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L'artificialisation des terres et les octrois de permis d'urbanisme malgré les risques d'inondations

  • Session : 2020-2021
  • Année : 2021
  • N° : 575 (2020-2021) 1

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  • Question écrite du 02/07/2021
    • de RYCKMANS Hélène
    • à BORSUS Willy, Ministre de l'Economie, du Commerce extérieur, de la Recherche et de l'Innovation, du Numérique, de l'Aménagement du territoire, de l'Agriculture, de l'IFAPME et des Centres de compétences
    Interrogé en séance plénière le 9 juin 2021 sur les inondations Monsieur le Ministre a annoncé tenir à ma disposition les statistiques d'artificialisation des sols et m'a répondu que d'extrêmes précautions étaient prises par les fonctionnaires délégués, en tant qu'autorités délibérantes de première instance dans la délivrance et aussi parfois dans les refus d'un certain nombre de permis.
     
    Des données et des cartes d'artificialisation des terres peuvent-elles m'être communiquées pour chaque province wallonne ?
     
    Quelles sont les précautions prises pour l'octroi ou le refus des permis en cas de risque d'inondations ?
     
    Quels sont les chiffres des permis octroyés ou au contraire refusés pour ces raisons, pour chaque province ou chaque bassin hydrographique de Wallonie ?
     
    Puis-je disposer du détail pour les communes de la province du Brabant wallon ?
  • Réponse du 23/07/2021
    • de BORSUS Willy
    Concernant la lutte contre l’artificialisation, la Déclaration de politique régionale prévoit de réduire la consommation des terres artificialisées en la plafonnant d’ici 2025. Le schéma de développement du territoire adopté par le Gouvernement wallon le 16 mai 2019 a pour objectif de réduire la consommation des terres non artificialisées à 6 km² par an d’ici 2030, soit la moitié de la superficie consommée actuellement, et de tendre vers 0 km² par an à l’horizon 2050.
     
    Il faut également évoquer complémentairement à cela les engagements importants du Gouvernement visant notamment la résilience du Territoire et des sols, à développer la plantation d’arbres et de haies, ou encore, pour ce qui concerne l’agriculture, les mesures agro-environnementales et climatiques, etc.
     
    Selon les données de l’IWEPS, en 2020, la forêt occupe 29,3 % du territoire contre 28,5 % pour les terres arables et cultures permanentes et 23,2 % pour les surfaces enherbées et friches agricoles. Les terrains artificialisés couvrent, quant à eux, de 11 à 16 % de la superficie de la Wallonie (si l’on inclut les superficies non cadastrées qui représentent, en 2020, 5,2 % du territoire et dont une partie, de l’ordre de 85 %, correspond à des routes, chemins, voiries ou chemins de fer et leurs espaces associés, alors que le solde correspond à des voies d’eau).
     
    Toujours selon l’IWEPS, entre 1985 et 2020, les terrains artificialisés ont connu une croissance d’environ 552 km², ce qui correspond à une artificialisation moyenne de 15,8 km²/an. Cette artificialisation s’est faite principalement au détriment des terres agricoles, avec, d’après des chiffres issus du cadastre, une perte de superficie de 596 km² entre 1985 et 2020 (soit -6,4 % en 35 ans). Durant cette période de 1985 à 2020, la croissance des terrains artificialisés a été la plus intense entre la fin des années 1980 et la fin des années 1990, avec une artificialisation moyenne de plus de 18 km²/an. Durant les années 2000, l’artificialisation a été évaluée à 16 km²/an et elle baisse encore sur la période 2010-2014 à 12,7 km²/an et pour la dernière période de 5 ans (2015-2019) à 11,2 km²/an. C’est donc sur une trajectoire descendante que nous nous situons.
    L’inventaire cartographique réalisé par l’IWEPS est accessible via le lien suivant https://walstat.iweps.be/walstat-catalogue.php?indicateur_id=215700. Il est possible d’agréger ces données par communes ou par province.
     
    En ce qui concerne les biens immobiliers cadastrés construits, ils sont, selon les données du cadastre au nombre 2.342.162 toutes activités confondues pour une superficie totale 228,81 km² (28.881 ha). Cette superficie est donc à mettre en rapport avec les 16.901 km² de l’ensemble de la Wallonie. Elle représente 1,35 % du territoire en superficie « redressée » (qui tient compte de la pente). À cela, il convient d’ajouter les espaces publics (non cadastrés) dont une portion doit être considérée comme imperméabilisée. On peut raisonnablement considérer qu’un peu plus de 800 km² sont imperméabilisés soit 4,75 % au maximum de l’ensemble du territoire étant entendu que tous les cours et plans d’eau y sont intégrés.
     
    S’agissant de l’impact de l’urbanisation sur les phénomènes d’inondation, je suggère d’examiner les coefficients de ruissellement tels que retenus par le Groupe transversal Inondation (GTI) puisqu’il s’agit du premier critère déterminant la quantité d’eau interceptée au sol qui va ruisseler vers l’aval. Ainsi, une zone forestière présente un coefficient de ruissellement de 0,05, des jardins ou une prairie de 0,15, des champs cultivés, de 0,25, des toitures ou un plan d’eau (canaux, rivières et barrage) de 1. Cela signifie que pour 10 litres d’eau interceptés au sol : 50 cl ruissellent en zone forestière ; 1,5 litre (150 cl) ruisselle sur des prairies ou un jardin ; 2,5 litres ruissellent en zone cultivée et 10 litres ruissellent sur toute superficie imperméabilisée.
     
    En ce qui concerne la prise en compte des risques d’inondation à l’occasion des procédures de délivrance des permis, je fais référence à l’article D.IV.57, du Code du développement territorial qui permet à toute autorité administrative de refuser ou de soumettre à condition tout permis relatif à un bien exposé à un risque naturel majeur tel que l’inondation. Les éventuelles restrictions à la construction sont dès lors prises au cas par cas eu égard à la catégorie de projet, à sa conception et à sa localisation.
     
    Afin d’éclairer l’autorité compétente dans cette prise de décision, le Code prévoit, en son article R.IV.35-1, que des consultations doivent obligatoirement être réalisées dans le cadre de l’instruction d’une demande de permis ou de certificat d’urbanisme n° 2.
     
    Ainsi, tout projet relatif à un bien immobilier qui, de par sa localisation ou sa nature, est susceptible de produire un impact sur un cours d’eau ou est soumis à l’aléa inondation au sens de la cartographie adoptée par le Gouvernement en application de l’article D.53-2 du Code de l’eau est soumise à l’avis du gestionnaire de cours d’eau :
    - Cours d’eau navigable : SPW MI - Département des Voies hydrauliques ;
    - Cours d’eau non navigable de 1re catégorie : SPW ARNE - Département de la Ruralité et des Cours d’eau ;
    - Cours d’eau non navigable de 2e catégorie ou non classé : service technique provincial ;
    - Cours d’eau non navigable de 3e catégorie : collège communal concerné.
    De plus, tout projet situé dans un axe de ruissellement concentré au sens de l’article R.IV.4-3, alinéa 1er, 4°, du CoDT sera obligatoirement soumis à l’avis du SPW ARNE – Département de la Ruralité et des Cours d’eau, cellule GISER.
     
    Je rappelle, par ailleurs, l’existence d’une circulaire du 3 mai 2018 visant la « prise en compte des aspects de prévention et de lutte contre les risques d’inondation par débordement de cours d’eau, par ruissellement et coulées boueuses dans la délivrance des permis ». Elle est d’application depuis le 1er juillet 2018.
     
    Cette circulaire expose la manière de prendre en compte les aspects de prévention et de lutte contre les risques d’inondation par débordement, ruissellement et coulées de boue dans la délivrance ou le refus des permis. Y sont notamment explicités les outils cartographiques permettant de définir les zones sensibles aux risques d’inondation par débordement, par ruissellement et aux coulées boueuses. Dans le contexte des obligations introduites par le CoDT, la circulaire clarifie également les modalités des procédures de demande d’avis sur permis et autorisations tant en présence de ruissellement que de débordement de cours d’eau.
     
    Au-delà des consultations obligatoires visées au R.IV.35-1, certaines communes ou certains fonctionnaires délégués consultent la Cellule Aménagement-Environnement du Département de l’Aménagement du territoire et de l’Urbanisme du SPW TLPE qui est particulièrement compétente pour examiner les interactions entre les risques majeurs.
     
    La liste des risques visés à l’article D.IV.57 du CoDT n’est en effet pas exhaustive et, il faut souligner que ces risques peuvent se cumuler voire, dans certains cas, interférer les uns avec les autres : je pense notamment au karst et au risque d’inondation, au risque de glissement de terrain et à celui d’inondation.
     
    Ce service avait en outre conçu une brochure disponible sur internet, qui identifie des techniques possibles à mettre en œuvre pour protéger les bâtiments soumis aux risques d’inondations et ainsi réduire leur vulnérabilité.
     
    Mon administration intervient par ailleurs dans le cadre des échanges se déroulant dans le Groupe Transversal Inondations regroupant les principaux acteurs de l’eau. Dans ce cadre, mon administration, forte de sa connaissance des réalités en matière d’urbanisation, a proposé des mesures de prévention qui ont été appréhendées dans les Plans de Gestion des Risques d’Inondations (PGRI).
     
    Selon les statistiques établies sur la base des encodages dans GesPer (logiciel de gestion des permis de mon administration), 9 permis sur 10 sont délivrés par les collèges communaux. En 2019, 62 % de ces décisions communales se sont effectuées sans avis du fonctionnaire délégué. Je ne dispose cependant pas de données spécifiques quant au nombre de permis qui ont dû être analysés au regard des conséquences que les travaux peuvent engendrer sur l’écoulement et l’infiltration des eaux, lorsque l’on se situe dans des zones à risque. 
     
    Quelles que soient les mesures prises au titre de la maîtrise de l’urbanisation dans les zones les plus sensibles à l’aléa inondation, il est cependant évident qu’elles sont malheureusement impuissantes pour juguler les effets de crues d’une ampleur telle que celles que notre Région a hélas subies ces 14 et 15 juillet.