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Les pistes de réflexion afin de réduire l'impact de la flambée des prix du bois

  • Session : 2020-2021
  • Année : 2021
  • N° : 557 (2020-2021) 1

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  • Question écrite du 23/06/2021
    • de DESQUESNES François
    • à BORSUS Willy, Ministre de l'Economie, du Commerce extérieur, de la Recherche et de l'Innovation, du Numérique, de l'Aménagement du territoire, de l'Agriculture, de l'IFAPME et des Centres de compétences
    Les prix du bois de sciage ne cessent d'augmenter continuellement depuis l'été 2020. En un an, le prix du bois traité industriellement est passé de 250 à 450 euros/m³ voire plus. Les entreprises du secteur de la transformation du bois sont confrontées à une concurrence féroce pour l'approvisionnement en matière première à la suite d'une demande de plus en plus soutenue des marchés chinois et américains.

    La réduction de la production des entreprises américaines et chinoises en raison de la crise du Covid ainsi que le boom mondial de la construction engendrent une forte demande de bois sur les marchés internationaux. De plus, cette pénurie de bois est aggravée en Europe par les grandes quantités de bois endommagé par les scolytes et les conséquences du changement climatique.

    Tout naturellement cette augmentation des prix se répercute au final sur les consommateurs qui voient le prix de leurs constructions et de leurs projets augmenter ainsi que le délai d'attente pour être livrés.

    Interrogé sur ce dossier, Monsieur le Ministre a indiqué, fin du mois dernier, qu’il allait « dans les prochains jours » disposer d'un ensemble de contributions qui lui permettraient de lui faire une conviction définitive et de déterminer les espaces d'action dont il dispose au niveau régional.

    A-t-il pu obtenir l'ensemble des contributions ?

    Sur base de celles-ci, quelles actions Monsieur le Ministre envisage-t-il de mettre en œuvre au niveau régional ?
  • Réponse du 14/07/2021
    • de BORSUS Willy
    Nous avons déjà eu l’occasion d’évoquer à plusieurs reprises l’augmentation des prix des matériaux de construction, et notamment de celui du bois. Nous le savons, ces augmentations se répercutent immanquablement au bout de la chaine, pour ce qui concerne les consommateurs finaux, tout d’abord, mais aussi les entreprises qui voient leurs coûts augmenter dans un contexte de sortie de crise liée au Covid-19. Cette augmentation constitue un risque important – voire grave - dans le contexte de relance que l’Union européenne et la Wallonie veulent réinsuffler. C’est pourquoi j’ai une attention toute particulière sur ce dossier.
     
    Nous savons en résumé que la tension sur le prix du bois repose sur plusieurs facteurs :
    - production perturbée par la pandémie en 2020 et donc stocks plus réduits ;
    - réduction des exportations de bois canadiens vers les États-Unis où la reprise économique, plus forte qu’en Europe, dope la construction qui tente de récupérer le retard accumulé depuis la crise des subprimes ;
    - très forte reprise économique en Chine également ;
    - difficultés de transport du fait d’un déséquilibre de transports maritimes.
     
    J’ai demandé à l’Office économique wallon de me faire une analyse de l’impact de la flambée du prix du bois sur le secteur de la construction et, dans la foulée, j’ai organisé une rencontre avec la Confédération de la construction wallonne pour analyser plus globalement l’ensemble des paramètres de la situation.
    Le problème d’augmentation des prix concerne essentiellement les sciages résineux – et plus particulièrement l’épicéa, première essence wallonne – dont la production wallonne est de l’ordre de 1 200 000 m³ pour 2 200 000 m³ de grumes sciées. A côté de cela, la production de sciages feuillus est bien plus modeste avec environ 30 000 m³ des sciages pour 70 000 m³ de grumes sciées, essentiellement du chêne.
     
    Nos scieries de bois résineux tournent actuellement à plein régime, mais travaillent à flux tendu, car leurs stocks sont au plus bas. De même, nous souffrons également d’une réorientation de nos importations traditionnelles de bois sciés résineux – scandinaves et russes – vers ces deux pays. Cette tension sur la demande se traduit par une augmentation des prix moyens des épicéas sains sur pied qui sont passés de 40 euros/m³ au plus profond de la crise des scolytes en 2019 à 60 euros/m³ au printemps 2021 pour des bois de 1 m³ de moyenne. Les épicéas de 2 m³ de moyenne sont passés quant à eux de 45 euros/m³ à 70 euros/m³ dans le même laps de temps.
     
    Le volume de bois résineux utilisé dans un bâtiment varie selon le type de construction : 25 à 30 m³ pour une maison à ossature bois, 50 m³ pour une maison en bois massif et environ 5 m³ dans un bâtiment traditionnel. Une augmentation de 200 euros par m³ représente donc une augmentation, toutes choses demeurant égales, de 1 000 à 10 000 euros dans le pire des cas. Malheureusement, cette spirale inflationniste n’est pas encore terminée et touche également tous les autres matériaux, ce qui fait grimper notablement la note. À titre de comparaison, on annonce une augmentation de 35 000 $ du prix des maisons unifamiliales aux USA. Mais là, le prix du bois de construction a triplé en un an. Les constructeurs de maisons en bois wallon, par exemple, ne savent plus « à quel saint se vouer », car il se passe généralement plus de 6 mois entre la remise de prix et le début du chantier. Il leur est difficile d’appliquer une formule de révision des prix à une clientèle essentiellement privée.
     
    La pénurie de sciages résineux est conjoncturelle pour le moment. Le danger, c’est que les propriétaires forestiers ne soient maintenant tentés d’exploiter en masse leurs épicéas, par crainte de nouvelles attaques d’une part, et d’autre part pour tirer profit de la flambée des prix et ainsi reconstituer leur trésorerie. Si cela se produit, de conjoncturelle, la pénurie deviendra structurelle, et toute la filière « résineux » sera dangereusement fragilisée. Comme toujours en matière forestière, il faut donc éviter de ne considérer que l’intérêt à court terme.
     
    Le maintien de la pérennité de notre forêt wallonne prend donc ici une dimension stratégique. Certaines essences en place montrent dès à présent leurs limites, ce qui impose la recherche de nouvelles pistes. Comme il n’existe pas de solution miracle, une approche empirique du problème s’impose sur base d’une multiplication des essences plantées de façon à répartir les risques.
     
    L’effet de cette politique ne sera bien entendu pas immédiat pour les entreprises qui pourront continuer sur leur lancée pendant plusieurs années encore, le temps de valoriser la ressource en place actuellement. On pourrait espérer que cela dure le temps d’une révolution (en sylviculture, c’est le nombre d’années séparant l’installation d’un peuplement de sa récolte finale), mais c’est sans compter, outre le risque de voir les propriétaires se débarrasser de leurs épicéas, l’impact des facteurs extérieurs comme les scolytes, les tempêtes, les sécheresses, etc. qui en réduiront inéluctablement la durée.
     
    Dans le contexte actuel, il est clair que les segments avals de la filière souffrent. Ils ont été pris au dépourvu par cette flambée imprévue des prix. Ils doivent maintenant subir cette flambée, mais aussi tenter de répondre aux aléas et incertitudes de livraison qui handicapent lourdement leurs activités. Des voix s’élèvent dès lors pour réclamer des mesures protectionnistes (interdiction d’exportation, taxation…) que nos politiques commerciales nationale et européenne ne permettent cependant pas d’envisager. Ce n’est toutefois pas d’application pour les politiques commerciales de certains pays comme la Russie (qui taxe les exportations de bois dont le taux d’humidité est supérieur à 22 % depuis le 1er juillet et interdira les exportations de bois non transformés à partir du 1er janvier 2022), les USA ou la Chine quand leurs intérêts nationaux sont en jeu.
     
    S’il est difficile de donner des perspectives à court terme, il faut dès à présent avoir des visées à plus long terme en préparant une mutation des habitudes et des compétences des entreprises de façon à structurer la mobilisation, la transformation et la valorisation des futures essences, mais également des essences secondaires actuelles qui présentent de bonnes aptitudes d’adaptation et donc de résilience (bouleau, saule…). Une telle mutation doit être encouragée par le Gouvernement wallon et portée par les organismes de soutien au développement économique et technique de la filière.
     
    Un autre problème vient de l’allongement des délais de livraison qui rend de plus en plus aléatoire le déroulement dans le temps des chantiers. La situation de la filière bois et du secteur de la construction est donc on ne peut plus tendue.
     
    Les scieries de bois résineux et l’industrie du panneau ne bénéficient pas de garantie d’approvisionnement. Seul un système de vente en géré à gré à destination des scieries locales de bois feuillus existe, mais est de portée assez limitée (entre 4 000 et 6 000 m³ par an pour un besoin de 70 000 m³). Les acteurs aval de la filière ne bénéficient pas non plus de garantie d’accès à la matière première.
     
    Il faut réinjecter de la confiance dans l’avenir en freinant un emballement des coupes d’épicéas, et en maintenant sur notre territoire une production suffisante de résineux et la filière de transformation qui en dépend.
     
    La filière bois se trouve ici à une croisée de chemins et son avenir reposera sur sa capacité à faire le bon choix. Diversifier la matière première sans adapter parallèlement l’outil de transformation et les habitudes de consommation serait très hasardeux.
     
    Tout le travail de recherche et d’innovation visant à une moindre consommation de la matière première, à sa réutilisation, à l’identification d’alternatives mêmes partielles… doit être évidemment soutenu et amplifié.