à TELLIER Céline, Ministre de l'Environnement, de la Nature, de la Forêt, de la Ruralité et du Bien-être animal
Les eaux de l'Escaut et de la Dendre ont charrié, il y a 3 semaines, des milliers de cadavres de poissons, victimes d'un manque d'oxygène, ravivant le triste souvenir de l'importante pollution d'avril 2020, due à une rupture de digue chez Terreos, dans le nord de la France.
Plusieurs hypothèses ont été formulées par des agents du SPW pour expliquer l'origine de cette nouvelle pollution, notamment : - les orages qui se sont abattus sur la région ont vraisemblablement "lessivé" les terres à un moment où de nombreux produits phytosanitaires ont été appliqués sur les champs. Ces produits se seraient déversés dans les rivières et cours d'eau aboutissant à la Dendre et à l'Escaut, provoquant l'abaissement du taux d'oxygène dans les eaux; - des causes plus « naturelles » : des eaux trop boueuses, beaucoup de matières en décomposition dans ces fleuves, ou encore des chaleurs trop élevées.
Le Département Police et Contrôle aurait analysé des prélèvements faits dans la Dendre et l'Escaut pour confirmer ou infirmer ces diagnostics.
Quels sont les résultats des analyses réalisées et comment ceux-ci permettent-ils d'orienter la mise en place du plan d'action ?
Plus globalement, la Région tient-elle à jour une cartographie de la qualité d'oxygénation des cours d'eau en Wallonie ?
Comment cette cartographie permet-elle la mise en oeuvre d'actions préventives là où la situation est identifiée comme critique ?
Réponse du 18/11/2021
de TELLIER Céline
Mes services ont bien été informés d’une pollution sur la Dendre et l’Escaut le samedi 19 juin en matinée. Les concentrations en oxygène y étaient très basses et de nombreux poissons venaient chercher l’air en surface. Des émulseurs favorisant la réaération de l’eau ont immédiatement été mis en place par les Voies navigables à Rebais et à Lessines sur la Dendre. Des prélèvements d’eau ont été effectués.
À ce stade, bien que les températures de la Dendre étaient élevées, ce ne sont pas elles qui ont provoqué la mortalité observée. L’origine de la pollution est à chercher probablement dans les phénomènes orageux qui ont précédé de quelques heures les signes de mortalité et qui ont très probablement lessivé et apporté des polluants organiques aux cours d’eau. Une source très vraisemblable de ces polluants pourrait être le lessivage rapide de conduites d’évacuation des eaux usées qui se sont enrichies en matières organiques non évacuées en début de printemps. Ce phénomène semble hélas se reproduire et ne concerne pas que le bassin de l’Escaut.
Il est vrai cependant que les épisodes de forte chaleur, accompagnés de manque de pluviosité et de faibles débits, qui souvent accompagnent ces épisodes orageux, jouent un rôle catalyseur néfaste pour la vie dans les cours d’eau. Hausse des températures, peu d’oxygène, faible débit et manque de renouvellement de l’eau, tout cela favorise le « croupissement » de l’eau en cas d’arrivée soudaine de matières organiques biodégradables, et provoque au final la mortalité des poissons que nous observons hélas trop souvent en début d’été en différents points du réseau hydrographique wallon.
Seul le réseau alerte composé de 7 sites stratégiques (comme les entrées et sorties du territoire) permet de monitorer l’oxygène dissous en continu.
Le programme de surveillance de la qualité physico-chimique des eaux de surface comprend 54 sites sur les principaux cours d’eau qui sont échantillonnés chaque mois par l’ISSeP. Lors des prélèvements, l’oxygène dissous est mesuré sur le terrain.
Si l’on examine l’historique des résultats, on constate effectivement un déficit d’oxygène correspondant aux périodes plus sèches, dans les cours d’eau de plaine et chargés en nutriments.
Établir un plan d’action préventive sur ces mesures me semble disproportionné en termes de mobilisation et d’énergie à y consacrer, et assez aléatoire puisque les mortalités dépendent également d’épisodes orageux subséquents.
Il est préférable de renforcer la résilience des cours d’eau face à la sécheresse et agir progressivement sur le fond du problème qui est la piètre qualité écologique de certains de nos cours d’eau situés en milieux fortement urbanisés ou agricoles.
Mon Administration travaille sur plusieurs aspects de la « Stratégie Intégrale Sécheresse » en proposant des mesures qui limiteront les effets néfastes du réchauffement climatique sur les cours d’eau en général, et sur le réchauffement des eaux en particulier. Ces mesures visent notamment à : - assurer une protection et reconstitution de la ressource par le biais des outils réglementaires existants ou à créer, comme par exemple le permis d’environnement pour les prises d’eau, la définition du cadre légal sur la priorité des usages de l’eau, la gestion des eaux pluviales ou d’outils de contrôle de celles-ci ; - mettre en œuvre des mesures visant à favoriser la résilience de l’environnement naturel et rural en se basant sur des techniques « naturelles » de gestion, telles que par exemple le soutien à la plantation de bandes arbustives le long des cours d’eau, le développement des zones de reméandration latérale et la création de zones d’immersion temporaire ou de rétention.
Toutes ces mesures doivent permettre à nos cours d’eau de retrouver des capacités de résilience face au changement climatique et ainsi à mieux supporter le choc de ces pollutions accidentelles, que nous combattons aussi quotidiennement.