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L'avis du Conseil supérieur des finances relatif à la taxation du secteur aérien

  • Session : 2021-2022
  • Année : 2021
  • N° : 3 (2021-2022) 1

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  • Question écrite du 03/09/2021
    • de CLERSY Christophe
    • à CRUCKE Jean-Luc, Ministre du Budget et des Finances, des Aéroports et des Infrastructures sportives
    Le 30 mars dernier, le Ministre des Finances a invité le Conseil supérieur des Finances (CSF) à rédiger deux rapports sur une vaste réforme fiscale liée à la poursuite de l'élaboration de l'avis du CSF de mai 2020 concernant la réduction des prélèvements sur le travail et les possibilités de son financement.

    Le premier rapport a vu le jour en juillet et aborde six thèmes précis dont un chapitre est consacré aux taxes environnementales et climatiques.

    On peut notamment y lire : « Dans son avis de mai 2020, la Section avait déjà souligné que l'absence d'accises sur le kérosène pour le secteur aérien et l'absence de TVA sur la vente de billets d'avions ne sont justifiées ni par des raisons économiques ou sociales et encore moins pour des raisons écologiques ».

    « La Section est donc d'avis que le soutien belge aux initiatives européennes et internationales dans ce domaine est hautement souhaitable ; toutefois, des initiatives unilatérales de notre pays nuiraient à la position concurrentielle de notre secteur aérien. Cette objection ne s'applique pas ou beaucoup moins à l'introduction d'une taxe d'embarquement, puisque celle-ci existe déjà dans plusieurs pays voisins ».

    Quelles mesures la Wallonie a-t-elle mises en place en lien avec les initiatives internationales évoquées par le CSF ? Qu'en est-il des actions entreprises avec les autres niveaux de pouvoir en lien avec les accises sur le kérosène et qui figurent dans la DPR ?
  • Réponse du 06/10/2021
    • de CRUCKE Jean-Luc
    Je me suis déjà prononcé dans le passé pour une « tarification correcte du transport aérien » et pour que les compagnies, au vu de leur impact sur l’environnement, payent une taxe sur le kérosène.
     
    Aujourd’hui, malgré la crise sans précédent qu’a connu le secteur aérien, je constate que l’Europe ne recule pas face aux ambitions qui sont les siennes afin d’atteindre les objectifs fixés par le « European Green Deal » et je l’en félicite.
     
    Comme le rappelait le Conseil Supérieur des Finances, dans son avis du 6 mai 2020, actuellement « au niveau de l'UE, il existe une exonération de droits d'accise pour le kérosène utilisé dans l'aviation (…), depuis le 31 octobre 2003, la directive du Conseil du 27 octobre 2003 restructurant le cadre communautaire de taxation des produits énergétiques et de l'électricité permet la taxation des vols nationaux ou, sous réserve d'un accord bilatéral avec l'État membre concerné, des vols intracommunautaires (article 14, paragraphe 2, de la directive) ».
     
    Le 14 juillet dernier, dans le cadre de son projet « Fit for 55 », qui vise à réduire les émissions de carbone de 55 % d’ici à 2030 et comparées à 1990, la Commission européenne a présenté une proposition de Directive visant notamment à introduire une telle taxation sur le kérosène à hauteur de minimum 10,75 euros/Gigajoule.
     
    Afin de garantir une mise en œuvre harmonieuse des dispositions relatives à l'aviation d'affaires et aux vols commerciaux à l'intérieur de l'UE, les niveaux minimaux de taxation pour l'utilisation des carburants seraient atteints au cours d'une période transitoire de dix ans, avec une augmentation de 1/10 du taux par année (Article 7 du projet de Directive).
     
    Selon les premières estimations de la SOWAER, cette taxation à 10,75 euros/GJ correspondrait à une somme de 1 200 euros de l’heure pour un avion de type Boeing 737 (180 passagers), soit entre 6 et 7 euros de l’heure par passager.
     
    Un taux minimal de zéro s'appliquerait quant à lui aux biocarburants et biogaz durables, aux carburants à faible teneur en carbone, aux carburants renouvelables d'origine non biologique, aux biocarburants et biogaz durables avancés et à l'électricité pendant cette période transitoire de dix ans.
     
    Un niveau de taxation différent serait applicable à l'utilisation de produits énergétiques et d'électricité pour l'aviation intracommunautaire non commerciale et les vols autres que de plaisance (c’est-à-dire, non commerciaux ni de plaisance). Les produits énergétiques et l'électricité utilisés pour l'aviation d'affaires et les vols de plaisance intracommunautaires devraient être soumis aux niveaux normaux de taxation applicables aux carburants et à l'électricité dans les États membres.
     
    Cette proposition contient toutefois deux limites importantes :
    1) Elle ne concerne pas les vols 100 % cargo, uniquement les vols passagers et l’aviation d’affaires ;
    2) La taxation du kérosène des vols vers des destinations hors UE sera laissée à la discrétion de l’État membre.
     
    Par ailleurs, ce texte demeure à l’état de proposition et devra être approuvé par l’ensemble des pays européens. Le Conseil et le Parlement européen doivent encore discuter de ces propositions. Pour ma part, je crains que certaines nations insulaires ou disposant d’un secteur touristique fort, risquent de bloquer cette initiative européenne.
    Au niveau fédéral belge, l’accord de Gouvernement précise quant à lui que « Le gouvernement s’engagera au niveau européen et international en faveur de la révision de l’exonération actuelle de taxe sur le kérosène ». En tant que Ministre wallon des Aéroports, je soutiens cette position et confirme que cette taxe n’aura du sens que si elle est appliquée à l’échelle de l’Europe.  
     
    Pour ce qui me concerne donc :
    1) Je suis avec attention les échanges qui se poursuivent au niveau européen concernant la taxe sur le kérosène ;
    2) Tout comme le CSF, je considère que si chaque pays instaure ses propres mesures – en matière de taxe kérosène ou d’introduction d’une TVA - un tel système reviendrait à saper le marché intérieur européen, à créer une distorsion de concurrence entre aéroports européens et nuirait à la position concurrentielle de son industrie aérienne.