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Le défi de l'entretien des cimetières à l'heure du "zéro phyto" et leur végétalisation

  • Session : 2020-2021
  • Année : 2021
  • N° : 519 (2020-2021) 1

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  • Question écrite du 24/08/2021
    • de LEPINE Jean-Pierre
    • à TELLIER Céline, Ministre de l'Environnement, de la Nature, de la Forêt, de la Ruralité et du Bien-être animal
    Depuis le 1er juin 2019, l'interdiction des produits phytopharmaceutiques, dont les herbicides font partie, est complète dans tous les espaces (publics ou privés) accessibles au public, dont les cimetières.

    Au niveau des communes, la charge d'entretien, qui revient aux ouvriers, est significative, et ceux-ci se trouvent souvent dépassées par la levée des graines présentes dans le sol.

    Les cimetières sont, chez nous, depuis le tournant du XXe siècle, des lieux minéraux et strictement organisés. Aussi, pour beaucoup, voir la nature reprendre ses droits entraîne un sentiment de laxisme ; un laxisme imputé aux autorités communales.

    Face aux exigences, bien légitimes, et aux doléances en matière de « propreté » de la population, pour les communes, l'objectif « zéro phyto » n'est pas aisé à atteindre par le recours au seul désherbage alternatif, dans ce lieu très sensible.

    Plus encore qu'un « simple » changement de comportement, c'est donc à une évolution des mentalités que l'on s'attaque lorsque l'on travaille sur l'abandon des pesticides dans les cimetières.

    L'option de la végétalisation des cimetières, à l'image des cimetières militaires, ou des cimetières civils anglo-saxons et germaniques, s'impose comme une alternative à considérer. Si cette solution présente des facilités d'entretien par rapport au désherbage, crée un chaînon supplémentaire dans le maillage écologique, donne au cimetière une fonction d'espace vert et crée des conditions plus favorables au recueillement, elle n'en demeure pas moins un défi technique, financier et communicationnel : les ouvriers ne maîtrisent pas les techniques de végétalisation, la formation est donc nécessaire ; l'acquisition de matériel s'avère nécessaire et génère un coût ; la logistique est toute autre ; un plan de communication aux citoyens, qui y voit souvent un manquement des autorités communales dans l'exercice de leur mission d'entretien des espaces publics, est également indispensable.

    Madame la Ministre peut-elle nous faire part des leviers que le Gouvernement a actionnés ou pourrait actionner pour venir en aide aux communes afin de relever efficacement ce défi ?

    L'ASBL Ecowal accompagne, depuis 2015, les communes dans la gestion de leurs cimetières sans pesticides. Un subside lui est-il alloué ? À combien s'élève-t-il ? Combien de communes ont-elles pu bénéficier d'un accompagnement d'Ecowal ?

    Des appels à projets visant la « végétalisation des cimetières », le cas échéant en étroite concertation avec le Ministre des Pouvoirs locaux, pourraient-ils voir le jour ?
  • Réponse du 26/10/2021
    • de TELLIER Céline
    En 2009, l’Union européenne a adopté la Directive 2009/128/CE définissant un cadre communautaire pour parvenir à une utilisation des pesticides compatible avec le développement durable. Cela se traduit en Wallonie, par le Plan wallon de Réduction des Pesticides et l’Arrêté du Gouvernement wallon du 11 juillet 2013 relatif à une application des pesticides compatible avec le développement durable et modifiant le Livre II du Code de l'Environnement, contenant le Code de l'Eau et l'arrêté de l'Exécutif régional wallon du 5 novembre 1987 relatif à l'établissement d'un rapport sur l'état de l'environnement wallon. L’arrêté a prévu qu’il serait interdit dès 2019 d’utiliser des produits phytosanitaires dans les lieux publics, y compris les cimetières.

    Dans ce contexte, il est aisé de comprendre l’urgence de rompre avec le concept traditionnel de cimetière minéral maintenu artificiellement vierge de toute végétation. De plus, le réaménagement des cimetières est aussi l’occasion de contribuer à la mise en œuvre du décret relatif aux funérailles et sépultures entré en vigueur en février 2010, en repensant la conception des espaces (disparition des entre-tombes, etc.), en déplaçant certaines tombes d’intérêt, ou encore en aménageant des zones patrimoniales.

    L’accompagnement des communes wallonnes dans leur conversion vers une gestion raisonnée des espaces verts, dont les cimetières, représente une préoccupation forte dans la stratégie wallonne de sortie de l’utilisation des produits phytosanitaires.

    Aussi deux associations sont subventionnées par l’administration régionale pour conseiller et orienter les acteurs locaux en la matière :
    L’ASBL Ecowal accompagne en effet les communes vers une végétalisation des cimetières depuis 2015. Une subvention de 160 000 euros par an lui est octroyée, dont environ 25 % sont consacrés à la thématique « cimetières ».

    Depuis 2015, ce n’est pas moins de 175 communes qui ont été accompagnées. Chaque année en effet, environ 40 communes font appel à Ecowal, certaines ayant fait appel plusieurs fois.

    En plus de ses missions d’accompagnement, Ecowal dispense aussi des formations sur la végétalisation des cimetières : 2 ou 3 jours de formation sont donnés chaque année, avec la participation, à chaque formation, d’une moyenne de 15 à 20 personnes (ouvriers, agents techniques, responsables, etc.)

    L’ASBL Adalia contribue également à l’information des communes et des citoyens. Sa mission consiste à informer les communes sur les techniques alternatives, à les aider à modifier leur perception et leurs habitudes et à les aider à communiquer auprès des citoyens pour une meilleure acceptation de la végétation dans les cimetières.

    C’est également Adalia qui organise les diverses formations en lien avec la gestion sans pesticides (notamment les formations Ecowal).

    La brochure « Vers une gestion écologique des cimetières en Wallonie » recueille également l’ensemble des conseils techniques pour une mise en œuvre efficace de la démarche dans les communes.

    La Wallonie soutient par ailleurs les projets de végétalisation, y compris dans les cimetières, au travers de l’appel à projets « BiodiverCité » que j’ai lancé en avril 2021 et des subventions aux communes qui y sont liées, pour plus de 2 millions d’euros. Les 262 communes disposent ainsi d’un montant annuel maximum de 10 000 euros qu’elles peuvent consacrer à la plantation et à la végétalisation d’espaces publics. Parmi les 9 thématiques de l’appel à projets, il y en a une spécifiquement consacrée aux cimetières nature. L’appel à projets a d’ailleurs rencontré un succès considérable avec 226 projets communaux, soit 86 % des communes wallonnes.

    Ce projet transversal a notamment pour but de redynamiser les cimetières et de leur rendre une fonction centrale dans la vie des citoyens : lieu de deuil, de recueillement, d’apprentissage et pourquoi pas, de promenade !

    Développer de nouveaux appels à projets risquerait de surcharger les communes par de multiples appels à projets disparates alors que, comme le dit si bien l'honorable membre, ce qu’il faut, c’est changer les mentalités et la perception de tout un chacun, y compris des responsables locaux, et favoriser une approche plus globale de la reverdurisation de nos espaces publics.

    Finalement, depuis 2015, les cimetières de 114 communes ont été labellisés « cimetière nature » soit 43 % des communes wallonnes.