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Le statut de la fouine en Wallonie et sa difficile cohabitation avec l'homme

  • Session : 2021-2022
  • Année : 2021
  • N° : 52 (2021-2022) 1

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  • Question écrite du 21/09/2021
    • de SOBRY Rachel
    • à TELLIER Céline, Ministre de l'Environnement, de la Nature, de la Forêt, de la Ruralité et du Bien-être animal
    La fouine est une espèce animale utile dans nos écosystèmes, notamment pour la régulation de certains rongeurs, mais aussi pour la capture de pigeons excédentaires dans les milieux urbains. Ceci étant, il est rare d'entendre quelqu'un se réjouir de la présence d'une fouine dans ou près de son habitation.
     
    En effet, sa cohabitation avec l'homme est particulièrement difficile. Tout d'abord, aux niveaux sonore et olfactif : ses bruits et cris dans les greniers ou faux plafonds s'accompagnent généralement d'excréments, d'urine et de restes de proies en décomposition. Ensuite, et c'est peut-être le plus problématique, les dégâts matériels peuvent être importants. On pense aux câbles électriques de voiture, à leurs circuits de refroidissement, à l'isolation des maisons, aux toitures en chaume, etc.
     
    Ainsi, le citoyen chez qui une fouine s'installe a intérêt à la déloger rapidement. Sauf que cela n'est pas toujours aisé. En effet, l'animal raffole des espèces inaccessibles sous les toits. Bien que non protégée, la fouine ne peut être détruite que dans de rares conditions : pour protéger un élevage ou dans un intérêt de santé ou de sécurité publique. En dehors de ces conditions, l'unique recours est de faire appel à une société spécialisée dans le piégeage avec des tarifs allant de 400 à près de 1 000 euros. En effet, il n'existe pas de service public en charge de leur régulation.
     
    À l'heure où la Région wallonne investit massivement dans l'isolation des logements, il peut paraître étonnant qu'aucune solution ne soit mise en place pour déloger ces animaux qui détruisent à une vitesse impressionnante.
     
    Comment justifier le statut de la fouine en Wallonie ?
     
    Pourquoi aucun service public n'est en charge de sa capture, notamment lorsqu'elle détruit l'isolation d'une maison ?
     
    Investir dans l'isolation des maisons, mais ne pas offrir de recours aux citoyens contre ces animaux destructeurs a-t-il du sens ?
  • Réponse du 01/12/2021
    • de TELLIER Céline
    La fouine est une espèce encore souvent mal aimée au même titre que plusieurs autres espèces anciennement classées parmi les nuisibles. Comme l’honorable membre le rappelle très bien, elle est cependant très utile à la régulation de nombreuses espèces de rongeurs pouvant proliférer de façon cyclique, comme les campagnols, surmulots, souris et rats, potentiellement vecteurs de maladies graves (hantavirose, typhus, peste). De même, en tant qu’espèce anthropophile, la fouine limite partiellement la problématique des pigeons dans les agglomérations qui ont à en souffrir.

    Il faut garder à l’esprit que l’évolution des populations d’un prédateur est essentiellement liée à l’évolution des populations de ses proies. Si les premières augmentent, c’est que les secondes s’accroissent et l’importance du rôle des prédateurs n’en a alors que plus de prix. La fouine, tout comme le renard, se montre volontiers charognarde, recyclant ainsi une fraction de la matière organique. En outre, dans les villes et les villages, ces mammifères se sont spécialisés dans le recyclage des déchets alimentaires d’origine anthropique. Les politiques actuelles de gestion des déchets organiques, comme l’utilisation de duo-bacs dans de nombreuses communes, ont tendance à limiter l’accès à ces sources de nourriture pour les espèces opportunistes, en comparaison avec la situation qui prévalait il y a 10 à 15 ans.

    La fouine a vu ses populations augmenter dès le milieu des années 70, à l’instar de la situation rencontrée dans les pays voisins. D’après des études par radiopistage menées au début des années 2000 dans des habitats anthropisés semblables aux nôtres, les domaines vitaux des fouines sont la plupart du temps contigus, indiquant que la capacité d’accueil de ces milieux est atteinte. Ceci signifie que, pour toute fouine détruite, un territoire laissé vacant sera rapidement réoccupé par un nouvel individu en quête d’un espace de vie. L’impact attendu de la destruction n’est ainsi que très temporaire.

    La seule manière de réduire durablement les dommages aux bâtiments causés par une fouine est de colmater les accès aux bâtiments. À noter que ces inconvénients sont généralement concentrés sur la période liée à l’émancipation des jeunes en début d’été.

    Les dommages aux durites et autres câbles de voiture grignotés par la fouine sont dus à l’incorporation de farines et d’huiles de poisson utilisées pour produire ces équipements, ce qui attire indéniablement le mustélidé. Des solutions existent pourtant pour limiter ces désagréments et mon administration reçoit régulièrement des demandes de conseils auxquelles elle répond, tout comme les compagnies d’assurances et les garagistes sollicités à ce sujet.

    Cette espèce, dont la cohabitation avec l’homme remonte vraisemblablement au Néolithique, s’est montrée anthropophile depuis tout ce temps et le restera. Elle a vu ses gîtes diminuer drastiquement au cours des dernières dizaines d’années avec la suppression ou la transformation des fermes, étables, vieilles granges, greniers, et cetera. Ceci entache inévitablement l’acceptation de sa présence par une partie de la population alors que certaines solutions pourraient être développées pour limiter les difficultés rencontrées :
    - suppression par les constructeurs automobiles de l’utilisation de produits animaux dans la production de durites et autres câbles en vue de réduire les dommages aux véhicules ;
    - protection des poulaillers : pondoirs rendus inaccessibles et enfermement des volailles durant la nuit ;
    - limitation des sources de nourriture auxquelles la fouine peut avoir accès;
    - calfeutrage des points d’accès aux bâtiments.

    Le nombre de demandes de destruction de fouines pour des problèmes de santé ou de sécurité publique est faible (annuellement quelques demandes par la Direction extérieure du DNF) et peu de dommages à l’isolation sont spécifiquement rapportés.

    Dès lors que la fouine est une espèce qui peut faire l’objet de régulations sous le couvert d’une autorisation, que des conseils de prévention sont diffusés et que les personnes privées sont aptes à gérer ces situations, il n’y a pas lieu de mettre en place un service public pour la gestion des cas problématiques et il ne semble pas non plus pertinent de reconsidérer le statut actuel de la fouine en Région wallonne. Exclure une espèce indigène de notre environnement n’est pas une solution réaliste ni pertinente.

    La brochure relative à la cohabitation avec la fouine éditée par le SPW permet de trouver un complément d’information utile.

    J’ose croire que la tolérance par rapport à un animal avec lequel l’être humain cohabite depuis des milliers d’années reste possible malgré l’aliénation de plus en plus patente de nos sociétés par rapport à la nature.