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La portée de l'article 9 du décret du 30 mars 1995 sur la publicité de l'administration dans le cadre des dossiers administratifs visés par le décret du 6 février 2014 relatif à la voirie communale

  • Session : 2020-2021
  • Année : 2021
  • N° : 561 (2020-2021) 1

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  • Question écrite du 25/06/2021
    • de SCHYNS Marie-Martine
    • à BORSUS Willy, Ministre de l'Economie, du Commerce extérieur, de la Recherche et de l'Innovation, du Numérique, de l'Aménagement du territoire, de l'Agriculture, de l'IFAPME et des Centres de compétences
    L'article 9 du décret du 30 mars 1995 tel que modifié en dernier lieu par le décret du 2 mai 2019 stipule :
    « lorsque la demande de publicité porte sur un document administratif d'une autorité administrative régionale incluant une œuvre protégée par le droit d'auteur, l'autorisation de l'auteur ou de la personne à laquelle les droits de celui-ci ont été transmis n'est pas requise pour autoriser la consultation sur place du document ou pour fournir des explications à son propos.
    Une communication sous forme de copie d'une œuvre protégée par le droit d'auteur n'est permise que moyennant l'autorisation de l'auteur ou de la personne à laquelle les droits de celui-ci ont été transmis.
    Dans tous les cas, l'autorité spécifie que l'œuvre est protégée par le droit d'auteur. »

    Dans la pratique, lors des enquêtes publiques relatives à des créations, modification ou suppressions de voiries visées par les articles 7 et suivants du décret du 6 février 2014, un certain nombre de communes refusent aux citoyens qui viennent consulter le dossier le droit d'obtenir des copies ou même de photographier les plans, voire parfois même les documents administratifs exigés par l'article 11 du décret. Elles invoquent à cet effet la protection du droit d'auteur du plan (architecte ou géomètre, selon le cas)
    Cela oblige les citoyens à réaliser des dessins approximatifs sans calque en se basant sur le plan qu'ils voient.

    Or la comparaison des plans de voirie avec d'autres plans ne figurant pas dans le dossier est souvent indispensable pour permettre d'introduire des remarques dans l'enquête publique.
    Bon nombre des voiries concernées par ces plans sont par ailleurs des « sentiers » relevant de la mobilité douce, laquelle est considérée comme partie intégrante de la matière de l'environnement et donc des dispositions spécifiques de publicité (plus larges) de l'administration en matière environnementale.

    La protection du droit d'auteur dont bénéficient les architectes ou géomètres qui ont réalisé les plans peut-elle concerner des biens qui font partie ou feront partie du domaine public de la voirie (quand le plan concerné sera concrétisé sur le terrain) ?

    L'intérêt légitime dont dispose tout utilisateur de la voirie à pouvoir examiner de près un plan établi par un auteur de projet visant à sa modification ne permet-il pas de considérer qu'on ne peut lui refuser le droit de photographier (à défaut de pouvoir le photocopier) un plan relatif à une voirie ?

    Quelle est la portée des termes « ou de la personne à laquelle les droits de celui-ci ont été transmis. » ?

    Ces termes signifieraient-ils que dès qu'un auteur de projet a déposé son dossier de modification de voirie à l'administration communale, il a en réalité transféré ses droits à la commune dont il sollicite qu'elle modifie la voirie publique concernée ? Si oui, la commune qui refuserait de laisser photographier un des éléments visés à l'article 11 du décret du 6 février 2014 ne violerait-elle pas le décret du 30 mars 1995 ou, pour les voiries constituant des éléments de la mobilité douce, les dispositions du Code de l'environnement relatives à la publicité de l'administration en matière environnementale ?
  • Réponse du 08/07/2021
    • de BORSUS Willy
    Conformément à l’article 2 du décret du 30 mars 1995 relatif à la publicité de l’administration, celui-ci « ne s'applique pas aux matières visées par les articles D.10 à D.20.18 du Livre Ier du Code de l'Environnement. ».
     
    Selon une jurisprudence constante de la Commission d’accès aux documents administratifs (CADA) « Il ressort, en effet, des travaux parlementaires que l’intention des auteurs de l’avant-projet de Code de l’environnement est établie en ce sens que l’application des textes généraux relatifs à la publicité de l’administration (notamment pour les pouvoirs locaux) ne s’étend pas aux matières environnementales ».
     
    La procédure relative à la création, modification ou suppression d’une voirie communale, telle qu’organisée par le décret du 6 février 2014 relatif à la voirie communale ressort effectivement de la notion d’information environnementale telle que définie à l’article D.6, 11° du Livre Ier du Code de l’Environnement.
     
    Par conséquent, ce sont les règles organisant un tel accès aux informations détenues par une autorité publique, telles que fixées par les articles D.10 à D.20.18 précités, qui s’appliquent dans de telles hypothèses.
     
    Ce droit d’accès aux informations environnementales fut conçu, aux termes de la directive 2003/4/CE du Parlement européen et du Conseil du 28 janvier 2003, effectivement mise en œuvre en Wallonie par le Code de l’Environnement, de manière extrêmement large, les limitations prévues à ce droit aux articles D.19 et D.20 dudit code devant être et étant effectivement interprétées de manière restrictive.
     
    Parmi les circonstances pouvant mener à la limitation de ce droit d’accès à certaines informations figure le fait que l’exercice de ce droit « est susceptible de porter atteinte […] à des droits de propriété intellectuelle » (Article D.19, § 1er, Code de l’Environnement).
     
    Cependant, même dans cette circonstance, ce motif de limitation du droit d’accès est interprété « de manière restrictive en tenant compte de l'intérêt que présente pour le public la divulgation de l'information. Dans chaque cas particulier, l'autorité publique met en balance l'intérêt public servi par la divulgation avec l'intérêt servi par le refus de divulguer. » (Article D.19, § 2, Code de l’Environnement).
     
    En ce qui concerne la question spécifique des plans de géomètre ou d’architecte, ceux-ci bénéficieront de la protection du droit d’auteur aux conditions des dispositions légales en la matière, lesquelles impliquent à tout le moins qu’ils puissent être considérés comme une « œuvre originale », en ce, qu’ils portent, ou pas, sur un bien qui fera partie du domaine public.
     
    Cependant, au regard des règles applicables en matière d’accès à l’information environnementale, cette limitation du droit d’accès à ces documents ne pourra pas s’appliquer chaque fois que, d’une part, ces plans ne couvrent pas une « œuvre originale » et, d’autre part, indépendamment de savoir s’il s’agit d’une œuvre originale, lorsque l’intérêt public défendu par le droit d’accès à ce document prévaut sur l’intérêt privé que vise à protéger le refus de communication.
     
    En matière de voirie communale, le plan de délimitation, qui constitue une des pièces du dossier de demande relatif à la voirie communale, est un document graphique de nature technique, visant à déterminer les limites du domaine public de ladite voirie et est, à ce titre, dressé par un géomètre expert, conformément à l’article 3 de la loi du 11 mai 2003 protégeant le titre et la profession de géomètre-expert. Il constitue un document ne laissant pas place à l’expression d’aucune « originalité ».
     
    Ce type de plan peut être assimilé à un plan d’implantation et de situation, à propos desquels la Commission de recours pour le droit d’accès à l’information en matière d’environnement (CRAIE) a eu l’occasion de préciser que « Il y a lieu de constater que les plans d’implantation et de situation […] ne sont pas couverts par la législation sur les droits d’auteur, à défaut d’établir qu’ils présentent un caractère original. » (Décision n° 482 du 17.11.2010).
     
    En ce qui concerne les autres documents composant le dossier relatif à la voirie communale, dont, le cas échéant, les plans d’architecte relatifs à la demande de permis (de quelque nature qu’elle soit), ayant justifié la procédure relative à la voirie communale, ceux-ci répondent également de la définition d’information environnementale, comme le précise la jurisprudence constante de la CRAIE et comme a eu l’occasion de le confirmer le Conseil d’État dans un arrêt n° 232 282, du 22 septembre 2015.
     
    L’accès à ces documents devra être autorisé et une copie adressée chaque fois que ceux-ci ne concernent pas une « œuvre originale » ou, lorsqu’ils portent sur une telle œuvre, dès lors que l’intérêt public impliquant l’accès à cette information environnementale supplante l’intérêt privé de protection des droits d’auteur.
     
    C’est sur base d’une interprétation extrêmement large de ce droit d’accès aux informations, telle que préconisée aux termes de la directive 2003/4/CE précitée, que la jurisprudence de la CRAIE, qui confirme de manière presque systématique la priorité de cet intérêt public sur la protection liée aux droits d’auteur, ordonne la communication d’une copie desdits plans.
     
    En matière de voirie communale, il peut généralement être considéré que la disposition des plans est essentielle pour permettre au public de comprendre l’incidence environnementale du projet, d’assurer la défense de leurs droits ou, tout simplement, de permettre leur participation à la prise de décision.
     
    Si, sous réserve du fait que les plans constituent une « œuvre originale » et que l’intérêt de leur transmission soit moindre que celui de la protection des droits d’auteurs (cette pondération des intérêts doit être effectuée par l’autorité publique détentrice des plans), l’information doit être rendue accessible au public, cet accès doit être réalisé selon les formes prévues par le Code de l’Environnement.
     
    Aux termes de l’article D.13 de celui-ci, « L'information environnementale peut notamment être :
    - consultée sur place, ou ;
    - délivrée sous forme de copie du document dans lequel l'information demandée est consignée ou par courrier électronique. ».
     
    La prise de photographie directement par le public n’étant pas envisagée, celle-ci devra être proscrite.