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Les conséquences de la condamnation de l'entreprise Shell par un tribunal néerlandais

  • Session : 2020-2021
  • Année : 2021
  • N° : 580 (2020-2021) 1

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  • Question écrite du 04/06/2021
    • de LEONARD Laurent
    • à HENRY Philippe, Ministre du Climat, de l'Energie et de la Mobilité
    Dans un jugement historique, un tribunal néerlandais a condamné l'entreprise Shell à réduire de près de moitié les émissions de gaz à effet de serre dont elle est responsable d'ici 2030, considérant que Shell devait se conformer aux réglementations des pays dans lesquels il opère.

    Lancée par un groupe d'ONG environnementales en 2019 et plus de 17 000 citoyens, constitués en partie civile, il est reproché à l'entreprise pétrolière néerlandaise de ne pas agir suffisamment pour respecter l'accord de Paris et, de ce fait, portait atteinte aux droits humains. Selon Greenpeace, les multinationales peuvent être tenues responsables de la crise climatique.

    Sans grande surprise, Shell va interjeter appel, mais il n'en reste pas moins que cette décision de la justice néerlandaise pourrait faire jurisprudence dans d'autres tribunaux.

    Le géant pétrolier estime qu'en tant qu'entreprise, elle n'est pas liée aux Accords de Paris sur le climat puisque c'est un accord conclu entre États. La juge néerlandaise a estimé que les entreprises ont une responsabilité indépendante, à côté de ce que font les États et que, sans une réelle coopération des entreprises comme Shell, les objectifs climatiques ne pourraient être atteints.

    Selon les chiffres de WWF, 70 % des émissions de CO2 sont liés à l'énergie, représentée à plus de 80% par les énergies fossiles consommées mondialement et sont subventionnés à hauteur de 500 milliards.

    Le verdict néerlandais est un signal fort : les multinationales ont des comptes à rendre et il est grand temps qu'elles prennent leurs responsabilités en matière de lutte contre le réchauffement climatique.

    Monsieur le Ministre a-t-il entrepris l'analyse de la décision de la justice néerlandaise ?

    Estime-t-il qu'elle aura un impact en Belgique et en Wallonie, et au niveau européen ?

    Si un tel procès devait avoir lieu dans notre pays, envisage-t-il que la Wallonie se constitue partie civile ?
  • Réponse du 06/08/2021
    • de HENRY Philippe
    Les décisions de justice en matière climatique se font de plus en plus nombreuses et plusieurs d’entre elles comportent des avancées majeures.

    On peut penser à l’arrêt Urgenda qui a condamné, fin 2019, l'État néerlandais à réduire ses émissions de CO2 d'un minimum de 25 % par rapport à 1990 d'ici 2020.

    La France a également été condamnée à réduire ses émissions.

    En Allemagne, un arrêt de la Cour constitutionnelle fédérale, publié en avril, considère que la loi allemande sur la protection du climat de 2019 est en partie inconstitutionnelle, car ses règlements reportent de manière irréversible une grande partie des réductions des émissions au-delà de 2030, ce qui porte atteinte aux libertés des requérants, dont certains sont encore très jeunes.

    En Belgique, je rappelle également que le jugement du tribunal de première instance de Bruxelles dans l’Affaire climat est attendu prochainement.

    La Belgique est également citée, avec 32 États, devant la Cour européenne des Droits de l’Homme par de jeunes ressortissants portugais.

    Le jugement du Tribunal de district de La Haye de ce 26 mai 2021 est effectivement une nouvelle décision historique en provenance des Pays-Bas. C’est la toute première fois qu’un juge ordonne à une société, ici une société pétrolière, de réduire ses émissions de gaz à effet de serre.
    C’est l’ensemble du groupe Shell qui doit réduire ses émissions d'au moins 45 % d'ici fin 2030 par rapport à 2019. Il s’agit des émissions directes du groupe, mais aussi des émissions indirectes : les émissions des clients et des fournisseurs sont ainsi également concernées.

    L’arrêt précise que l'obligation de réduction est une obligation de résultat pour les activités du groupe Shell. C’est, par contre, une obligation de moyens en ce qui concerne les relations commerciales du groupe Shell, y compris les utilisateurs finaux.

    Ce jugement et ses implications sont à l’étude dans mes services.

    Il s’agit en tout cas effectivement d’un signal fort quant à l’accélération indispensable des efforts de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Les mentalités changent. Les politiques et mesures ainsi que le cadre juridique, européen notamment, sont en pleine mutation. La justice climatique prend en compte ces changements et met la pression non seulement sur les États, mais aussi désormais sur les entreprises.