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Les quantités de pesticides utilisées dans l'agriculture

  • Session : 2021-2022
  • Année : 2021
  • N° : 29 (2021-2022) 1

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  • Question écrite du 17/09/2021
    • de DESQUESNES François
    • à BORSUS Willy, Ministre de l'Economie, du Commerce extérieur, de la Recherche et de l'Innovation, du Numérique, de l'Aménagement du territoire, de l'Agriculture, de l'IFAPME et des Centres de compétences
    Monsieur le Ministre connait l'importance du Plan de réduction des pesticides adopté à l'échelle belge, mais aussi wallonne. L'un des principaux objectifs de ce plan est - fort logiquement - réduire l'utilisation de ces produits, notamment dans l'agriculture.
     
    Peut-il fournir des données chiffrées relatives à la réduction de l'utilisation de pesticides dans l'agriculture wallonne au cours des dernières années ?
     
    Pour l'année 2014 et en rapport avec la superficie agricole utile de chaque État membre, la Belgique comptait parmi les cinq pays consommant le plus de produits phytopharmaceutiques (PPP).
     
    Où en sommes-nous maintenant alors que nous sommes en passe de terminer le second PWRP ?
     
    On le sait, la culture de pommes de terre enregistre la dose d'application par hectare la plus élevée que ce soit en Wallonie ou dans d'autres régions similaires, avec une quantité deux fois plus importante que les autres cultures.
     
    Peut-il nous donner les chiffres actualisés les plus récents nous permettant de comparer avec la période 2004-2015 (disponible dans le PWRPII ) ?
     
    Sommes-nous sur une tendance de réduction des produits utilisés dans ce secteur ?
     
    Peut-on entrevoir sur le court terme la mise à disposition d'alternatives moins impactantes pour la culture de pommes de terre ?
     
    Quelles sont les initiatives qu'il soutient pour amplifier les efforts ?
  • Réponse du 12/10/2021
    • de BORSUS Willy
    Le SPW ARNE suit depuis de nombreuses années, via le travail réalisé par l’ASBL CORDER, l’évolution des quantités de produits de protection phytosanitaire vendues en Belgique et l’évolution des quantités de produits de protection phytosanitaire utilisées en agriculture en Wallonie.

    Les derniers chiffres publiés disponibles (jusqu’à l’année 2017) montrent une stabilisation voire une légère baisse des quantités de substances actives de produits de protection phytosanitaire utilisées (exprimées en k/ha) en agriculture en Wallonie depuis 2004 pour la plupart des cultures étudiées. Les données 2018 ne seront publiées que d’ici fin 2021. Un délai de 3 ans avant publication est appliqué pour des questions de protection face à la concurrence pour les opérateurs du secteur.

    En ce qui concerne la culture de pommes de terre, si les quantités totales utilisées ont montré une légère tendance à la hausse (de 602 tonnes en 2010 à 618 tonnes en 2017 : +2,6 %), cette évolution est surtout le fait d’une forte hausse des superficies emblavées (+36 %) ces dix dernières années (32 000 ha en Wallonie en 2010 ; 43 600 ha en 2020) et pas d’un usage plus intensif de produits.

    Au contraire, en 2017, en culture de pommes de terre, l’utilisation de produits s’élevait à 15,6 kg de substances actives/ha alors qu’elle était toujours au-dessus de 20 kg/ha avant 2009.

    Il faut noter que la pomme de terre consomme peu d'herbicides et très peu d'insecticides, l'essentiel de sa « consommation » de produits de protection phytosanitaires sont des fongicides utilisés pour lutter contre le mildiou (type de ravageur que les autres cultures ne connaissent pas ou connaissent beaucoup moins).

    À ce niveau, il est important de noter également que la gamme de fongicides évolue vers des produits utilisés à bien moindre dose. Par exemple, l’arrêt de l’usage du « Mancozebe » l'an prochain va réduire considérablement les quantités de substances actives utilisées par ha. Il en sera de même pour les défanants : le « Diquat » ne sera plus utilisé et les alternatives s'appliquent à des doses 15 à 20 fois moindres.

    Les chiffres globaux pour les années prochaines seront donc bien moindres et une tendance nette à la baisse va donc pouvoir se dessiner.

    Concernant les alternatives moins impactantes mises en place dans le secteur de la pomme de terre, deux voies principales sont en cours de développement pour réduire les traitements fongicides.

    - L'optimisation des traitements (choix du produit, du moment, des conditions d’application, de la dose) ; le SPW soutient depuis plus de 30 ans les services d’avertissement « mildiou » et « ravageurs » (pucerons et doryphores) développés par le Carah (Vigimap – Outil d’aide à la décision (OAD) contre le mildiou) et le CRA-W, au travers du Centre Pilote Pomme de terre (CPP) cofinancée par le SPW ARNE et coordonnée par la Fiwap. À court terme, Vigimap évoluera encore davantage vers le conseil à la parcelle qui permet à l’agriculteur de différencier la protection fongicide en prenant en compte les caractéristiques individuelles : variété, traitement précédent, environnement direct de la parcelle (éventuelles sources de mildiou proches), prévisions météo locales … On estime que le recours aux OAD (Vigimap aujourd'hui) permet d'épargner de 20 à 30 % d'usage de fongicides (soit 3 à 5 traitements par saison) par rapport à une protection systématique. En année de pression intense et permanente du ravageur, la réduction est effectivement moindre, mais l'intérêt réside aussi dans le conseil du produit pour limiter les dommages à la culture. Cela contribue à réduire la quantité utilisée par tonne produite.
    - La disparition du CIPC (principal antigerminatif utilisé ces 40 dernières années) est une évolution importante aussi : il est d’ores et déjà remplacé (partiellement) par des huiles essentielles.
    - Le recours à des variétés plus tolérantes, voire résistantes : depuis une dizaine d’années, la sélection variétale classique telle que réalisée en Europe intègre pleinement la résistance au mildiou dans ses critères prioritaires. Les premiers résultats (variétés plus tolérantes) sortent depuis quelques années seulement, et le nombre de ces variétés va augmenter à l’avenir. À condition de bien gérer par la suite ces tolérances/résistances au mildiou, l’évolution de la gamme variétale devrait mener à une réduction d’usage des fongicides.

    Parmi les initiatives mises en place pour amplifier les efforts de réduction des utilisations de PPP, on peut citer :
    - Le projet FIRST Spin-off « BIOCSOL » (financé par le SPW EER), qui propose de valoriser des bactéries du genre Bacillus et/ou leurs métabolites afin de stimuler les défenses végétales et de contrôler directement les maladies de plantes en particulier sur les solanacées (pomme de terre et tomate). Le projet dispose d’un potentiel d’extension à d’autres cultures stratégiques (cultures maraîchères, fruitières et céréalières). La société spin-off créée sera orientée vers la production de biofongicides capables de contrôler biologiquement les agents de mildiou et d'alternariose en cultures de solanacées, viticoles et maraîchères.
    - Les travaux du CRA-W :
    - Création de variétés tolérantes au mildiou (critère intégré depuis 20 ans dans son programme). La variété Louisa inscrite au catalogue en 2018 en est un premier résultat remarquable. D'autres inscriptions devraient suivre à court terme ;
    - Développement de la plateforme Agromet (réseau intégré Agrométéorologique) dont les observations/prévisions météo sont à la base des avertissements agricoles.
    - Les actions du CPP :
    - Suivi des parcelles Milvar et Altvar, qui permettent de suivre l’évolution des tolérances/résistances variétales au mildiou et aux alternarioses ;
    - Échantillonnage et analyse des souches de mildiou présentes chaque année en Wallonie.
    - Avertissements agricoles au travers de Vigimap géré par le Carah ;
    - Le suivi des résistances du mildiou à certains fongicides.

    Le CPP (Fiwap, CRA-W et Carah), participe activement (en collaboration avec Biowallonie) à la Convention « pommes de terre robustes » (en synergie avec la Flandre et les Pays-Bas), dont l’objectif est de développer la présence de variétés tolérantes au mildiou sur les marchés (en particulier les marchés biologiques) par la mobilisation en synergie de tous les acteurs concernés : créateurs de variétés, négociants de plants, producteurs de pommes de terre, préparateurs et industriels de la transformation, grande distribution et organismes de recherche/vulgarisation. Cette convention se termine fin 2021, mais sera resignée pour 3 ans.

    Concernant la quantité de produits de protection phytosanitaire vendue en Belgique et rapportée à la superficie agricole utile (SAU), en 2014, celle-ci s’élevait à 5,6 kg de substances actives vendues par hectare de Surface Agricole Utile. En 2019, ce chiffre était de 4,5 kg soit une diminution de près de 20%. La Belgique fait partie des pays européens dont les ventes de produits de protection phytosanitaire par hectare de Surface Agricole Utile est assez élevée.

    Toutefois, ce chiffre doit être considéré avec prudence et nuance :
    1) il comprend les « quantités » des utilisateurs non professionnels ;
    2) la Flandre est plus grande consommatrice que la Wallonie et
    3) la Belgique déclare à l'Europe un plus grand nombre de substances actives que d'autres pays européens étant donné la diversification importante de son agriculture.
    Une extrapolation de ces données, mentionnée à titre indicatif, situerait l’utilisation de produits de protection phytosanitaires à l’échelle de la Wallonie à une valeur comprise entre 2,5 et 3 kg/ha. Cette donnée est inférieure à la moyenne belge et comparable, par exemple, aux chiffres de l’Allemagne.