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Le suivi des négociations sur le Traité sur la charte de l'énergie (TCE)

  • Session : 2021-2022
  • Année : 2021
  • N° : 22 (2021-2022) 1

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  • Question écrite du 19/10/2021
    • de DESQUESNES François
    • à DI RUPO Elio, Ministre-Président du Gouvernement wallon
    Le 28 septembre dernier se tenait la 7e renégociation du Traité sur la charte de l'énergie (TCE). Ce nouveau round fait suite à l'arrêt important rendu par la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) du 2 septembre dernier qui a jugé incompatible avec le droit européen la possibilité pour des investisseurs privés en Europe de poursuivre les États membres de l'UE devant des tribunaux d'arbitrage privés (sur base de la clause ISDS, qui est dans le TCE).

    Quelle est l’analyse de l'arrêt de la CJUE du 2 septembre et de ses conséquences ?

    Va-t-il y avoir un changement dans la position portée par notre Région et notre pays dans le cadre de la révision du TCE ?

    Quelle est la position défendue par notre Région et par la Belgique dans le cadre de ce nouveau round de négociations ?

    Quelle est la position de Monsieur le Ministre-Président quant au maintien ou non de la Belgique dans le TCE ?

    Quels sont ses contacts à ce sujet avec le Gouvernement fédéral ?
  • Réponse du 17/12/2021
    • de DI RUPO Elio
    Il faudra tenir compte des éléments de l’arrêt rendu qui statue qu’« un accord international ne saurait porter atteinte à l’ordre des compétences fixé par les traités et partant, à l’autonomie du système juridique de l’Union dont la Cour assure le respect. »

    L’article 26, paragraphe 2, sous c), du Traité sur la charte de l'énergie (TCE) doit être interprété en ce sens qu’il n’est pas applicable aux différends opposant un État membre de l’Union européenne à un investisseur d’un autre État membre au sujet d’un investissement réalisé dans ce premier État membre.

    Le TCE peut imposer aux États membres de respecter les mécanismes arbitraux prévus dans leurs relations avec les investisseurs d’États tiers qui sont également parties contractantes du TCE au sujet d’investissements réalisés dans ces États membres. Par contre, la préservation de l’autonomie et du caractère propre du droit de l’UE s’oppose à ce que le TCE puisse imposer les mêmes obligations aux États membres entre eux.

    Cet arrêt aura inévitablement des conséquences, mais il est encore trop tôt pour en tirer des conclusions. Je peux toutefois rappeler quelques observations chiffrées qui nous permettent de comprendre l’ampleur des potentielles conséquences de cet arrêt du 2 septembre :
    - 60 % des investissements sont des investissements intra-UE ;
    - les litiges en cours représentent un total de 21 milliards, dont approximativement 9,45 milliards pour des investissements intra-UE ;
    - les litiges déjà résolus comptent pour 1 milliard.

    Il n’est à ce stade pas encore clair de ce qui adviendra des litiges déjà réglés et de l’effet rétroactif de cet arrêt du 2 septembre.

    Si l'arrêt rendu lie les États membres de l'UE entre eux et que la majorité des litiges relevant du TCE sont des litiges intra-UE, qui ne seraient plus légaux suite à cette décision récente, nous pouvons raisonnablement considérer que cela réduit quelque peu la pression pour le besoin de modernisation du TCE.

    La Commission est en train de finaliser un avis juridique sur les conséquences de cet arrêt, ce qui devrait faire évoluer le dossier à l’avenir.

    En ce qui concerne le calendrier des négociations sur la modernisation du TCE, un huitième cycle de négociation s’est déroulé du 9 au 11 novembre.

    Un neuvième cycle de négociations s'est tenu par visioconférence, le 13 décembre 2021, juste avant la réunion annuelle du Traité de la Charte sur l’énergie des 14 et 15 décembre.

    Sans surprise, les débats se sont poursuivis dans la même dynamique. Le groupe de modernisation a examiné les propositions de compromis disponibles et des commentaires fournis par les délégations, en tenant compte des progrès réalisés lors des cycles de négociation précédents. Les propositions ont notamment porté sur le transit (définition du « transit »), l’accès aux infrastructures (y compris refus d'accès et capacités disponibles, définition et principes de fixation des tarifs), la définition de « l'activité économique dans le secteur de l'énergie » ainsi que la définition de « traitement juste et équitable ».

    Sur ce dernier point, le Groupe de modernisation a poursuivi les discussions sur la base d'une nouvelle proposition de texte. Il n’est pas exclu que la Commission consulte de nouveau les États membres dans les prochaines semaines afin d’affiner ses positions sur les lignes rouges à tenir dans ces négociations.

    Dans le contexte de la définition de « l'activité économique dans le secteur de l'énergie », les parties contractantes ont conclu qu’il fallait poursuivre la discussion sur la base des options préparées par le secrétariat pour mettre en œuvre la flexibilité jugée nécessaire par les parties contractantes individuelles, en tenant compte de leur sécurité énergétique individuelle et des objectifs climatiques.

    Le groupe sur la modernisation devait actualiser son rapport lors de la conférence des 14 et 15 décembre concernant les progrès réalisés en 2021 sur la base des délibérations du neuvième cycle. Nous ne disposons pas encore du rapport à ce stade.

    Comme déjà mentionné, il est trop tôt pour s’avancer concernant une éventuelle modification de notre position quant à la modernisation du traité. La position de la Belgique, et de la Wallonie, est toujours de soutenir le travail de l’Union européenne dans son élan de participation active à la modernisation.

    Cette modernisation devra correspondre aux aspirations wallonnes en matière de développement durable notamment en ce qui concerne les énergies fossiles. Comme déjà indiqué dans mes réponses précédentes, le TCE, dans sa forme actuelle, remet clairement en cause notre capacité à atteindre les objectifs que nous nous sommes fixés dans le cadre de l’Accord de Paris sur le climat. Il est par ailleurs inacceptable que ce type de traité puisse freiner un État dans la rencontre d’objectifs de politique publique contribuant au bien-être de tous.

    Il est évident que ce processus ne pourra pas durer indéfiniment sans perspective claire de résultats et qu’il conviendra de réfléchir à une sortie ordonnée du traité si l’on n’obtient pas des résultats à plus ou moins brève échéance.

    Des cycles de négociations se tiendront jusqu’en juin, à raison d’un par mois. L’objectif est d’avoir obtenu un accord politique pour la prochaine conférence qui se tiendra à la fin du prochain semestre, date butoir en quelque sorte des négociations sur la modernisation du traité, ou en tout cas considéré comme telle par certains avant une sortie définitive de ce dernier.

    Le prochain cycle de négociations devrait avoir lieu du 18 au 21 janvier 2022.

    Pour l’instant, je n’ai pas pris contact avec le Gouvernement fédéral.