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Les pesticides dans les chambres des Wallons

  • Session : 2021-2022
  • Année : 2021
  • N° : 48 (2021-2022) 1

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  • Question écrite du 01/10/2021
    • de RYCKMANS Hélène
    • à BORSUS Willy, Ministre de l'Economie, du Commerce extérieur, de la Recherche et de l'Innovation, du Numérique, de l'Aménagement du territoire, de l'Agriculture, de l'IFAPME et des Centres de compétences
    Une étude exploratoire publiée il y a quelques jours mentionne le mauvais bulletin attribué à la Belgique en matière de pesticides. Les chambres à coucher des personnes vivant en milieu rural en Belgique sont les plus contaminées d'Europe par les pesticides : risque de fausse couche, de malformations congénitales et troubles cognitifs sont ainsi multipliés ! Ce constat n'a rien de neuf, malheureusement !

    Le lien avec l'agriculture intensive est pointé dans une étude lancée par l'Initiative citoyenne européenne « Sauvons les abeilles et les agriculteurs ». Celle-ci a révélé qu'à travers l'Union européenne, la poussière des chambres à coucher des résidents ruraux contient un nombre important de résidus de pesticides. Ce sont 21 pays qui ont été testés. Des citoyens vivant en zone d'agriculture intensive ont prélevé des échantillons de poussière dans leur chambre à coucher. Au total, 30 pesticides ont été analysés parmi les 450 pesticides autorisés dans l'Union. En moyenne, ces échantillons étaient contaminés par huit pesticides. Mais en Belgique, ce chiffre monte à 23 résidus de pesticides ! Quelle est l’analyse de Monsieur le Ministre de cette étude de l'ICE ?

    Et que dire des pesticides non testés ?

    Il est donc particulièrement important, à l'heure où la santé préoccupe tant les Wallonnes et les Wallons, de mettre en œuvre réellement la réduction drastique des pesticides. Où en est le 3e Plan wallon de réduction des pesticides ?

    Quels sont les impacts réels, sur le terrain, des actions mises en place pour réduire l'usage des pesticides en agriculture et ainsi garantir un environnement plus sain ? N'est-il pas temps, notamment eu égard aux enjeux de santé, mais aussi dans le cadre de la transition agricole d'arrêter de demander des dérogations aux intrants chimiques, de soutenir les alternatives biologiques et d'agir de manière forte dans le cadre de la nouvelle PAC notamment ? Les ONG s'impatientent, mais les citoyens aussi !
  • Réponse du 18/10/2021
    • de BORSUS Willy
    Tout ce qui concerne la santé publique et notamment l’exposition aux produits phytosanitaires est évidemment une priorité importante pour moi.

    Cependant, l’étude « exploratoire » que l’honorable membre évoque est sujette à questionnement au niveau de la méthodologie et présente plusieurs biais. En effet, les résultats se basent uniquement sur un seul site par État membre, situé à moins de 100 m d’un champ « cultivé intensivement », ceci, en l’absence de sites témoins éloignés des sites de cultures intensives, pour pouvoir faire des comparaisons.

    Vu qu’il s’agit d’un test « one-shot », sans mention du nombre de répétitions et d’échantillons prélevés, il n’est pas possible de tirer des conclusions comparatives valables ni de prétendre que celui-ci est représentatif de toute la Belgique rurale.

    Les prélèvements ont eu lieu entre juin et juillet 2021. Il s’agit d’une période spécifique pour la présence de pesticides dans l’air, mais cela ne peut être transposé durant toute l’année.

    De plus, il n’est pas fait mention des types de cultures présentes à proximité des lieux échantillonnés. Or il existe des liens entre ceux-ci, les traitements réalisés et les résidus mesurés (analyse des pratiques), d’où le danger d’essayer de comparer quelque chose qui n’est pas comparable.

    S’il y a bien 23 pesticides détectés dans cet unique échantillon, on peut cependant constater qu’en termes de quantités cumulatives de PPP présents par échantillon (en mg/kg de poussière), celui de plusieurs pays, dont le Danemark, en contient jusqu’à presque six fois plus que celui de la Belgique. Or les pays nordiques n’ont pas la réputation d’être les plus gros utilisateurs de PPP…

    Bien entendu la plus grande vigilance est et doit être de mise, mais vu les nombreux biais de cette étude du PAN, il serait hasardeux de tirer des conclusions en matière d’impact sur la santé ou l’environnement. La seule chose que l’étude confirme, c’est qu’il y a de nombreux résidus de pesticides dans l’air. Mais cela avait déjà été confirmé par des études scientifiques plus rigoureuses telle celle de l’ISSeP entre 2015 et 2016 (Expopesten), qui avait mis en évidence que les concentrations totales en pesticides dans l’air étaient de l’ordre du nanogramme/m³ ou de la dizaine de nanogrammes, quelle que soit la localité.

    De plus, les poussières des maisons contiennent d’autres sources potentielles de substances de type biocides et produits vétérinaires par exemple.

    Enfin, il faut souligner qu’il y a une véritable volonté de la part des scientifiques, professionnels de la santé et des Autorités de faire évoluer les connaissances sur les risques pour les personnes exposées, en particulier les publics vulnérables. D’autre part, les secteurs agricoles et la recherche agronomique sont fortement impliqués dans la recherche d’alternatives efficaces et durables aux produits les plus dangereux. Cela prend du temps et demande des moyens financiers adaptés. Les enjeux sont majeurs : protéger la santé des citoyens tout en offrant des outils techniques aux agriculteurs pour maintenir une productivité agricole européenne suffisante et donc la sécurité et la qualité alimentaire.

    En ce qui concerne le timing du prochain Plan wallon de réduction des pesticides n°3 (2023-2027), un avant-projet a été adopté par le Gouvernement wallon le 16 septembre 2021. Une enquête publique sur le prochain Plan national d’action appelé « NAPAN 3 2023-2027 » aura lieu du 17 janvier 2022 au 20 mars 2022. Enfin, l’adoption finale du PWRP 3 est prévue pour fin novembre 2022.

    Le PWRP 3 prévoit entre autres, un objectif opérationnel lié à l’amélioration de la qualité de l’air. À ce titre, la Ministre Tellier a demandé à l’Administration et à l’ISSeP de faire une proposition d’étude du suivi des pesticides dans l’air afin de donner une suite à l’étude Expopesten. Un réseau de surveillance des pesticides dans l’air sera mis en place par l’ISSeP en 2022. Celui-ci permettra de suivre notamment les avancées en termes de réduction d’usage mis en place via le PWRP.

    En termes d’impact des actions visant une réduction d’utilisation des produits de protection phytosanitaires sur le terrain, citons la poursuite de la mise en œuvre de la lutte intégrée en Wallonie, avec notamment le support technico-scientifique des centres pilotes (+/- 40 % des agriculteurs wallons suivent le standard Vegaplan qui intègre les recommandations « lutte intégrée »), mais aussi, une progression significative du bio en Wallonie depuis de nombreuses années, l’adoption du plan stratégique BIO avec un objectif de 30 % de cultures en BIO, grâce à une politique d’encadrement et de valorisation soutenue, ainsi que le développement de techniques limitant le risque lié aux pesticides (antidérive, cloisonnement inter-buttes, …), et enfin, le développement de la recherche d’alternatives selon le plan triennal de la recherche agronomique.