/

L'augmentation du prix de l'énergie pour les ménages

  • Session : 2021-2022
  • Année : 2021
  • N° : 54 (2021-2022) 1

2 élément(s) trouvé(s).

  • Question écrite du 17/09/2021
    • de MATAGNE Julien
    • à HENRY Philippe, Ministre du Climat, de l'Energie et de la Mobilité
    Après un ralentissement en 2020 dû à la crise sanitaire, le prix de l'électricité et du gaz en Wallonie ne cesse d'augmenter pour les ménages, ce qui a des répercussions importantes pour nos citoyens.
     
    Quelle est l'analyse de Monsieur le Ministre de cette situation ?
     
    Comment explique-t-il cette augmentation importante des factures ?
     
    Peut-il nous exposer l'évolution des factures d'énergie – et singulièrement en ce qui concerne les composantes relevant de la Région - depuis les 5 dernières années ?
     
    Le contexte géopolitique – singulièrement avec la Russie – va-t-il selon lui évoluer prochainement et de quelle manière ?
     
    Doit-on selon lui évoluer vers moins de dépendance énergétique pour notre Région et notre pays, au regard également de la sortie du nucléaire annoncée au niveau Fédéral en 2025 ?
     
    Comment notre Région se prépare-t-elle à ces évolutions majeures ?
     
    Quels sont les leviers qui peuvent être actionnés par notre Région pour répondre à ce constat et limiter l'impact des factures d'énergie pour nos citoyens ?
     
    Est-il en contact avec son homologue au niveau Fédéral pour étudier la situation et y répondre en limitant autant que possible cette flambée des prix ?
     
    Vont-ils mettre conjointement des solutions en place ?
     
    De quelle manière anticipe-t-il les impacts de la facture d'énergie pour les ménages dans le cadre de la transition énergétique d'une part, et dans le cadre de la prochaine méthodologie tarifaire d'autre part ?
  • Réponse du 09/11/2021
    • de HENRY Philippe
    L’évolution des prix que nous constatons actuellement relève essentiellement de divers facteurs dont l'honorable membre en identifie clairement un.

    Premier élément majeur, la reprise économique. La reprise constatée au niveau mondial après une année relativement calme a accéléré les besoins en gaz naturel et en électricité. Une forte pression a ainsi été constatée depuis le printemps. Cette pression s’est marquée déjà en 2020 à la fin du premier déconfinement, mais de manière moins tranchée. On estime que cette pression subite traduit la volonté de restocker au plus vite dans les entreprises et industries mises à l’arrêt durant la crise du COVID.

    Ensuite, la crise ukrainienne et la mise en œuvre de Nord Stream 2. Couplé à un incendie sur une station de raffinage russe, l’approvisionnement en gaz russe a chuté. Même si les producteurs russes ont signalé qu’ils honoreraient leurs contrats, ceux-ci seront décalés dans le temps. À noter que lors du début de la crise ukrainienne en 2014 et lors de l’annexion de facto de la Crimée en 2018, on avait également assisté à une hausse similaire du coût de fourniture de gaz naturel.

    À ce niveau, on peut supposer que la mise en opération de Nord Stream 2 permettra de rétablir l’approvisionnement avec la Russie. Approvisionnement qui n’est pas tant important pour la Belgique, mais bien pour l’Allemagne.

    L’entretien des installations norvégiennes qui est planifié en été a également contribué à une chute de production temporaire.

    De manière plus structurelle, la fin de la fourniture de gaz issus de Groninge (gaz L hollandais) aura immanquablement un effet à long terme même si l’impact « naturel » sera limité sur le prix du gaz.

    Afin d’essayer de répondre au mieux au besoin d’approvisionnement, le repli vers d’autres sources d’approvisionnement a été envisagé. Le souci est que le repli se fait vers des fournisseurs historiques de la Chine où la reprise a été plus importante.

    En ce qui concerne plus spécifiquement l’électricité, une certaine spéculation sur le cours de l’ETS a également joué un rôle important. Rôle principalement constaté avant la présentation du paquet Fit-for-55 où les producteurs d’électricité semblent avoir fait de grosses acquisitions d’allocations d’émissions.

    Historiquement, l’évolution du cours du gaz naturel est tributaire de conditions géopolitiques ou économiques. Depuis 2005, il s’agit du 4e pic constaté sur le marché du gaz. Le pic de 2008 correspondant à la crise économique désastreuse et à la baisse de production des pays producteurs a été nettement plus dommageable, car il a duré longtemps avec des coûts nettement plus élevés que ceux que nous constatons aujourd’hui.

    J’attire cependant l’attention sur le fait que le charbon, mais également l’uranium ont subi une forte inflation. Dans le cas de l’uranium, l’inflation est récente et nettement plus rapide que ce qui a été constaté pour le gaz.

    L’évolution des coûts énergétique est, comme je l’ai dit, très dépendante des conditions géopolitiques, économiques ou même sanitaires.

    Un petit focus sur les dernières années montre que les coûts du gaz et de l’électricité ont connu des épisodes plus ou moins marqués de hausses ou de baisses conjoncturelles qui n’ont pas toujours été corrélées. L’épisode de la crise de 2008 avait entrainé une très grande instabilité des cours tant du gaz que de l’électricité. Les crises au Moyen-Orient ont eu des impacts significatifs également. La crise en Ukraine a eu un impact significatif sur le gaz avec deux pics très marqués en 2014 et 2018.

    La crise du COVID a eu un impact particulier sur le coût des énergies. En effet, la mise à l’arrêt du secteur industriel a induit une chute très significative surtout pour le gaz qui a atteint un plancher historique en juin 2020. Cela a clairement impacté le tarif social en gaz qui a été très anormalement bas pendant cette période. La particularité constatée est bien que la hausse soit très brutale et qu’elle devrait probablement encore être constatée au prochain trimestre.

    Pour l’électricité, le cours de l’électricité a subi une hausse moindre en termes de pourcentage, mais similaire en termes d’ampleur. En cause, un coût plus élevé de base pour l’électricité.

    En ce qui concerne, plus spécifiquement les tarifs de distribution et leur évolution, je rappelle que chaque GRD et, pour ORES, chacune de ses antennes disposent de tarifs différents. Cela étant dit, en moyenne pondérée, on constate une relative stabilité dans ces tarifs pour les clients résidentiels avec une baisse de 5 % sur la période 2018-2023 pour le gaz naturel et une hausse de 2 % pour l’électricité dans la même période. On parle de quelques euros par an pour le volet électricité.

    Un élément important doit cependant être souligné. La crise économique liée au COVID ayant précarisé de nombreuses personnes, il est évident que la hausse constatée des marchés affecte plus particulièrement une tranche plus large de la population.

    Le maître-mot, à ce stade, c’est la vigilance. Vigilance parce qu’il faudra voir l’évolution dans les jours et semaines à venir afin de définir si la hausse sera durable et l’ampleur dans le temps en cas de stabilisation. Si la situation est bien conjoncturelle, et certains indicateurs semblent l’indiquer, il faudra définir au mieux les meilleurs leviers à actionner pour maitriser la facture des personnes les plus vulnérables. En rappelant, évidemment, que l’équation n’est pas exclusivement régionale.

    Au niveau de la Région, je rappelle déjà l’effort fourni pour soutenir les clients protégés conjoncturels, ce serait une piste. On pourrait également évoquer une compensation au niveau des composantes liées au réseau de distribution. Cependant, comme je l’ai signalé en Commission, je privilégie une approche permettant de dégager des solutions souples pour répondre en temps réel à l’apparition de crises exceptionnelles, comme nous venons d’en connaître.

    Je pense néanmoins que la solution doit être concertée avec le Fédéral qui dispose également de certains leviers d’actions intéressants comme, par exemple, la TVA ou le tarif social.

    Des contacts ont actuellement lieu de manière informelle avec mon homologue fédérale afin d’évaluer en temps réel la situation et de circonscrire les pistes d’actions les plus adaptées.

    Mais il faut être très clair. Le problème vient essentiellement du coût des commodités, donc de l’énergie, et il sera très compliqué, individuellement de contrer un phénomène qui touche l’Europe entière. À ce titre, je souhaite signaler mon soutien à une initiative espagnole enjoignant l’Europe à prendre ses responsabilités également dans la gestion de cette situation.

    Cette crise montre également l’importance de limiter notre dépendance aux énergies. L'honorable membre le sait, nous avons entamé une action ambitieuse en termes de mesures d’isolation du bâti. Ce type d’action doit permettre de réduire de manière importante la consommation énergétique.

    En ce qui concerne le futur, il semble évident que la nouvelle méthodologie tarifaire devra tenir conjointement compte de situations conjoncturelles telles que celle que nous connaissons actuellement et du soutien aux technologies renouvelables dont l’écart de coût avec les technologies conventionnelles tend à diminuer continuellement. Cette méthodologie est toujours en cours d’affinage, car tant les récents évènements que la nouvelle donne établie par l’Europe au travers de ses ambitions ou de l’évolution des nouvelles lignes directrices nous impose une vigilance particulière pour bien répondre aux divers enjeux, tant climatiques que sociaux.