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La stratégie industrielle du développement du colza

  • Session : 2021-2022
  • Année : 2021
  • N° : 70 (2021-2022) 1

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  • Question écrite du 15/10/2021
    • de ANTOINE André
    • à BORSUS Willy, Ministre de l'Economie, du Commerce extérieur, de la Recherche et de l'Innovation, du Numérique, de l'Aménagement du territoire, de l'Agriculture, de l'IFAPME et des Centres de compétences
    C'est en sa double qualité de Ministre de l'Économie et de l'Agriculture que j'ai l'honneur d'interroger Monsieur le Ministre aujourd'hui sur une spéculation agricole qui peut assurer revenus aux agriculteurs, débouchés industriels et verdurisation de notre économie, sans oublier une diminution de nos importations aux coûts CO2 élevés.

    Avouez qu'il y a de quoi susciter l'intérêt des décideurs politiques et l'adoption d'une véritable stratégie industrielle dans le chef du Gouvernement wallon pour le colza, « fer de lance » d'une authentique révolution agroenvironnementale.

    De la colle, des glaces, de la viande, des carburants « verts », des composants automobiles... Plus aucun produit ou presque ne pourra se passer de colza dans les années à venir. À la recherche de matières premières durables, les industriels se ruent sur cet "or jaune" végétal, notamment en France, où l'innovation bat son plein, conduite « tambour battant » par le groupe Avril, forte de ses marques Lesieur et Puget, représentant un chiffre d'affaires de 5,8 millions et 7 600 salariés.

    Malheureusement, en Wallonie, selon le dernier rapport annuel de l'agriculture wallonne, le colza ne concerne que 10 584 hectares de culture concentrée pour 51 % sur la Province de Namur avec une production totale de 40 154 tonnes en baisse de 7 % par ailleurs.

    Compte tenu des enjeux environnementaux et industriels d'une part, et des objectifs éco-environnementaux de la DPR d'autre part, quelles actions va-t-il entreprendre pour développer la culture du colza en Wallonie ?

    Quelle stratégie industrielle et avec quels partenariats financiers compte-t-il déployer pour assurer des structures de valorisation et un circuit de commercialisation ?

    Ne devrait-il pas mandater un opérateur extérieur à cet effet ?
  • Réponse du 09/11/2021
    • de BORSUS Willy
    Comme l’honorable membre le mentionne, le colza peut paraitre très attractif par bien des aspects. C’est une plante oléagineuse, riche en huile, mais aussi en protéines végétales aux débouchés divers : alimentation humaine et animale, chimie végétale et source d’énergie renouvelable. Semé à la fin de l’été et récolté en juillet, le colza couvre le sol pendant environ 300 jours et réduit ainsi l’érosion. Il rompt le cycle des maladies des céréales et des mauvaises herbes dans la rotation, absorbe l’azote en automne, améliore l’état organique des sols et est une plante mellifère attractive pour les insectes pollinisateurs, notamment les abeilles.

    Néanmoins, il est essentiel de s’attarder tant sur les forces que sur les faiblesses de cette filière.

    À cet égard, j’apporte annuellement mon soutien financier aux organismes d’encadrement des producteurs, le Centre Pilote Céréales Oléagineux Protéagineux (CePICOP). Il est chargé d’assurer l’encadrement technique des producteurs de colza pour permettre le développement de cette culture en Wallonie. Comme le souligne le CePICOP, le problème reste que la rentabilité de cette culture est mise à mal par la fluctuation des prix mondiaux des huiles de soja et de palme, du pétrole, de la parité euro/dollar qui ont une influence directe sur le prix du colza. D’autre part, la pression des insectes ravageurs est forte et les dégâts sur la culture sont importants, ce qui explique en grande partie les réductions de surfaces de colza suite aux mauvais résultats de récolte chez nous, en France, en Allemagne .... Depuis 2013, il n'y a en effet plus de désinfection insecticide des semences de colza (moratoire européen suivi d'une interdiction des néonicotinoïdes) et de nombreux insecticides ont été supprimés et vont être interdits prochainement au niveau européen. C’est paradoxal, car le colza produit en dehors de l'Europe et que l'on va importer, peut être traité par ces produits. Or, les rendements et surtout la sécurité de ceux-ci sont primordiaux pour l'agriculteur.

    Certaines entreprises et chercheurs en Wallonie tentent de développer des alternatives efficaces aux produits phytosanitaires interdits. Nous les soutenons financièrement dans cet effort, qui est un réel défi. Il est également important de développer et de cultiver des variétés plus résistantes. Néanmoins, si les nouvelles techniques de sélection ne sont pas autorisées en Europe, alors qu'elles le sont à l'étranger, la culture du colza sera en danger en Wallonie et en Europe.

    Au niveau industriel, les deux principales entreprises collectant les graines de colza sont Walagri et la SCAM. La majorité du colza produit en Wallonie (> 90 %) est néanmoins exportée. La transformation de la graine de Colza se réalise principalement par trituration à chaud. Ces usines, pour être rentables, nécessitent de pouvoir traiter la production de grandes surfaces agricoles, que nous n’avons pas actuellement en Wallonie. De plus, de telles installations existent déjà chez nos voisins. D’autre part, un des principaux débouchés de cette transformation est la production de biodiesel. Là également, la diminution du taux d’incorporation de biocarburant en Europe constitue une menace sur la filière depuis quelques années : la règlementation prévoit de passer des agrocarburants de première génération comme le colza à ceux de seconde génération (déchets de bois, paille…), augmentant encore le risque associé au débouché de cette culture. Nous ne disposons d’ailleurs plus d’unité de production de biodiesel, en Wallonie, la seule installation, Neochim, ayant fait faillite en 2012.

    Il existe néanmoins deux unités de transformation de la graine de colza par pression à froid : Alvenat et Dock Moulin. Ces entreprises traitent de petites quantités (3 000 tonnes par an au total) et vont donc s’adresser à des marchés plus petits, mais à plus haute valeur ajoutée, comme l’alimentation humaine, le cosmétique ou l’oleochimie.

    Ce sont ces marchés qui pourraient apporter le plus de potentiel pour le Colza en Wallonie. Il sera néanmoins nécessaire d’évaluer les filières les plus importantes à développer, au vu des surfaces agricoles utiles et des débouchés industriels potentiels, comme par exemple le pois protéagineux, ou du blé à plus haute valeur ajoutée.

    Le Plan protéines représente dans ce cadre une perspective pour l'Europe. Les objectifs sont ambitieux pour regagner de l'autonomie protéique. L’économie biosourcée est également soutenue par l’intermédiaire d’une convention dédiée au développement et à la structuration des filières de valorisation non alimentaire de biomasses agricoles en tant que matériaux ou combustibles renouvelables, intégrée dans la Stratégie Economie Circulaire (Circular Wallonia), plus particulièrement dans son ambition 3 « Être une région qui gère ses ressources naturelles de manière circulaire (eau, bois, sols, biomasse, et cetera) » et son action « Organiser les réseaux régionaux des acteurs de l'économie biosourcée dans une logique de filière ». Un de ces cadres pourrait inclure une analyse du potentiel des filières oléagineuses, si cela s’avérait pertinent.

    Nous resterons dès lors attentifs au potentiel de cette filière, mais également à d’autres filières afin de soutenir les plus pertinentes, pour la Wallonie.