/

L'expertise obligatoire préalable à l'octroi de crédits hypothécaires et son impact sur le marché immobilier wallon

  • Session : 2021-2022
  • Année : 2021
  • N° : 38 (2021-2022) 1

2 élément(s) trouvé(s).

  • Question écrite du 06/10/2021
    • de GALANT Jacqueline
    • à COLLIGNON Christophe, Ministre du Logement, des Pouvoirs locaux et de la Ville
    Dès 2022, les banques devront faire expertiser les biens avant d'octroyer un crédit hypothécaire et le montant prêté sera calculé en fonction de la valeur d'expertise et non plus du prix d'achat.

    Actuellement, exiger une expertise du bien est une pratique courante, mais pas systématique. Cette mesure découle d'une directive de l'Autorité bancaire européenne (ABE) entrée en vigueur en juillet dernier. Elle vise à s'assurer que les banques ne prêtent pas des montants démesurés par rapport à la valeur d'un bien, d'autant plus dans le contexte actuel d'emballement sur certains segments du marché immobilier.

    En cas d'emballement du marché immobilier et de hausse des prix débridée, comme c'est le cas en Belgique depuis la crise du Covid-19, ce sera encore aux acquéreurs de compenser, sans intervention de la banque ce qui risque in fine d'éloigner encore certains publics de l'achat d'un bien immobilier.

    Que pense Monsieur le Ministre de cette réforme ?

    A-t-il calculé l'impact de cette modification sur le marché de l'immobilier wallon ?

    Cette mesure est déjà d'application pour l'octroi de crédits sociaux, dont il a récemment élargi les conditions et doublé la réduction du taux pour le prêt jeunes. Considère-t-il que cette expertise freine les possibilités d'octroi d'un crédit social en cette période de forte augmentation des prix de l'immobilier ?
  • Réponse du 07/10/2021
    • de COLLIGNON Christophe
    Tant dans sa Déclaration de politique régionale qu’à travers le Plan de relance de la Wallonie, le Gouvernement s’est engagé à soutenir l’accès à la propriété des ménages wallons, notamment par la valorisation du recours au crédit social via la SWCS et le Fonds du logement (FLW).

    Au vu des évolutions du marché de l’immobilier, mais aussi des limitations en termes de quotité d’emprunt imposées par la Banque nationale, un tel soutien s’avère vraiment nécessaire pour un nombre croissant de nos concitoyens et particulièrement pour les ménages à revenus modestes.

    L’octroi des crédits sociaux est régi par une réglementation approuvée par le Gouvernement wallon. Elle a principalement pour objectif de conférer un caractère social à ces crédits, en réservant leur accès aux ménages qui en ont réellement besoin (d’où la fixation de plafonds de revenus), ainsi qu’en limitant le montant du prêt et la valeur vénale de l’habitation objet du crédit. À ce propos, il faut admettre que les récentes évolutions du marché immobilier, caractérisées par une hausse constante du prix moyen des habitations, ont quelque peu éprouvé la réglementation d’octroi des crédits et ont montré ses limites.

    Il était donc nécessaire de la faire évoluer pour qu’elle épouse davantage la réalité du terrain. Ainsi, les plafonds de revenus ont été portés de 53 900 à 65 000 euros, la présence d’enfants à charge étant valorisée par une augmentation du plafond, à concurrence de 5 000 euros par enfant. Parallèlement, les plafonds de prêt et de valeur vénale ont, eux aussi, été rehaussés, passant de 237 000 à 260 000 euros.

    Concernant les jeunes de moins de 35 ans qui acquièrent un premier logement, la réglementation d’octroi des crédits sociaux prévoit l’application d’un taux de 0 % pour le financement du paiement des frais d’acte et/ou de la TVA en cas de construction. C’est aussi un pas dans la bonne direction… même si les évolutions récentes imposent la constitution d’un capital de départ de plus en plus important.

    En ce qui concerne le rehaussement des revenus imposables globalement (à ne pas confondre avec les revenus bruts sur la fiche de salaires) pour bénéficier d’un crédit hypothécaire social, il va puissamment contribuer à en élargir l’accès. Des estimations ont été réalisées pour préparer cette réforme. Elles montrent que la hausse du seuil de revenus va bénéficier à tous les types de ménages.

    - La part de ménages isolés, sans enfants, éligibles passerait de 94,6 % à 97,3 % grâce au rehaussement du seuil de RIG. Notons que l’ancien seuil de revenus imposables globalement (53 900 €) incluait déjà une large majorité d’isolés, marquée par la présence de personnes âgées et de jeunes travailleurs. Les revenus des Wallons isolés sont, en moyenne, plus faibles que ceux des autres types de ménages, ce qui explique que beaucoup étaient déjà éligibles précédemment.

    - La part de ménages isolés, avec enfants, éligibles passerait de 80,4 % à 90,3 % grâce au rehaussement du seuil, en partant de l’hypothèse que les ménages sont salariés (ou bénéficiaires de revenus de remplacement, ce qui les rend d’office éligibles). Près de neuf familles monoparentales sur dix en Wallonie — groupe particulièrement confronté aux difficultés d’accession à la propriété — deviennent donc éligibles au crédit social.

    - Toujours selon les paramètres posés d’estimation, la part de ménages en couple, sans enfants, éligibles passerait de 72,9 % à 80,8 %, grâce au rehaussement du seuil.

    - Enfin, la part de ménages en couples, avec enfants, éligibles passerait d’un intervalle de 37 % à 54 % à un intervalle de 50 % à 65 %, suivant le nombre d’enfants, soit une augmentation de 10 à 15 % de ménages éligibles, selon la taille du ménage. Les couples avec enfants ont, en moyenne, des revenus plus élevés que les isolés ou les familles monoparentales. Cela explique que le taux d’éligibilité se situe autour de 60 % pour ce type de ménage. On notera que, pour la première fois, plus de la moitié des couples avec enfants seront éligibles. N’oublions pas non plus que ce crédit hypothécaire n’a pas vocation à aider tous les ménages et que son objectif est avant tout social.

    S’agissant de l’accès des ménages jeunes, je rappelle que la SWCS et le FLW ont obtenu - compte tenu de leurs missions de service public - une dérogation à l’obligation d’apport de fonds propres pour l’achat d’un bien destiné à la résidence principale. Nos deux opérateurs régionaux peuvent donc prêter une quotité de 100 % et plus.

    Pour rappel aussi, le doublement de la réduction du taux pour les jeunes ménages vise à diminuer le coût global du crédit (par le paiement d’encore moins d’intérêt). Mécaniquement, la part de capital empruntée (pour couvrir la quotité de 100 %) peut être augmentée, tout en restant dans le cadre d’une mensualité supportable pour les revenus du ménage. C’est là un des intérêts d’une réduction du taux pour les ménages jeunes.

    La presse de la semaine dernière s’est fait l’écho de la nouvelle exigence définie par la Banque nationale quant à l’obligation de faire réaliser une expertise préalablement à la conclusion d’un crédit hypothécaire. Cette nouvelle exigence doit être mise en lien avec la décision de la BNB de limiter les quotités d’emprunt des crédits hypothécaires. Dans la pratique, de très nombreux organismes de crédit se passaient d’une expertise immobilière et se basaient sur le prix de vente de l’immeuble pour définir le montant du crédit. Dans un contexte immobilier de forte conjoncture tel que nous le connaissons, cette approche avait pour effet de pousser vers le haut les montants prêtés et de créer un décalage entre la valeur réelle du bien et le montant prêté par la banque.

    En termes de risque immobilier, une telle approche n’est donc pas neutre du point de vue de la Banque nationale. Mais l’obligation de recourir à l’expertise ne sera pas neutre non plus pour les ménages désireux de se lancer dans une opération immobilière, puisque le montant de l’intervention du prêteur sera basé sur la valeur d’expertise et non plus sur le seul prix. La conséquence est que le volume des fonds propres à injecter dans l’opération risque de devenir plus important. Pour certains, dont les jeunes ménages, cette approche risque de rendre plus difficile l’accès à la propriété.

    Il est encore trop tôt que pour pouvoir mesurer l’impact de cette décision sur le marché immobilier wallon. Un accès plus difficile au crédit pourrait avoir un effet négatif sur les primo-acquéreurs et particulièrement les jeunes, les familles monoparentales et, plus largement, les ménages de condition modeste. Ce constat ne fait que renforcer la pertinence de nos actions. En revanche, les investisseurs, disposant de fonds propres, pourraient en profiter et se diriger un peu plus encore vers des investissements immobiliers vu les faibles rendements de produits financiers.

    Le Gouvernement doit donc être particulièrement vigilant et poursuivre le renforcement de la politique d’accession à la propriété via les prêts sociaux accordés par le Fonds du logement de Wallonie et la SWCS, qui ne sont pas soumis aux normes limitant les quotités d’emprunt. Et je souligne, d’ailleurs, la qualité de ces deux opérateurs soutenus par la Wallonie.

    Dans cette optique de renforcement de notre politique d’octroi des crédits sociaux pour faciliter l’accès à la propriété, tant le Fonds du logement que la SWCS recevront des moyens supplémentaires pour mener à bien cette mission. Le Fonds du Logement est particulièrement sollicité et, bien qu’il soit compétent pour les seules familles nombreuses, il a d’ores et déjà réalisé 935 crédits hypothécaires au 29 septembre, soit déjà 89 crédits en plus que sur l’exercice 2020.