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Les effets de la diminution du revenu des agriculteurs

  • Session : 2021-2022
  • Année : 2021
  • N° : 11 (2021-2022) 1

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  • Question écrite du 03/09/2021
    • de BELLOT François
    • à BORSUS Willy, Ministre de l'Economie, du Commerce extérieur, de la Recherche et de l'Innovation, du Numérique, de l'Aménagement du territoire, de l'Agriculture, de l'IFAPME et des Centres de compétences
    La croissance des revenus des agriculteurs wallons était régulière jusqu'en 2008 où le revenu atteignait les 25 000 euros par unité et par an, avant de chuter.

    La différence avec le revenu du travailleur non agricole interpelle néanmoins. En effet, le revenu de l'agriculteur wallon correspond à 44 % du revenu moyen perçu dans les autres secteurs.

    Récemment, nous pouvions entendre sur une chaîne française un travailleur reconverti dans le labeur de l'agriculteur s'adresser à des consommateurs : « Si nous gagnons peu, c'est parce que vous mangez pas cher ».

    Monsieur le Ministre adhère-t-il à ce constat ?

    N'estime-t-il pas qu'augmenter les prix du produit agricole ne ferait-il pas que déplacer le problème sur le pouvoir d'achat du consommateur ?

    Ces revenus ont un impact sur l'agriculture wallonne puisque l'on compte une baisse d'emplois allant de 46 000 emplois en 1990 contre 23 000 en 2019.

    Ainsi, il n'existait plus que 12 733 exploitations en 2019 face aux 29 000 de 1990.

    Plus qu'une diminution, ces chiffres annoncent la difficulté croissante à remotiver les jeunes à rejoindre le secteur agricole. L'enjeu est économique, mais aussi sociétal.

    Comment compte-t-il agir pour pallier à ce désavantage économique de salaire qui éloigne les jeunes de ce métier ?

    Il apparaît que la taille moyenne des exploitations a doublé, passant de 26 ha en 1990 à 57 ha en 2019.

    Une surface qui augmente en même temps que le travail qu'elle impose. Et pourtant les revenus baissent.

    Comment justifierait-il du travail en plus pour du salaire en moins pour nos agriculteurs ?
  • Réponse du 30/09/2021
    • de BORSUS Willy
    Je partage le constat de l’honorable membre : la situation du revenu dans l’agriculture par rapport aux autres secteurs professionnels est particulièrement préoccupante. Ce décrochage remonte au début des années 1990, la croissance des revenus agricoles ayant été plus lente que celle des autres secteurs et cet écart s’est amplifié à partir de 2008 suite à la stagnation des revenus agricoles, accentuée par des résultats très mauvais en 2009 et 2016 et les crises à répétition ...

    Plusieurs facteurs influencent le revenu des agriculteurs wallons, dont le prix des productions agricoles fixé en grande partie par les cours mondiaux sur lesquels la Wallonie n’a malheureusement pas d’influence.

    Une hausse des prix, à condition qu’elle bénéficie bien aux producteurs, permettrait bien évidemment d’augmenter le revenu de ces derniers, mais serait évidemment dommageable pour les ménages les plus précarisés et également pour les populations des pays en développement. En Belgique, la part du budget des ménages consacrée à l’alimentation (hors boissons alcoolisées) est actuellement de l’ordre de 14 %, soit un taux pratiquement inchangé depuis 20 ans. Cette part représente moins de la moitié de ce que les ménages consacrent pour leur logement, ce poste ayant connu la plus forte hausse. Cependant, comme indiqué plus haut, cela dépend du marché mondial sur lequel nous n’avons pas d’influence.

    Pour compenser cette réduction des produits par unité de surface, les exploitations se réorientent (activités de transformation, vente directe) et/ou se restructurent et s’agrandissent. Les moyens techniques disponibles actuellement permettent à un agriculteur d’exploiter une entreprise de plus grande taille avec certainement moins de pénibilité que dans le passé.

    D’autres facteurs influencent donc la baisse d’emploi dans l'agriculture wallonne notamment le développement de la technologie et de la mécanisation qui demandent moins de main-d’œuvre.

    En 2019, le nombre total d’exploitations agricoles et horticoles s’élève à 12 733, soit une perte de 56 % depuis 1990. Cependant, je tiens à préciser que, depuis 2015, cette évolution semble ralentir avec un nombre d’exploitations se stabilisant fort heureusement.

    Conscient de ces éléments, nous avons mis et mettons en œuvre, au sein du contrat d’administration, du plan de Relance ou sur base de mon initiative, une série de mesures ou de projets, qui visent à accompagner le secteur agricole de manière pérenne pour inverser les différents constats que l’honorable membre a énoncés par :
    - une réflexion sur les différents régimes d’aides publiques ;
    - un renforcement de l’encadrement des agriculteurs dans leurs activités de production, dans la valorisation de leurs produits par des programmes de recherche et développement, de formation et par de l’information ;
    - une réflexion sur le foncier agricole et sur la législation sur le bail à ferme notamment pour faciliter l’accès à la terre aux jeunes agriculteurs ;
    - un maintien du soutien robuste aux jeunes agriculteurs qui souhaitent s’installer pour la future PAC.

    Outre ces aspects, essentiels au soutien de notre agriculture, il faut également tenir compte de la valeur ajoutée que peut apporter la transformation des produits agricoles. Dans ce cadre, les initiatives coopératives se multiplient au sein du secteur. Elles mutualisent les coûts d’investissement et partagent les risques. La Région vient en soutien au travers du régime d’aides régionales aux agriculteurs pour la transformation et la commercialisation de produits agricoles [aide TCPA], la Région octroie, sous certaines conditions, une aide d’un montant maximum de 2 000 euros, notamment aux agriculteurs qui acquièrent des parts de capital d’une société coopérative implantée sur le territoire wallon et dont l’activité principale consiste à collecter, à assurer la promotion, à transformer ou à commercialiser des produits agricoles, ou à réaliser plusieurs de ces activités.

    Des signes (logos) officiels bien connus existent au niveau européen : le mode de production des produits biologiques, et les appellations d’origine protégées (AOP), indications géographiques protégées (IGP), les spécialités traditionnelles garanties (STG).
    Nous soutenons le développement de ces produits, mais nous voulons aller plus loin encore pour les produits de notre terroir qui n’entrent pas dans ce canevas européen.
    Je veux booster le système de la Qualité différenciée, le rendre attractif et reconnu afin d’élargir son spectre de produits agricoles wallons en vue de disposer d’un panier des produits wallons de qualité différenciée. Pour cela, une révision de l’AGW du 15 mai 2014 a été présentée au GW en juillet dernier, pour fixer, notamment, un logo wallon qui permette une promotion efficace par l’APAQ-W.

    Dans le cadre des travaux du Collège wallon de l’Alimentation Durable (CwAD), des groupes de travail sont formés pour proposer des pistes d’action pour le futur Plan de l’Alliance Emploi-Environnement Alimentation. Différents thèmes sont abordés notamment l’amélioration de la logistique pour permettre aux producteurs d’approvisionner les coopératives ou encore la revalorisation des métiers de l'alimentation. Ces propositions pourraient venir nourrir notre réflexion dans la question qui nous occupe aujourd’hui.

    Afin d’œuvrer pour un revenu équitable des agriculteurs, pour la viabilité du secteur et soutenir la compétitivité de nos exploitations agricoles tout en préservant notre agriculture et notre environnement, je défends ces objectifs au travers des négociations actuelles de la PAC. Un focus sur les jeunes et sur le soutien aux « petites structures » y est consacré notamment au travers des mesures suivantes :
    - un maintien du soutien aux jeunes agriculteurs qui souhaitent s’installer ;
    - une augmentation de l’enveloppe des aides directes destinées aux jeunes
    Une prise en compte de la réalité des petits maraîchers dans le cadre des aides du second pilier de la PAC.

    Si l’évolution du revenu agricole est largement influencée par les prix du marché, le soutien au revenu par les paiements directs de la PAC contribue à la stabilité des revenus des exploitations. Le revenu agricole est donc bien au cœur des débats de la PAC.