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La protection du bois d'Ellinchamps à Tellin

  • Session : 2021-2022
  • Année : 2021
  • N° : 106 (2021-2022) 1

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  • Question écrite du 19/10/2021
    • de RYCKMANS Hélène
    • à TELLIER Céline, Ministre de l'Environnement, de la Nature, de la Forêt, de la Ruralité et du Bien-être animal
    Le bois d'Ellinchamps, propriété de la Commune de Tellin, devrait faire l'objet prochainement de coupes sévères, alors qu'il est intégré au réseau Natura 2000 en tant que forêt indigène de grand intérêt biologique.
     
    Les naturalistes locaux y ont en effet dénombré pas moins de 250 gros hêtres martelés en vue d'être coupés tout prochainement. En parcourant le bois, on repère même quelques bois morts ou dépérissants, marqués en délivrance eux aussi ! Ils s'en sont émus dans une carte blanche récemment publiée (LLB 30 septembre).
     
    La biodiversité forestière est un des objectifs de Madame la Ministre. Les forêts wallonnes restent en déficit important du point de vue du volume de bois mort disponible. Les périmètres intégralement protégés devraient donc contribuer à 100 % à cet objectif, toute coupe ne faisant que postposer le recrutement à venir d'arbres d'intérêt biologique et de bois morts. 
     
    Que répond-elle à cet appel ?
     
    Cette exploitation est-elle conforme au classement en tant que réserve forestière et site Natura 2000 ?
     
    Quelles sont les limites de l'exploitation sylvicole dans un périmètre de réserve forestière ?
     
    Est-il normal que l'on puisse exploiter du bois de manière classique dans un périmètre protégé lorsque l'on connaît le déficit de bois mort partout en Wallonie et l'état préoccupant de la biodiversité forestière ?
     
    Quel est l'intérêt en termes de biodiversité de l'exploitation sylvicole programmée dans la réserve forestière d'Ellinchamps ?
     
    Quelle est la surface couverte par les réserves forestières au regard des autres statuts de protection fort en matière de biodiversité ?
     
    Quelle est la tendance dans les derniers classements ?
     
    Que mettre en place pour faire jouer aux réserves forestières le rôle de zone noyau pour la biodiversité forestière ?
     
    À l'inverse, si rien ne change, ces périmètres ne devraient-ils pas être soustraits des surfaces entièrement dédiées à la biodiversité ?
     
    Qu'a-t-elle mis en place pour revoir le projet au Bois d'Ellinchamps et plus globalement dans les périmètres strictement protégés en Wallonie ?
  • Réponse du 10/11/2021
    • de TELLIER Céline
    Nous avons bien pris connaissance des doléances du collectif de naturaliste pour la protection du bois d’Ellinchamps. Nous avons par ailleurs reçu les membres du collectif pour entendre leurs revendications et propositions le vendredi 29 octobre dernier.

    Une analyse juridique approfondie a été, à ma demande, menée par l’administration. Il s’avère que les actes posés par le DNF en fonction du statut actuel du site, que ce soit en vertu des conditions à respecter en Natura 2000 ou en vertu de son statut de Réserve forestière (plan de gestion et arrêté de désignation), sont conformes. Après enquête également, il semble que les bois morts délivrés l’ont été pour des raisons de nature à faciliter l’exploitation du site sans nuire à la régénération naturelle ou aux autres arbres présents. Le rapport de mon administration, avec l’appui de scientifiques de Gembloux spécialement mobilisés, semble également confirmer que l’intensité de l’exploitation est conforme avec la poursuite des objectifs sylvicoles prévus pour ce site.

    À l’heure actuelle, les Réserves forestières représentent environ 800 ha en Wallonie sur l’ensemble des 18 000 ha protégés au sens de la Loi sur la Conservation de la Nature.

    Le terme de réserve forestière est ambigu, ainsi que la législation qui la définit et les circulaires qui la précisent. Sa définition porte sur la conservation d’un « faciès particulier ou remarquable » de forêt (auquel est associée une biodiversité spécifique), c’est-à-dire un résultat issu de pratiques sylvicoles. Dès lors, la plupart des documents qui la gouvernent indiquent qu’il convient de continuer à y pratiquer de la sylviculture. Une réserve forestière n’est donc souvent pas, par essence, une réserve intégrale.

    Ce statut a été proposé afin de conserver des faciès sylvicoles intéressants pour la biodiversité. Quant à savoir l’intensité des actes de gestion qui y sont pratiqués pour y maintenir des habitats ou des espèces précis, une marge de manœuvre subsiste et favorise plus ou moins certains groupes biologiques. En fonction de l’objectif de conservation du faciès sylvicole visé (irrégularisation, diversification, régénération naturelle…), l’intervention porte sur plus ou moins d’arbres.

    Comme tous les statuts de réserve au sens de la Loi sur la Conservation de la Nature, celui-ci nécessite l’accord du propriétaire, et donc sur le niveau de protection ou d’exploitation qu’il souhaite et accepte. Dans ce cas-ci, comme le prévoient l’arrêté de désignation du site et son plan de gestion, la Commune de Tellin n’a jamais renoncé à toute exploitation et aux revenus qui y sont liés.

    Le DNF a rempli son rôle en gérant le site de manière à y maintenir l’habitat (faciès sylvicole) pour le futur, tout en ne privant pas la commune des revenus attendus sur le site. Il a également été attentif à proposer des mesures d’exploitation tendant à garantir le moins de dégâts possible. Néanmoins, de nombreuses espèces présentes actuellement sur le site seront négativement affectées par les travaux, et en particulier les espèces liées aux boisements anciens.

    Le problème réside donc dans la difficulté d’adresser le niveau de protection et les objectifs précis de conservation qui doivent être assignés aux différents sites bénéficiant de ce statut. Mon administration étudie les différentes pistes qui permettraient de limiter les difficultés liées à ce statut. Il est par ailleurs envisagé de longue date de simplifier les différents statuts de protection prévus par la Loi sur la Conservation de la Nature, projet à l’étude également. Une mise à jour des documents de gestion des plus anciennes réserves naturelles (agrée, domaniales ou forestières) est également nécessaire et sera entreprise et soutenue l’année prochaine.

    Mon ambition reste dans ce dossier de trouver une solution concertée qui puisse rencontrer les objectifs de chacun, dans les limites de ce que la situation administrative impose, et dans le respect des intérêts légitimes de toutes les parties.