/

Les boues d'épuration

  • Session : 2020-2021
  • Année : 2021
  • N° : 474 (2020-2021) 1

2 élément(s) trouvé(s).

  • Question écrite du 23/06/2021
    • de DESQUESNES François
    • à TELLIER Céline, Ministre de l'Environnement, de la Nature, de la Forêt, de la Ruralité et du Bien-être animal
    Les stations d'épuration produisent des boues qui doivent être évacuées. Ces boues contiennent divers polluants chimiques, bactériologiques ou physiques (microplastiques) qui peuvent, au bout de leur traitement, se retrouver dans la nature ou la chaîne alimentaire.

    Madame la Ministre peut-elle me préciser le cadre légal actuel pour l'évacuation de ces boues ? Où en est-elle dans l'évolution du cadre réglementaire relatif à l'utilisation des fertilisants rendu nécessaire par le Règlement UE 2019/1009 ?

    Quelles sont les analyses qui doivent être réalisées préalablement à l'évacuation des boues issues des stations d'épuration ? Comment s'effectue l'échantillonnage ? Ces analyses sont-elles systématiques ou aléatoires ? Au final, quelle est la proportion des boues qui doivent faire l'objet d'une forme de traitement de dépollution et quels sont les dépassements de normes concernés ?

    Quelle est la proportion actuelle (2020) des boues d'épuration qui sont valorisées en amendements agricoles ? Quels sont les volumes concernés ? Y a-t-il une rémunération des agriculteurs ou est-ce un prix qui est fixé ? Quels sont les tarifs pratiqués ?

    Ces boues peuvent-elles être évacuées dans des lieux naturels tels que des bois ? Si oui, à quelles conditions ?

    En réponse à un collègue, Madame la Ministre avait indiqué ceci : « Mon administration et les réseaux de recherche (ISSeP notamment) assurent une veille scientifique sur des substances potentiellement présentes dans les boues et pouvant être préjudiciables pour l'environnement et la santé. ». Comment s'assure-t-elle qu'aucun polluant ne passe entre les mailles du filet ? Les polluants tels que les perfluorooctane sulfonate (PFOS) font-ils l'objet de contrôle ? À quelle fréquence ?

    S'il existe un système de traçabilité des boues d'épuration entre la station d'épuration et leur évacuation finale (transport, traitement, géolocalisation des épandages…) ? Par qui ce système est-il contrôlé de façon à éviter des « fuites » ?
  • Réponse du 06/08/2021
    • de TELLIER Céline
    1. Cadre légal :

    Les boues d'épuration produites dans le cadre de l'assainissement des eaux usées sont soumises aux réglementations relatives aux déchets.

    La Directive européenne 2008/98/CE telle que modifiée par la directive 2018/851/UE relative aux déchets impose une gestion durable de nos déchets à travers l’échelle de Lansink qui définit une hiérarchie dans la gestion des déchets. Ainsi, la priorité est définie comme suit : prévention, préparation en vue du réemploi, recyclage, autres valorisations (notamment valorisation énergétique) et élimination.

    Dès lors, en cas de conformité aux normes, nos boues sont préférentiellement valorisées comme amendement sur les sols agricoles. En cas de non-conformité, les boues qualifiées de polluées sont détruites à travers une filière de valorisation ou d’élimination thermique.

    Le cadre légal actuel pour cette valorisation agricole des boues d’épuration est celui de la directive européenne 86/278/CEE du Conseil du 12 juin 1986 relative à la protection de l'environnement et notamment des sols, lors de l'utilisation des boues d'épuration en agriculture.

    Cette Directive a été transposée par l’arrêté du Gouvernement wallon du 12 janvier 1995 portant réglementation de l'utilisation sur ou dans les sols des boues d'épuration ou de boues issues de centres de traitement de gadoues de fosses septiques.

    Cet AGW autorise l’épandage des boues d’épuration uniquement en agriculture avec des restrictions d’utilisation. Il impose également l’obtention de certificat d’utilisation (CU).

    Les boues d’épuration utilisées en agriculture doivent également être couvertes par une autorisation délivrée sur base de l’arrêté royal du 28 janvier 2013 relatif à la mise sur le marché et à l'utilisation des engrais, des amendements du sol et des substrats de culture et ses annexes. Cet arrêté s’applique au commerce et à l’utilisation des engrais, des amendements du sol, des substrats de culture, des boues d’épuration et à tout produit ayant un effet spécifique de stimulation de la production végétale.

    La directive 86/278/CEE fait l’objet de plusieurs évaluations, dont une en cours actuellement et préalable à sa révision, qui montre notamment que des adaptations devraient être réalisées pour mieux correspondre aux attentes actuelles, dont notamment l’élargissement des polluants suivis.

    En outre, les résultats de l’évaluation de la Directive 86/278/CEE sont attendus pour la fin 2021.

    En ce qui concerne le règlement (UE) 2019/1009 établissant les règles relatives à la mise à disposition sur le marché des fertilisants UE, celui-ci exclut de son champ d’application les boues d’épuration.

    2. Échantillonnage, analyses et paramètres :

    En ce qui concerne les analyses et échantillonnages, l’AGW du 12 janvier 1995 impose que la qualité des boues soit analysée de manière régulière (durée minimale et maximale entre 2 analyses) et à une fréquence minimale en fonction de la taille de la station d’épuration. Cela relève de la responsabilité du producteur. Les analyses doivent être réalisées par un laboratoire agréé.

    L’AGW spécifie que des analyses supplémentaires doivent être effectuées dès qu'un changement risquant d'affecter de manière significative les caractéristiques des boues intervient dans la composition des eaux usées entrant dans l'installation d'épuration ou dans le fonctionnement de celle-ci. L'administration peut également imposer au producteur d'effectuer des analyses supplémentaires afin de mieux cerner les caractéristiques des boues pouvant être épandues.

    Le certificat d’utilisation (CU) spécifie pour chaque station d’épuration avec valorisation agricole, la liste des paramètres à analyser et la fréquence d’analyse. Sur certaines stations, la fréquence d’analyse est imposée par lot, c’est-à-dire pour une quantité maximale de boues produites.

    L’administration impose par ailleurs dans le CU que l’échantillonnage soit réalisé par un préleveur enregistré ou par un laboratoire agréé déchets conformément à l’AGW du 11 avril 2019 établissant les conditions d'enregistrement des préleveurs d'échantillons de déchets et les conditions d'agrément des laboratoires d'analyse des déchets, de façon à garantir la représentativité de l’échantillon et de disposer tout du moins d’un protocole d’échantillonnage approuvé et d’une formation du personnel par un laboratoire agréé.

    L’échantillonnage des boues peut être réalisé de manière ponctuelle ou par la prise de prélèvements réguliers durant la période de constitution du lot ou du tas de boues à valoriser. L’AGW du 12 janvier 1995 définit un protocole d’échantillonnage différent selon que l’on échantillonne des boues liquides ou déshydratées. Les protocoles d’échantillonnage des matières dont les boues ont été définis récemment et seront prochainement disponibles dans le compendium wallon des méthodes d’échantillonnage et d’analyse – le CWEA.

    Dans tous les cas, l’échantillon représentatif envoyé à l’analyse est obtenu à partir de plusieurs prélèvements élémentaires dont le nombre est fonction de la taille et du volume du lot à analyser.

    L’étude VALBOU recommande par ailleurs le suivi de la qualité des boues en fonction du bruit de fond de contamination de la station et par lot. Le suivi de la qualité des boues en fonction du bruit de fond est en effet un outil performant pour la gestion quotidienne des boues. Il permet de détecter plus rapidement les changements dans la composition des eaux usées entrant dans l’installation et de prendre les mesures nécessaires pour isoler une partie de lot. Cela permettrait une fréquence de suivi adaptée à la qualité et à la variabilité des effluents urbains.

    Pour les boues non valorisables et éliminées vers la filière thermique, les permis d’exploiter des stations d’épuration publiques n’imposent pas d’analyse sur les polluants.

    L’AGW du 12 janvier 1995 prescrit enfin des normes de qualité pour l’épandage des boues d’épuration en agriculture pour une liste de 7 métaux lourds, comme imposé dans la directive 86/278. Les normes réellement imposées en Wallonie via les conditions particulières dans les certificats d’utilisation sont cependant plus strictes et couvrent également plus de paramètres que ceux repris dans l’AGW du 12 janvier 1995. Elles ne couvrent cependant pas de manière systématique les microplastiques ou les PFAS/PFOS.

    Cependant, mon administration et les réseaux de recherche tiennent une veille scientifique sur des substances potentiellement présentes dans les boues et préjudiciables pour l’environnement et la santé. Certains projets de recherche se sont intéressés aux substances, dont les PFAS et les microplastiques.

    3. Traitement, destination et prix

    Les boues d’épuration valorisées en agriculture ne font pas l’objet d’un traitement de dépollution excepté une hygiénisation par chaulage permettant la réduction des agents pathogènes. Cela permet d’obtenir une boue définie comme sans risque de contamination par contact direct pour les êtres vivants.

    Environ 70 % des boues produites en Région wallonne font l'objet d'une valorisation agricole. Cela représente de l’ordre de 113.000 tonnes de matières brutes hygiénisées (tMB).

    Le coût de gestion de la filière fait partie intégrante du Coût Vérité Assainissement (CVA) inclus dans la facture d'eau du citoyen. Cela représente un coût de l’ordre de 37 euros/tMB incluant l'hygiénisation, le suivi analytique des boues et des sols, le suivi administratif de la filière et le transport entre le lieu de production et la parcelle agricole.

    4. Traçabilité et suivi de l’utilisation

    Les boues d’épuration constituent des déchets et font l’objet d’une traçabilité de leur utilisation jusqu’à la parcelle agricole. La responsabilité du producteur est étendue jusqu’à leur utilisation sans effet délétère.

    Il faut rappeler que les risques liés à la réutilisation des boues d’épuration urbaine sont maîtrisés par un suivi régulier de leur qualité, par un traitement hygiénisant à la chaux et par des règles d’épandages strictes résumées ci-après. Par ailleurs, les sols font également l’objet d’un suivi qualité afin d’éviter toute dégradation de celui-ci.

    Les boues d’épuration urbaine sont uniquement utilisées en grandes cultures. Au vu des quantités produites, leur épandage annuel ne nécessite qu’environ 5 % de la surface agricole utile en Wallonie.

    L’AGW du 12 janvier 1995 limite les quantités maximales de boues autorisées pour l’épandage en grandes cultures à 12 tonnes de matières sèches par ha sur une période de 3 ans. Les quantités réellement épandues sont en général plus faibles étant donné les teneurs en azote des boues d’épuration et les restrictions relatives aux doses d’azote organique autorisées en agriculture telles que définies dans le programme de gestion durable de l’azote.

    L’AGW du 12 janvier 1995 impose également au producteur de boue la tenue d’un registre et d’un document de suivi ainsi que l’envoi à l’administration d’un rapport annuel contenant la liste des destinataires, les quantités livrées et les documents d’accompagnement dûment complétés et signés. Les informations contenues dans ces documents reprennent entre autres le lieu de livraison et les informations relatives à la parcelle sur laquelle la boue a été épandue (localisation, surface, destination culturale).

    Il convient cependant de noter que le nouveau règlement UE 2019/1010 sur l'alignement des obligations en matière de communication d'informations dans le domaine de la législation liée à l'environnement imposera à partir d’août 2023 un rapportage annuel et non plus triennal des données et la mise à disposition du grand public des données relatives à l’utilisation des boues d’épuration urbaine.

    L’administration travaille donc à la mise en place d’un nouveau système pour pouvoir récupérer les informations complémentaires nécessaires auprès des producteurs de boues urbaines.