/

La condamnation de la Belgique pour inaction climatique

  • Session : 2020-2021
  • Année : 2021
  • N° : 647 (2020-2021) 1

2 élément(s) trouvé(s).

  • Question écrite du 06/07/2021
    • de DESQUESNES François
    • à HENRY Philippe, Ministre du Climat, de l'Energie et de la Mobilité
    Après de longues années de procédure, le tribunal de première instance de Bruxelles a condamné notre pays pour inaction climatique. En effet, c'est en 2014 que l'ASBL Klimaatzaak a accusé les autorités belges de porter atteinte aux droits humains en menant une politique climatique négligente. Le tribunal lui a donné raison. Mais l'ASBL voulait aller plus loin en obligeant l'État à rehausser ses ambitions et a déjà annoncé sa volonté de faire appel et de porter l'affaire devant la Cour européenne des Droits de l'homme.

    C'est dans ce contexte par ailleurs que le GIEC mettait en garde dans son rapport : un réchauffement climatique durable supérieur au seuil de +1,5°C aurait des « impacts irréversibles pour les systèmes humains et écologiques ».

    Quelle est l'analyse de Monsieur le Ministre de ce jugement ?

    Quelles sont les conséquences et implications pour notre Région de ce jugement ?

    Quelle est la position qui a été portée par la Wallonie dans ce jugement ?

    Des concertations entre les différentes entités de notre pays et le Fédéral vont-elles être mises en place pour répondre à ce jugement et rehausser nos ambitions climatiques ?

    Commentva-t-il concrètement réagir au niveau wallon, mais aussi au sein de la CNC qu'il préside pour répondre à ce jugement ?
  • Réponse du 05/08/2021
    • de HENRY Philippe
    Depuis le début du contentieux, la Région wallonne a adopté la position suivante : la Région connaît l’importance des enjeux climatiques et prend les mesures qui relèvent de sa compétence. Cependant, puisque les parties demanderesses ont fait le choix de porter la question de la politique climatique devant les cours et tribunaux, la Région a estimé qu’elle devait se défendre sur le plan des principes du droit. Elle opposait donc une contestation générale, en fait comme en droit, à la demande qui était dirigée contre elle.

    Toutefois, dans la partie « Les faits », la Région n’a pas manqué de souligner le décret climat et la DPR qui prévoient des objectifs plus contraignants que les objectifs internationaux et européens, ainsi qu’une présentation du PACE 2030 et de ses mesures.

    Le jugement du Tribunal de 1re instance francophone de Bruxelles a été rendu le 17 juin 2021 et fait le constat d’un manquement à l’obligation générale de prudence dans le chef de l’État fédéral et des trois Régions.

    Le message fort de ce jugement est qu’il est nécessaire d’intensifier les efforts conjugués et solidaires dans le cadre de la transition juste. L’État et les Régions doivent être plus responsables des conséquences des changements climatiques.

    Dans cette optique, nous devons renforcer encore la coordination intrabelge.

    Le dialogue avec les autres Ministres du Climat est en cours, notamment via la Présidence de la CNC cette année. Concrètement, il est nécessaire d’aboutir au niveau de la négociation climatique intrabelge à la conclusion d’un « burden sharing » 2030, sur base des nouvelles règles EU Fit for 55 attendue mi-juillet. Je vise la COP26 de novembre.
    Je peux assurer l’honorable membre que, dans le cadre de la Présidence wallonne de la Commission nationale Climat, nous utilisons toutes les voies de dialogue possibles pour arriver à un consensus. Nous agissons à la fois en bilatérales et de manière collégiale pour avancer dans nos discussions, même si l’histoire montre qu’il est difficile de prédire l’issue de ces débats.

    Il est clair que des discussions ministérielles seront nécessaires pour finaliser les travaux et diverses instances sont imaginables pour ces rencontres, puisque nous avons la Commission nationale Climat, la Conférence interministérielle élargie de l’Environnement, le Comité de concertation ou toute autre réunion ad hoc pour le faire.

    Par ailleurs, le volontarisme et les bons résultats wallons peuvent être soulignés. Nous pouvons citer par exemple le décret climat adopté en 2014 et la construction d’un nouveau Plan Air-Climat-Energie 2030 avec un niveau d’ambition de -55 % par rapport à 1990.

    Pour ce qui concerne les résultats chiffrés de la Belgique par rapport à ses obligations internationales et européennes de réduction des émissions de gaz à effet de serre, plusieurs observations peuvent être faites.

    Premièrement, le tribunal a relevé que les chiffres définitifs relatifs aux émissions de gaz à effet de serre pour 2019 et 2020 n’ont pas pu être communiqués. Mais il constate que la Belgique n’est pas sur la bonne voie.

    En ce qui concerne les obligations internationales de la Belgique, l’objectif de réduction des émissions de GES est de 20 % pour 2020. L’inventaire belge des émissions de GES 1990-2019 déposé à la CCNUCC le 14 avril 2021(après les plaidoiries, donc) indique une diminution des émissions belges de gaz à effet de serre (hors LULUCF) de 19,9 % en 2019 par rapport aux émissions belges de 1990.

    En ce qui concerne les obligations européennes de la Belgique, le jugement indique que le principe de réduction linéaire de la décision 406/2009 n’a pas été respecté. Toutefois, cette décision (article 3, §2 et 3) prévoit que les États membres peuvent reporter la partie de leur quota annuel d’émissions pour une année donnée qui dépasse leurs émissions effectives de gaz à effet de serre pour cette année, aux années suivantes jusqu’en 2020. Au début de la période 2013-2020, la Belgique a accumulé des surplus et la Belgique (ainsi que la Région wallonne) dispose toujours d’un solde cumulé positif.

    En ce qui concerne la période 2020-2030 et 2050, le tribunal estime que les objectifs de neutralité en 2050 sont compromis par le scénario de réduction en 2030. Malheureusement, cette appréciation provient du rapport scientifique publié par le groupe d’experts pour le Climat et le Développement durable daté du 14/5/2019. Ce rapport ne peut évidemment pas tenir compte des nouveaux objectifs européens pour 2030 (-55 % pour 2030) ni de la déclaration de politique régionale wallonne de septembre 2019 fixant à la Wallonie un objectif de réduction de 55 % pour 2030.

    Un autre message fort de ce jugement fondé sur des interpellations citoyennes est qu’il est essentiel d’impliquer plus le citoyen. Cette démarche est en cours dans le processus de consultation citoyenne sur le climat en Wallonie et dans d’autres thématiques à Bruxelles et en Communauté germanophone.

    Ce jugement ne peut que nous encourager à continuer et intensifier nos actions en faveur du climat ! Et à traduire les objectifs pour 2030 et 2050 dans des textes contraignants.