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Les marchés publics de faible montant

  • Session : 2020-2021
  • Année : 2021
  • N° : 364 (2020-2021) 1

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  • Question écrite du 23/06/2021
    • de WAHL Jean-Paul
    • à COLLIGNON Christophe, Ministre du Logement, des Pouvoirs locaux et de la Ville
    La Région wallonne, en tant qu'autorité de tutelle sur les pouvoirs locaux, les accompagne et leur fournit des analyses dans toute une série de matières.

    Il est en effet essentiel que la tutelle régionale puisse agir en prévention auprès des pouvoirs locaux de manière transparente par des recommandations anticipant d'éventuels risques de recours dans le traitement des matières dont les provinces et les communes ont la responsabilité, mais aussi les aider à travailler dans le sens d'une plus grande simplicité administrative, afin d'économiser leurs ressources et les affecter sur les priorités de service public. C'est notamment le cas dans la matière complexe et évolutive des marchés publics.

    Actuellement, il semble avoir certaines contradictions dans les recommandations formulées concernant la procédure à suivre pour les marchés dits « de faible montant » c'est-à-dire ceux prévus à l'article 92 de la loi relative aux marchés publics qui peuvent être conclus par facture acceptée.

    Dans son rapport du 11 mars 2021, à l'occasion d'une réunion du groupe de travail « simplification administrative », présidé par le cabinet de Monsieur le Ministre et auquel participent des représentants de l'administration de la tutelle, de l'UVCW, de l'APW et des fédérations des différents grades légaux, les représentants de Monsieur le Ministre ont confirmé, lors de la réunion, et dans le PV qui s'en suit, que « le principe de deux délibérations au cours d'une même séance soit acceptable » pour les marchés de faible montant. Cette position ayant déjà, par ailleurs, été communiquée lors d'une précédente réunion.

    Aussi, en cas de délégation du conseil vers le collège, de nombreux pouvoirs locaux, par simplification administrative approuvent le recours aux marchés de faible montant, les opérateurs consultés et la ratification du bon de commande au cours d'une seule et même séance (l'instruction du dossier ayant été préalablement réalisée par l'administration).

    Pourtant, dans le courrier de Monsieur le Ministre du 14 décembre 2020 envoyé au Collège provincial de la Province du Brabant wallon, il précise « qu'il découle de la lecture de l'article 2222-2 du Code de la démocratie locale et de la décentralisation qu'une procédure de passation d'un marché public inclut chronologiquement que, dans un premier temps, l'organe décisionnel fixe les conditions et le mode de passation et, dans un second temps, lance l'appel à concurrence ou consulte le ou les soumissionnaire(s) potentiel(s).
    En l'espèce, le conseil provincial ou le collège provincial (disposant d'une délégation) aurait dû approuver les conditions et le mode de passation du marché préalablement à la consultation des opérateurs économiques ». Soit une position contraire à celle recommandée à l'ensemble des pouvoirs locaux.

    Pour autant, Monsieur le Ministre n'a annulé aucun marché de faible montant ainsi examiné dès lors que le collège provincial a validé l'ensemble des décisions liées à leur mise en œuvre.

    Il semble essentiel de rapidement trancher en transparence et pour toutes nos administrations locales, ce qui semble être un conflit d'interprétation.

    J'ai bien connaissance de l'arrêt du Conseil d'État daté du 18 décembre 2020, qui dispose que « la décision de recourir à la procédure négociée sans publication préalable doit être prise par l'autorité compétente avec le lancement de la procédure. Selon une jurisprudence constante du Conseil d'État, un vice de compétence ne peut être couvert a posteriori par une ratification ».

    Cet arrêt ne traite pas spécifiquement des marchés de faible montant, mais ne semble pas pour autant faire de différences dans les procédures à respecter selon le type de marché en procédure négociée.

    Il pourrait toutefois être invoqué qu'à l'inverse des autres procédures de marchés publics prévues par la législation fédérale, les marchés dits de « faible montant » ne se voient pas appliquer une grande partie de la législation relative aux marchés publics dès lors que « ces marchés peuvent être conclus par facture acceptée. » Il n'est donc pas question de phase de passation ni d'attribution.

    Cependant, par prudence, en l'état de cette jurisprudence encore incomplète, ne conviendrait-il pas désormais de recommander à tous les pouvoirs locaux, et non seulement à la Province du Brabant wallon de changer le modus vivendi jusqu'alors admis par les services de tutelle de Monsieur le Ministre et d'indiquer la nécessité d'approuver les conditions et le mode de passation du marché préalablement à la consultation des opérateurs économiques.

    Il est évident qu'en termes de simplification administrative et plus prosaïquement encore, en termes de délais de traitement, de la moindre commande de petit matériel, ce double passage est particulièrement dilatoire, problématique en termes de fonctionnement de service, et n'offre, in fine aucune valeur ajoutée en termes de gouvernance puisque le collège communal ou provincial peut toujours, au moment de l'attribution, décider de ne pas attribuer et demander de consulter une nouvelle fois.

    Monsieur le Ministre peut-il me communiquer sa position sur la question ainsi que la recommandation qui sera faite à l'ensemble des pouvoirs locaux ?

    L'idéal serait de réétudier rapidement les seuils de délégation, qui ont généré historiquement ce problème de fonctionnement qui n'existait pas avant le décret du 17 décembre 2015, pour permettre à la fois de respecter la légalité, la gouvernance et l'efficience de nos services publics locaux.
  • Réponse du 02/09/2021
    • de COLLIGNON Christophe
    Je puis dire à l’honorable membre qu’il n’y a pas de contradiction dans les « recommandations » formulées aux pouvoirs locaux concernant la procédure à suivre pour les marchés publics dits de « faible montant ».

    Lors de la réunion du groupe de travail relatif à la simplification des procédures qu’il évoque, il a été précisé qu’en ce qui concerne ces marchés, il peut être accepté que les conditions du marché, d’une part, et l’attribution du marché, d’autre part, fassent l’objet d’une approbation lors de la même séance. L’approbation, lors d’une même séance, des conditions du marché et de l’attribution n’est toutefois envisageable que pour autant qu’il n’ait pas été demandé aux opérateurs économiques consultés de remettre une offre formelle.

    En effet, l’article 124 de l’arrêté royal du 18 avril 2017 relatif à la passation des marchés publics dans les secteurs classiques prévoit que « pour les marchés publics de faible montant visés au chapitre 7 du titre 2 de la loi, le pouvoir adjudicateur passe son marché après consultation, si possible, des conditions de plusieurs opérateurs économiques, mais sans obligation de demander l’introduction d’offres. La preuve de cette consultation doit pouvoir être fournie par le pouvoir adjudicateur ». Par conséquent, lorsque la consultation des opérateurs économiques consiste en une consultation de leurs conditions, via un catalogue ou un site internet par exemple, sans la remise d’une offre, comme le permet l’article 124 susvisé, les conditions du marché et l’attribution de celui-ci peuvent effectivement faire l’objet d’une approbation lors de la même séance.

    Cependant, si le pouvoir adjudicateur souhaite que les opérateurs économiques remettent une offre répondant aux conditions qu’il a fixées, il conviendra que ces conditions fassent l’objet d’une approbation par l’organe compétent préalablement à la demande de remise d’offre, à défaut de quoi la consultation serait effectuée alors que l’organe compétent ne s’est pas encore prononcé sur les conditions du marché.

    À cet égard, le Conseil d’État a d’ailleurs considéré, dans son arrêt n°249.291 du 18 décembre 2020 que :

    « La décision de recourir à la procédure négociée sans publication préalable doit être prise par l’autorité compétente avant le lancement de la procédure. Selon une jurisprudence constante du Conseil d’État, un vice de compétence ne peut être couvert a posteriori par une ratification. C’est d’autant plus le cas en l’espèce que la décision de recourir à ce type de procédure exclut des opérateurs économiques de la possibilité d’y participer et produit de la sorte des effets juridiques avant l’adoption de la décision d’attribution du marché censée procéder à ladite ratification par les autorités compétentes. […]
    L’article 4, alinéa 2, de la loi du 17 juin 2013 qui prévoit qu’en ce qui concerne les décisions de recourir à une procédure négociée sans publication préalable, « les motifs de la décision doivent exister au moment où celle-ci est prise », mais que « la décision formelle peut cependant être rédigée a posteriori, lors de l’établissement de la prochaine décision [telle celle d’attribuer le marché] » ne permet pas prima facie de considérer que la décision de recourir à une telle procédure (negocium) pourrait être établie au moment de la décision d’attribution. La disposition légale précitée a uniquement trait à la motivation formelle des décisions qu’elle énumère. Elle n’a pas vocation à déroger aux règles relatives à la compétence des auteurs de ces décisions. Elle précise d’ailleurs bien que les motifs de la décision doivent exister « au moment où celle-ci est prise », tout en permettant la rédaction a posteriori de la décision formelle motivée (instrumentum).
    […]
    Pour ce qui concerne la SOFICO, qui agit comme pouvoir adjudicateur aux côtés de la Région wallonne pour les lots 3 et 5, la décision de recourir à une procédure négociée sans publication préalable devait être prise par son conseil d’administration, suivant les statuts de la société précitée, ou par son président et son directeur général, en vertu de la délibération du 10 juillet 2020 du conseil d’administration de la SOFICO.
    Le moyen, tiré de l’incompétence de l’auteur de l’acte, est sérieux. ».

    Le Conseil d’État a donc confirmé la position selon laquelle les conditions du marché doivent faire l’objet d’une approbation par l’organe compétent préalablement au lancement de la procédure et à la demande de remise d’offres. Ce principe m’apparaît également applicable aux marchés dits de « faible montant ». En effet, il convient de distinguer l’application de la loi relative aux marchés publics des règles de compétence lesquelles ne prévoient pas que des agents de l’administration puissent solliciter des offres (et, dès lors, fixer les conditions du marché public) avant qu’un organe compétent ne se soit prononcé.

    L’honorable membre évoque le procès-verbal d’une réunion d’un groupe de travail. Il ne s’agit nullement d’un rapport ayant force de loi ou de recommandations. Ce procès-verbal se contente de reprendre succinctement les discussions intervenues pour aider les participants dans la cadre de la rédaction future de textes, qu’il s’agisse de projets de décret ou de circulaire.

    En ce qui concerne le dossier de la Province du Brabant wallon ayant fait l’objet de mon courrier du 14 décembre 2020, je souhaite rappeler que, lorsque l’autorité de tutelle constate une illégalité, elle n’a pas l’obligation légale de la soulever et d’annuler l’acte en cause. L’autorité de tutelle peut, en effet, suivant les circonstances du cas d’espèce, préférer laisser la délibération devenir exécutoire et formuler des remarques pour l’avenir au pouvoir local concerné. Telle a été ma décision en cette affaire.

    Enfin, en ce qui concerne la nécessité d’avertir les pouvoirs locaux, il est à noter que leur attention est attirée sur cette problématique dès que cela est nécessaire. Par ailleurs, mon cabinet travaille à la réforme des règles de compétences en ce qui concerne les marchés publics. Cette réforme implique une modification du Code de la démocratie locale et de la décentralisation. Une circulaire explicative accompagnera les textes modificatifs. Il est à noter que le groupe de travail impliqué dans cette réforme a examiné la nécessité de revoir, dans un souci de simplification administrative, les seuils de délégation fixés par le CDLD et la loi organique des CPAS. Si ce travail est toujours en cours, je peux assurer l’honorable membre que ma volonté est de permettre une augmentation substantielle de ces seuils.