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Les incitants destinés aux agriculteurs pour investir dans la transition

  • Session : 2020-2021
  • Année : 2021
  • N° : 502 (2020-2021) 1

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  • Question écrite du 27/05/2021
    • de JANSSEN Nicolas
    • à BORSUS Willy, Ministre de l'Economie, du Commerce extérieur, de la Recherche et de l'Innovation, du Numérique, de l'Aménagement du territoire, de l'Agriculture, de l'IFAPME et des Centres de compétences
    Il m'est revenu qu'une partie significative des aides publiques dans le domaine énergétique sont destinées aux personnes morales. Il semblerait en effet que les aides telles que les chèques énergie, le programme AMURE ou encore les subventions UREBA ne sont pas accessibles aux indépendants.

    Or, le domaine agricole est composé à environ de 75 % d'indépendants. Le milieu agricole a sa part à jouer dans la transition ! De plus, selon les informations dont je dispose, les agriculteurs souhaitent davantage de reconnaissance quant à leurs investissements durables.

    Une proposition, dont le cabinet de Monsieur le Ministre aurait pris connaissance, serait dès lors de contribuer à redorer l'image de l'agriculture, en donnant un label aux agriculteurs investissant dans leurs moyens de production ou de consommation.

    Il semblerait que son cabinet ait réagi positivement à cette idée, tout en désirant une cartographie des exploitations agricoles avec leur potentiel énergétique par type d'exploitation. Le projet serait toutefois en attente, en raison d'un manque de moyens humains pour accomplir ce travail. Cette cartographie et ce label lui semblent-ils toujours pertinents ? Quels moyens pourraient être mis en place par la Région à cet effet ?

    Enfin, il semblerait que Monsieur le Ministre soit occupé à un Plan Energie-Agriculture, tel que prévu dans la DPR. Quels sont les acteurs impliqués dans son élaboration ? Une priorité de ce plan sera-t-elle donnée aux moyens à disposition des agriculteurs et notamment aux indépendants du secteur ? Des dispositifs sont-ils déjà évoqués ?
  • Réponse du 22/06/2021
    • de BORSUS Willy
    La question de l’honorable membre met en lumière un enjeu important pour la profession agricole. En effet, les agriculteurs sont pleinement concernés par le changement climatique et la transition énergétique qui en découle.

    C’est d’abord sur le cœur de leur métier qu’ils sont interpellés puisque nous savons que les activités agricoles émettent et captent – ce qui est une particularité en comparaison avec d’autres secteurs économiques - des gaz à effet de serre. À côté de ce défi de réduire les émissions nettes de GES, il y a la possibilité pour l’agriculture de participer à la transition énergétique via des productions énergétiques issues de la biomasse et/ou situées dans l’espace agricole.

    Il l’a noté, les agriculteurs sont très soucieux de pouvoir appréhender au mieux les défis de ce siècle. Il est moins question d’une quelconque volonté de « plaire » ou de « se conformer aux besoins de l’époque » qu’une réelle inquiétude face aux impacts que pourrait avoir le changement climatique ou encore un réel respect de l’exploitant pour son outil : le sol et ses ressources en eau notamment. Les agriculteurs sont les premières victimes des impacts négatifs d’une modification rapide du climat.

    Par rapport à sa question sur les aides énergétiques, je me permets de le renvoyer vers mon collègue, Monsieur le Ministre de l’Énergie, Philippe Henry, qui est compétent pour ces politiques. Je lui précise cependant que le fait d’être indépendant n’est cependant pas un obstacle dans certains cas, par exemple lorsqu’il est question d’un investissement dans une installation photovoltaïque de moins de 10 KVa (appelée « compteur qui tourne à l’envers). Dans le cas d’installations plus grandes ou d’autres natures, il est en effet plus facile pour l’investisseur agriculteur de passer en société. Cela doit, dans tous les cas, être analysé au cas par cas au terme d’une solide étude économique.

    Concernant la production d’énergie à partir des productions agricoles, j’y suis tout à fait favorable dans la mesure où cela n’impacte pas le « core business » de l’agriculteur : la production nourricière. Vu les enjeux alimentaires mondiaux actuels et à venir, soit une augmentation de 2 milliards d’individus sur la terre d’ici 2050 (chiffre ONU), il est illusoire de croire que nous pouvons désarmer sur la productivité agricole. Le véritable défi de ce siècle est que nous devons concilier cet objectif avec une agriculture hautement exigeante sur ses impacts environnementaux.

    J’estime également qu’il est possible pour notre agriculture de mettre en place des diversifications ciblées, bien que significatives, dans le domaine de la production d’énergie. Nous savons l’honorable membre et moi que l’approvisionnement énergétique doit considérablement se décarboner dans les 30 prochaines années. Ce qui signifie que nous devrons passer d’un approvisionnement à plus de 80 % d’origine fossile (gaz-pétrole en Belgique) à 0 % en 2050. Les modèles actuels montrent que l’électricité sera sans doute le vecteur-roi de cette transition, passant d’environ 20 % de la consommation finale à 60 % de la consommation finale (cela varie selon les modèles) dans un monde neutre en carbone.

    Concernant l’électricité, nous savons que les hangars agricoles peuvent faire des emplacements tout à fait propices à l’installation de panneaux photovoltaïques. J’ai d’ailleurs élaboré une activité en ce sens dans le plan de relance afin d’en promouvoir le développement. Nous savons également que les espaces agricoles accueillent la presque totalité des éoliennes onshore de notre pays.

    À côté de l’électricité, il faudra prévoir d’autres vecteurs non électriques, donc composés de molécules, pour assurer le reste des usages. Dans ce cadre, il y a bien sûr la question de l’hydrogène dont je sais que l’honorable membre suit le développement avec attention. Il me semble qu’il y a également une place pour des molécules issues de la biomasse comme le biogaz, les carburants synthétiques et même la production d’hydrogène dans l’agriculture.

    Parmi ces exemples, le plus connu est sans doute l’outil de la biométhanisation. Quand il est paramétré comme tel, il peut produire de l’électricité, du biogaz et de la chaleur. Les dernières études semblent également montrer que les installations qui utilisent principalement les effluents d’élevage permettent de baisser significativement les émissions de méthane des élevages. Encore une fois, cet outil est prometteur, mais ne doit pas verser dans l’excès avec l’ensemble des cultures environnantes qui sont entièrement dédiées à la production d’énergie uniquement. Ces outils restent des activités annexes et il me semble qu’il est possible, aujourd’hui, de les envisager dans un cadre plus large d’une décentralisation des productions, notamment des productions renouvelables.

    Je suppose que la cartographie dont l’honorable membre fait mention dans sa question porte sur les gisements de biométhanisation. J’ai en effet pris connaissance de cette étude. Celle-ci permet de se faire une idée des gisements de biogaz issus de la biomasse dans notre région et de la hauteur à laquelle celle-ci pourrait participer à l’effort de décarbonation de notre société. Toutefois, mon ambition est plus large que cet aspect, si important soit-il.

    Mon ambition est plus large dans la mesure où la production décentralisée de l’énergie et le rôle de l’agriculture dans ce cadre nécessitent qu’on se saisisse de la question pour la rendre possible, mais aussi la baliser au mieux. Il est question ainsi de multiples dimensions, multiples productions, mais également d’un certain sens de l’anticipation puisque notre appareil productif va considérablement évoluer dans les prochaines décennies. Et, avec le Gouvernement wallon, j’aimerais poser des bases durables.

    La première des priorités sera donc sans doute de favoriser le développement d’unités de production et déjà de prévoir un maillage du territoire en bonne intelligence avec les gestionnaires de réseau de distribution. Des outils comme les communautés d’énergies renouvelables peuvent aussi constituer des leviers intéressants pour valoriser directement des productions locales.

    À ce stade, la priorité est de faire aboutir des dossiers importants également pour les agriculteurs (programmation PAC notamment). Bien qu’il y ait eu des contacts avec différents acteurs sur ces questions, la réflexion continue et nous ne sommes pas encore arrivés au stade d’un développement plus structuré des discussions, notamment avec les autres ministres compétents.

    Dans tous les cas, ma volonté est que l’ensemble de la profession agricole puisse bénéficier de ce genre de diversification, dans la mesure où cela reste le choix de l’exploitant et que la diversification ait un sens économique et environnemental.