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Saisine du comité de concertation en matière électorale.

  • Session : 2005-2006
  • Année : 2006
  • N° : 188 (2005-2006) 1

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  • Question écrite du 13/06/2006
    • de CHERON Marcel
    • à COURARD Philippe, Ministre des Affaires intérieures et de la Fonction publique

    Le Gouvernement a décidé, en date du 24 mai dernier, de saisir le comité de concertation afin d'interpréter l'article 6, § 1er, VIII, 4°, de la loi spéciale du 8 août 1980.

    Je souhaite demander à Monsieur le Ministre de préciser l'objet de la saisine du comité de concertation, ainsi que de mentionner les éléments d'analyse fondant la démarche entreprise.

    Par ailleurs, je souhaite attirer l'attention sur la nécessité de définir le plus rapidement possible tout changement de législation, réglementation ou autre directive, afin de permettre aux candidats de travailler dans un cadre stabilisé.
  • Réponse du 07/07/2006
    • de COURARD Philippe

    Ainsi que j'ai eu l'occasion de le préciser dans ma réponse à l'interpellation développée le 20 juin par M. le Député Brotcorne, le Gouvernement wallon a saisi le Comité de concertation suite à l'interprétation divergente de l'article 6, § 1er, VIII, 4°, de la loi spéciale du 8 août 1980 par le Conseil d'Etat.

    Le Comité de concertation s'est réuni le 7 juin 2006. La constitution d'un groupe de travail a été décidée. Ce dernier s'est réuni à deux reprises, les 19 et 20 juin 2006. Plusieurs pistes ont été explorées, à savoir l'accord de coopération, la proposition de loi modifiant la loi du 7 juillet 1994, le protocole d'accord entre les Présidents des Assemblées législatives, ainsi qu'une mesure transitoire du décret flamand.

    Sont privilégiés à ce jour, en raison des délais particulièrement serrés, la proposition de loi alignant les montants des dépenses des partis fixés dans la loi de 1994 sur ceux prévus dans le décret flamand du 10 février 2006 et un protocole d'accord entre Assemblées.

    Je porte ci-après à la connaissance de l'honorable Membre le contenu exact de la saisine du Comité de concertation par le Gouvernement wallon.

    Note au Comité de concertation

    Objet : Dépenses électorales.

    Interprétation de l'article 6, § 1er, VIII, 4° de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles, tel que modifié par l'article 4 de la loi spéciale du 13 juillet 2001.

    Saisine du Comité de concertation

    1. L'article 6, § 1er, VIII, 4°, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles, tel que modifié par l'article 4 de la loi spéciale du 13 juillet 2001, rend les Régions compétentes pour « l'élection des organes provinciaux, communaux et intracommunaux, ainsi que des organes des agglomérations et fédérations de communes, en ce compris le contrôle des dépenses électorales y afférentes et l'origine des fonds qui y ont été affectés ».

    2. Une divergence d'interprétation est apparue à la lecture de ces textes :

    2.1. Dans un premier temps, la Région flamande s'est estimée compétente pour l'ensemble des matières relatives aux dépenses électorales et donc non seulement pour le contrôle stricto sensu, mais également pour la fixation des plafonds de dépenses maximum autorisés, la définition de la notion de propagande électorale, les sanctions, etc. Cette interprétation s'est concrétisée par le décret du 10 février 2006 modifiant la loi électorale communale, coordonnée le 4 août 1932, la loi du 19 octobre 1921 organique des élections provinciales, la loi du 11 avril 1994 organisant le vote automatisé et le décret du 7 mai 2004 réglant le contrôle des dépenses électorales et l'origine des fonds engagés pour l'élection du Parlement flamand, en particulier ses articles 59 et 60.

    Cette interprétation de l'article 6 de la loi spéciale par la Région flamande n'a fait l'objet d'aucune remarque de la part du Conseil d'Etat. Celui-ci, dans son avis rendu le 20 décembre 2005 par la section de législation, 3ème chambre, n'a signalé aucun excès de compétence dans le chef du législateur flamand (avis n° 39.600/3).

    2.2. Le Gouvernement wallon a, pour sa part, entrepris la révision du Livre I de la quatrième partie du Code de la démocratie locale et de la décentralisation consacré aux élections des organes communaux et provinciaux. S'inspirant de la position prise par le législateuer flamand, le Gouvernement wallon a soumis à l'avis du Conseil d'Etat un avant projet de décret qui intégrait l'entièreté des dispositions de la loi du 7 juillet 1994 relative à la limitation et au contrôle de dépenses électorales.

    L'avis du Conseil d'Etat sur cet avant projet de décret condamne le transfert de compétence opéré par le Gouvernement wallon (avis 39.980/4). Le Conseil d'Etat, rappelant la position que les chambres réunies ont développée dans l'avis 36.323/VR du 27 janvier 2004 sur une proposition de décret devenue le décret du 11 mars 2004 instituant le contrôle des dépenses électorales engagées pour les élections du Conseil régional wallon, estime qu' « il ne peut être soutenu que c'est l'ensemble de la matière relative au financement des partis et au contrôle de dépenses électorales qui aurait été transféré aux Régions, sur la base (…) de la loi spéciale. L'intitulé de la loi du 7 juillet 1994 distingue d'ailleurs, d'une part, la limitation des dépenses électorales et leur contrôle, seul ce dernier aspect étant mentionné dans les termes qui se situent dans la phrase liminaire de l'article 6, § 1er, VIII, 4°, de la loi spéciale du 8 août 1980. La détermination des règles de fond relatives au financement des partis politiques est demeurée de compétence fédérale. Ces règles de fond comprennent notamment (…) la fixation des plafonds de dépenses et la détermination de sanctions relatives à ces règles (…). Il appartient donc au législateur régional de distinguer soigneusement (…) parmi les dispositions de la loi du 7 juillet 1994, celles qui relèvent de la compétence régionale et peuvent donc être intégrées dans le Code de la démocratie locale et celles qui, demeurant de la compétence de l'autorité fédérale, ne peuvent être reproduites dans ce Code et encore moins abrogées (…) ».

    Le Conseil d'Etat précise encore que relèvent de la compétence fédérale :

    - la détermination des règles de fond relatives au financement des partis politiques. Ces règles comprennent la définition de la notion de propagande électorale, la limitation de la propagande, la fixation des plafonds de dépenses et la détermination des sanctions relatives à ces règles ;
    - la privation des dotations des partis ;
    - la limitation et le contrôle des dépenses électorales pour l'élection directe des conseillers de l'aide sociale.

    Les Régions sont quant à elles compétentes pour le contrôle des dépenses électorales relatives notamment aux élections communales, intracommunales et provinciales, ce qui comprend les règles applicables à :

    - la déclaration relative aux dépenses électorales ;
    - le contrôle des techniques de propagande électorale ;
    - le contrôle de l'origine des fonds ;
    - la constatation des manquements et la procédure qui y est relative ;
    - la détermination des sanctions relatives à ces règles.

    2.3. La Région bruxelloise n'a pas adopté d'ordonnance spécifique en la matière. Elle n'a pas modifié la loi du 7 juillet 1994 relative à la limitation et au contrôle des dépenses électorales, à une exception près : elle a désigné le Collège de contrôle créé par l'article 3 de l'ordonnance du 29 avril 2004 organisant le contrôle des dépenses électorales et des communications gouvernementales comme instance de contrôle des dépenses électorales, en lieu et place de la Commission de contrôle fédérale (article 86 du Code électoral communal bruxellois).

    3. Il résulte de ces interprétations divergentes une insécurité juridique préjudiciable aux partis politiques ainsi qu'aux listes et aux candidats qui en dépendent.

    3.1. Pour les partis politiques.

    L'interprétation suivie par les Régions wallonne et bruxelloise maintient en vigueur les dispositions fédérales. Les montants applicables sont ceux figurant dans la législation fédérale. Il est permis aux partis de dépenser un montant maximum de 371.840 euros (74.368 euros pour les partis présentant moins de 50 listes) sur l'ensemble du territoire.

    Tel qu'il est rédigé, l'article 8 bis du décret flamand permet aux formations politiques de dépenser un montant maximum de 372.000 euros (340.000 euros pour les partis qui présentent moins de 50 listes) pour leurs dépenses afférentes à leur campagne menée au niveau régional flamand.

    L'interprétation flamande conduit une même formation, qui se présente dans plusieurs Régions, à pouvoir cumuler dans chacune de ces Régions les montants maximum autorisés. Ainsi, un parti se présentant dans les trois Régions du pays pourrait, en application de l'interprétation suivie par la Région flamande, disposer d'un montant total de 1.115.680 euros (soit l'addition de 372.000 euros, 371.840 euros et 371.840 euros).

    Un parti flamand qui effectuerait des dépenses supérieures à 371.840 euros pour sa campagne en Régions flamande et bruxelloise serait donc nécessairement jugé en conformité avec la législation flamande par l'organe de contrôle flamand (pour autant qu'il ne dépense pas plus de 372.000 euros en Région flamande) et être concomitamment déclaré en infraction avec la loi fédérale par l'organe de contrôle bruxellois.

    3.2. Pour les candidats et les listes

    L'article 8 ter du décret flamand fixe des montants de dépense par candidat et par liste supérieurs à ceux prévus dans la loi du 7 juillet 1994. Par conséquent, un candidat ou une liste flamande seront autorisés à dépenser davantage que leurs homologues wallons et bruxellois.

    4. Ces législations divergentes ouvrent dès aujourd'hui la voie à divers recours devant la Cour d'Arbitrage. Elles risquent également d'être la source d'un important contentieux post électoral. La position adoptée par le législateur flamand est donc hautement périlleuse lorsque l'on sait que c'est le Conseil d'Etat qui statue en dernier ressort sur les réclamations introduites devant les organes régionaux de contrôle des dépenses électorales.

    5. Afin de garantir un maximum de transparence et de sécurité juridique, il apparaît judicieux de saisir le Comité de concertation afin qu'une interprétation uniforme de l'article 6, § 1er, VIII, 4°, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles, tel que modifié par l'article 4 de la loi spéciale du 31 juillet 2001, soit adoptée par les trois Régions et l'Etat fédéral.

    Il est en outre souhaitable de revenir à des plafonds de dépenses uniques sur l'ensemble du territoire du pays, déterminés par la loi fédérale. Pour y parvenir, il pourrait être envisagé d'amender la loi du 7 juillet 1994 afin d'indexer les plafonds de dépenses et les faire coïncider avec ceux initialement prévus dans le décret flamand, de manière à perturber le moins possible le système mis en place en Région flamande.