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La transformation d'habitations unifamiliales en colocations

  • Session : 2020-2021
  • Année : 2021
  • N° : 512 (2020-2021) 1

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  • Question écrite du 03/06/2021
    • de MAROY Olivier
    • à BORSUS Willy, Ministre de l'Economie, du Commerce extérieur, de la Recherche et de l'Innovation, du Numérique, de l'Aménagement du territoire, de l'Agriculture, de l'IFAPME et des Centres de compétences
    Nombre de villes voient le nombre de colocations augmenter. Avantages d'une colocation : coût du logement moindre et liens sociaux pour ces colocataires qui sont souvent des jeunes travailleurs.

    Toutefois, ces colocations amènent aussi certains inconvénients, c'est le cas à Louvain-la-Neuve dans le Brabant wallon : les colocations entraînent une pression sur les loyers (cinq colocataires pouvant mettre davantage qu'une famille par exemple), des rythmes de vie différents avec le voisinage et donc de possibles nuisances, notamment sonores, ou encore des soucis de parking.

    La ville ne dispose toutefois pas d'outil juridique pour forcer les propriétaires à conserver la destination unifamiliale du bien.

    En effet, un arrêt du Conseil d'État d'avril 2017, qui concernait déjà la Ville de Louvain-la-Neuve, a jugé qu'il n'y avait pas besoin de permis d'urbanisme préalable pour transformer une maison unifamiliale en colocation, car cela ne constituait ni un changement d'affectation ni la création d'un nouveau logement. Les enseignements de cet arrêt sont toujours d'actualité malgré l'entrée en vigueur du Code du développement territorial (CoDT).

    Les autorités communales de Louvain-la-Neuve n'auraient donc aucun moyen d'empêcher la transformation d'une maison unifamiliale en colocation.

    Quelle est l'analyse de Monsieur le Ministre de la situation par rapport à ces transformations d'habitations unifamiliales en colocations ?

    Confirme-t-il qu'il n'existe aucun moyen juridique pour des autorités communales d'empêcher la transformation d'une maison unifamiliale en colocation ?

    Convient-il éventuellement de modifier le CoDT ? Si oui, dans quel sens ?

    Comment pourrait-on, selon lui, assurer un équilibre entre habitations unifamiliales et colocations dans des villes comme Louvain-la-Neuve ? Quelle est sa vision des choses ?
  • Réponse du 30/06/2021
    • de BORSUS Willy
    Par un arrêt n° 237.973 du 20 avril 2017, le Conseil d’État a en effet estimé que : « Une maison unifamiliale n'est pas réservée à des personnes apparentées. Les modes de vie contemporains créent des familles constituées de personnes non apparentées. La maison unifamiliale est donc destinée à accueillir des personnes qui vivent ensemble, comme en famille apparentée, dans le même logement.

    Partant, l'ouverture de l'habitation unifamiliale à la colocation, c'est-à-dire à des personnes qui vont vivre ensemble dans l'immeuble en se partageant le loyer, en l'utilisant comme le font les membres d'une famille et qui sont peut-être les membres d'une famille, ne constitue pas un changement de destination contraire au permis délivré pour l'habitation unifamiliale. La colocation ainsi conçue ne crée pas de nouveau logement. »

    À la même époque et en ce qui concerne les kots, le Conseil d’État précisait, dans un arrêt n° 238.097 du 4 mai 2017, ceci : « En l'espèce, la demande de permis d'urbanisme introduite par le requérant précise que le projet, qui n'implique pas de travaux, vise à transformer une maison d'habitation unifamiliale en six kots d'étudiants. Le requérant précise, dans son recours au Gouvernement wallon, qu'avant son achat, la maison était occupée par une seule personne. La demande de permis est accompagnée de croquis sommaires des différents niveaux. Il ressort de ceux-ci que le rez-de-chaussée est composé d'une cuisine, d'un séjour, d'une salle de bain avec w.c. et d'une chambre (kot no 1) ; que le premier étage est composé d'une salle de bain avec w.c. et de trois chambres (kots nos 2, 3 et 4) et que le deuxième étage est composé d'une salle de bain avec w.c. et de deux chambres (kots nos 5 et 6).

    Si, dans sa requête, le requérant insiste sur le fait que les "pièces communes" seront ouvertes à l'usage des différents occupants des kots, à aucun moment, il ne prétend que son immeuble fera l'objet d'une colocation, comme c'était le cas dans l'espèce ayant donné lieu à l'arrêt n° 234.582 du 28 avril 2016, Ville de Liège, auquel il se réfère. Les autres arrêts cités par le requérant ne concernaient pas la division d'une habitation en kots.

    Partant, il y a lieu de considérer, en l'espèce, que la transformation de la maison d'habitation unifamiliale en six kots, qu'elle offre ou non des pièces d'habitation à usage collectif, crée bien au moins un nouveau logement et requiert dès lors un permis. »

    Les deux dossiers concernés par ces arrêts ont été traités en application du CWATUP, qui n’apportait aucune précision sur la notion de « création de logement ».

    Le CoDT, bien que voté antérieurement à ces arrêts, n’est guère éloigné des solutions dégagées par la jurisprudence. Il ne prévoit pas la nécessité de demander un permis d’urbanisme pour mettre une habitation unifamiliale ou un appartement en colocation. Dans les faits, comme la question le souligne, les colocations sont souvent le fait de jeunes travailleurs, qui ne disposent pas des ressources nécessaires pour occuper seul un logement et/ou fait le choix de vivre en colocation. Leur rythme de vie est plutôt celui des travailleurs et pas celui des étudiants, et le nombre de véhicules dont ils disposent peut-être comparé à celui de certaines familles avec des enfants qui ont une voiture. D’un point de vue des « nuisances », ce type d’occupation est donc semblable à celui d’une famille.

    En ce qui concerne les kots, le CoDT est beaucoup plus strict puisqu’il soumet à permis d’urbanisme préalable l’utilisation d’une maison unifamiliale ou d’un appartement en kot, ou encore, chez l’habitant, l’utilisation de deux chambres à titre de kot. La création d’une seule chambre occupée à titre de kot chez l’habitant n’est pas soumise à permis. C’est bien le mode de vie des étudiants, différent de celui des jeunes travailleurs, qui a prévalu lors de l’établissement de ces règles.

    Comme toujours en matière d’urbanisme, le législateur doit faire des choix en opérant un dosage délicat entre des intérêts différents, voire contradictoires. Si l’on est un jeune couple avec enfants par exemple à Ottignies-Louvain-la-Neuve, on estimera que la colocation met une pression sur les loyers peut rendre certaines habitations inaccessibles à la location « classique ». Si l’on est le propriétaire d’un bien mis en colocation, on justifiera un loyer plus élevé par une rotation plus importante des colocataires. Les villes estudiantines estiment qu’il est impératif de gérer les kots par le biais d’un permis d’urbanisme préalable. Les villes ou villages qui accueillent quelques étudiants diront que c’est une formalité lourde et inutile.

    J’ai donc sur le sujet des retours variables en fonction de mes interlocuteurs. La question de la nécessité ou non d’une révision du CoDT est actuellement à l’étude.