de l’allongement des délais de livraison qui rend de plus en plus aléatoire le déroulement dans le temps des chantiers. La situation de la filière bois et du secteur de la construction est donc on ne peut plus tendue.
     
    Les scieries de bois résineux et l’industrie du panneau ne bénéficient pas de garantie d’approvisionnement. Seul un système de vente en géré à gré à destination des scieries locales de bois feuillus existe, mais est de portée assez limitée (entre 4 000 et 6 000 m³ par an pour un besoin de 70 000 m³). Les acteurs aval de la filière ne bénéficient pas non plus de garantie d’accès à la matière première.
     
    L’Allemagne, la France et la Belgique ont déjà plaidé pour la mise en place de mesures protectionnistes au niveau européen, mais sans succès. Certains pays, la Suède et la Finlande notamment, y étant opposés.