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Les premiers résultats de la campagne de biosurveillance des Wallons

  • Session : 2021-2022
  • Année : 2021
  • N° : 110 (2021-2022) 1

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  • Question écrite du 20/10/2021
    • de SCHYNS Marie-Martine
    • à TELLIER Céline, Ministre de l'Environnement, de la Nature, de la Forêt, de la Ruralité et du Bien-être animal
    Les premiers résultats d'analyse des échantillons de sang et d'urine récoltés dans le cadre de la campagne de biosurveillance des Wallons ont de quoi interpeller. En synthèse, la majorité des Wallons portent en eux des métaux lourds et autres produits nocifs, et l'exposition à ces substances commence dès le plus jeune âge.

    La campagne de biosurveillance n'est pas terminée et, après les cohortes d'âges différents, une deuxième phase va essayer de corréler les taux d'incidences observés à des variables démographiques, socio-économiques, et cetera. De nouvelles données précieuses émergeront de ces études dont on ne peut que se réjouir.

    Si la récolte de données est une première étape indispensable, elle est complexe. Il s'agit de détailler pour chaque polluant son impact sur la santé ainsi que sur l'environnement au regard de seuils critiques dont on sait qu'ils font débat. Il faut également déterminer la provenance de ces diverses substances. Enfin, comme toujours en sciences, corrélation ne veut pas dire causalité. Il faut donc examiner les interactions entre les substances étudiées ainsi qu'avec diverses variables susceptibles d'influencer les liens de cause à effet que l'on pourrait soulever.

    Madame la Ministre peut-elle détailler la nature des études prévues lors des prochaines étapes de cette campagne ?

    Enfin, le but étant évidemment de guider les choix d'orientations politiques à opérer, ma seconde question porte sur les leviers d'actions en son pouvoir à cet égard. Alors que les produits alimentaires et leurs emballages proviennent du monde entier, que l'air que nous respirons et qui provoque des retombées sur nos aliments est fonction des mesures que nous prenons pour cadrer les émissions de polluants, que la politique agricole dépasse nos frontières et au vu du passé industriel de la Wallonie, quelles possibilités s'offrent au Gouvernement wallon pour influer sur l'exposition de la population aux substances étudiées ?
  • Réponse du 13/12/2021
    • de TELLIER Céline
    Nous reprenons ci-dessous les réponses aux questions similaires posées en Commission de l’Environnement ce 19 octobre 2021.

    Merci pour l’intérêt de l’honorable membre pour les résultats importants de ce premier dispositif de biosurveillance de la population en Wallonie.

    Pour commencer, rappelons d’abord l’objet de la première et de la deuxième phase du biomonitoring. Pour rappel, les classes d’âge visées au cours de la Phase I étaient les nouveau-nés, les adolescents (de 12 à 19 ans) et les jeunes adultes (de 20 à 39 ans). Au cours de la Phase II, ce sont les classes d’âge de 3 à 5 ans et de 6 à 11 ans qui seront visées. Les adultes de 40 à 59 ans devraient également être intégrés dans les prochains sujets d’étude.

    Toutes les substances qui ont été étudiées dans les échantillons de la Phase I seront analysées dans ceux de la Phase II. Cela implique 23 substances dosées dans le sang (métaux, 16 pesticides organochlorés et 4 PCBs) ainsi que 34 biomarqueurs dans l’urine (8 métaux, 5 bisphénols, 10 HAPs, 6 métabolites de pesticides organophosphorés, 5 métabolites de pesticides pyréthrinoïdes, le glyphosate et son métabolite). Des substances complémentaires doivent être analysées dans l’ensemble des échantillons des Phases I et II (soit les 5 catégories d’âge), dont notamment des PFAS, des phtalates, des parabènes et des retardateurs de flamme bromés. La liste définitive des substances qui seront étudiées sera définie par le Comité scientifique qui supervise le projet et qui est constitué de membres du CHU de Liège, de l’UClouvain, de l’ISSeP, des observatoires de la santé, de Hainaut Vigilance Sanitaire (HVS), de l’IWEPS, du VITO et de Sciensano.

    De plus, une analyse statistique des données collectées auprès des participants via l’autoquestionnaire sera réalisée afin de préciser l’influence de facteurs socioéconomiques, du type d’environnement (urbain, agricole ou rural), des comportements (alimentaire, tabagisme, consommation d’alcool, et cetera) en lien avec les tranches d’âge et le genre.

    Cette seconde phase est déjà en cours. Le recrutement des participants de 3 à 5 ans et de 6 à 11 ans a déjà eu lieu. Les premiers résultats de cette 2e Phase devraient être disponibles à la fin du premier semestre 2022.

    À propose de certains résultats de la première phase, les niveaux d’exposition retrouvés en Wallonie sont du même ordre que ceux retrouvés dans d’autres pays européens. Cela pourrait être rassurant. Mais cela nous alerte aussi, car pour chacune de ces substances, moins on en a dans le corps, mieux on se porte. Cela nous rappelle également toute la signification de la persistance de certains produits toxiques dans l’environnement d’où la nécessité de redoubler d’efforts dans les politiques de réduction ou d’interdiction de certaines substances ou usages.

    Concernant la question des pesticides et du secteur agricole, je suis d’abord préoccupée par la santé des agriculteurs eux-mêmes et des riverains. Il convient donc d’accompagner le secteur dans la réduction de l’emploi des pesticides.

    La mise en place d’un conseil indépendant pour les agriculteurs en matière de produits phytopharmaceutiques est une mesure importante pour réduire les quantités de produits utilisés, et éviter des conflits d’intérêts en laissant les vendeurs de produits phytos conseiller les agriculteurs. Nous pouvons déjà nous appuyer sur le réseau d’avertissements développé par les Centres pilotes financés par mon Collègue en charge de l’Agriculture et sur un certain nombre d’organismes d’encadrement soutenus par la Région. Les expériences montrent que la mise en place d’un tel Conseil indépendant est un processus win-win pour les agriculteurs et pour l’environnement.

    Par ailleurs, dans le cadre de la nouvelle PAC, nous prévoyons la mise en place d’un Système de Connaissances et d’Innovations agricoles (SCIA) qui participera activement à la mise en place d’un conseil indépendant pour les agriculteurs pour toutes les thématiques, dont les pesticides.

    Pour appuyer mon collègue en charge de l’agriculture dans l’orientation du Plan stratégique wallon pour la PAC vers la sortie progressive des pesticides, les mesures proposées dans le futur PWRP 2023-2027 seront priorisées sur la base de l’objectif européen de réduction de 50% des pesticides d’ici 2030 (stratégie Farm To Fork). Elles viseront notamment à améliorer la mise en œuvre de la lutte intégrée en cultures. Elles favoriseront également le transfert de connaissances de la recherche vers le terrain (surtout pour les alternatives aux produits phytopharmaceutiques de synthèse).

    Sans attendre ces futures échéances, le Gouvernement a également prévu via le plan de relance, à mon initiative, un projet de soutien à la transition environnementale en agriculture. Ce projet est destiné à sensibiliser les exploitants et les acteurs locaux à l’agroécologie, à augmenter la mise en réseau et la connectivité entre les nombreuses fermes prêtes à s’engager dans cette transition, à augmenter la recherche-action participative au sein de groupe d’agriculteurs et en situation réelle et enfin à développer des outils d’aide à la décision permettant de réduire l’utilisation d’intrants.
    Enfin, j’ai prévu de rencontrer le secteur agricole dans les tout prochains jours pour lui présenter plus précisément les résultats du biomonitoring et envisager les suites utiles.

    La question du remplacement des canalisations au plomb dans le réseau de distribution d’eau potable est essentielle. En 2007, la Wallonie comptait plus de 100 000 raccordements en plomb. Sur base des dernières données disponibles, d’ici la fin de l’année, il restera un peu moins de 3 000 raccordements publics à assainir. Les distributeurs s’attèlent aux remplacements de ces raccordements depuis de nombreuses années, et se sont engagés à y venir à bout dans le courant de l’année prochaine.
    Les raccordements en plomb subsistants au 1er janvier 2022 feront tous l’objet d’un double contrôle compteur/cuisine des concentrations en plomb dans l’eau. En cas de dépassement de la norme au compteur, ceux-ci devront être remplacés ou chemisés intérieurement pour éviter tout contact entre le plomb et l’eau.

    Il ne faut pas perdre de vue qu’il existe par ailleurs encore aussi des tuyaux de plomb dans les installations intérieures (après compteur) des maisons construites avant 1970. D’après les contrôles « compteur/cuisine » réglementaires effectués par les distributeurs, leur impact n’est pas négligeable.

    La nouvelle directive sur l’eau potable à transposer pour 2023 requiert d’ailleurs des d’actions supplémentaires concernant le plomb dans les logements.
    La certification des immeubles bâtis pour l’eau (CertIBEau) pourra à l’avenir jouer un plus grand rôle pour l’éradication du plomb lorsqu’elle sera étendue aux mutations des biens immobiliers.

    En 2020, un peu plus de 1 500 analyses du plomb dans l’eau ont été effectuées sur des raccordements en plomb où à la suite d’une première analyse non conforme. Des non-conformités ont été relevées dans 16 % de ces prélèvements qui ont fait l’objet d’actions par le distributeur en fonction de l’origine de l’excès.

    Enfin, il ne faut pas non plus négliger d’autres sources possibles d’exposition au plomb comme certains aliments, le tabac, des vieilles peintures ou certaines fumées.

    À ma demande, une campagne de biomonitoring spécifique autour des 7 broyeurs à métaux wallons a été confiée à un Consortium piloté par l’ISSeP.

    Le protocole d’étude implique un échantillonnage au sein des populations résidants dans les environs de tous les sites concernés. Le Consortium a considéré que la taille minimale des échantillons de population de riverains à constituer pour chacun des sites ne devrait pas être inférieure à 50. Toutefois, au niveau des sites pour lesquels nous disposons déjà d’informations issues de monitoring environnementaux, le Consortium a préconisé que la taille des échantillons soit augmentée à un objectif de 100 individus. Cela permettra de récolter des informations complémentaires en vue de fiabiliser l’ensemble des résultats obtenus par recoupement.

    La tranche d’âge visée est les 12-19 ans afin de discriminer d’éventuelles contaminations liées aux activités professionnelles qui peuvent se manifester chez des personnes plus âgées. Parmi les substances dosées, on retrouvera notamment des métaux, des PCB, des retardateurs de flamme bromé, des HAP, des PFAS et des Bisphénols. Il n’est pas prévu à ce stade d’analyser des œufs, car il s’agit là d’une tout autre procédure d’investigation. Ici, nous nous concentrons sur les êtres humains. Sur base de travaux commandités par Sciensano, nous disposons déjà de recommandations générales que nous envisageons de rappeler aux populations, a minima pendant les séances d’information auxquels elles seront conviées.

    Les résultats de ce biomonitoring spécifique pourront être comparés aux valeurs de référence du biomonitoring général wallon. Vu l’ampleur de la tâche, ce projet sera d’une durée de 2 ans (24 mois). Sur base des premiers résultats acquis en cours de route et si ceux-ci s’avèrent préoccupants d’un point de vue santé, un groupe de travail spécifique pourra être mis en place et impliquer nos partenaires de l’AViQ.

    Pour ce qui est des perturbateurs endocriniens, l’honorable membre n’est pas sans savoir qu’ils relèvent de nombreuses catégories de produits chimiques qui sont présents partout dans notre environnement de manière ubiquiste.

    Pour lutter contre la présence de perturbateurs endocriniens dans l’environnement, il est nécessaire de réduire, voire, quand c’est possible, d’interdire l’utilisation de telle substance non seulement dans les produits du quotidien, mais également dans les processus industriels.

    La Wallonie est associée aux travaux du SPF Santé publique qui coordonne l’élaboration du Plan d’action national sur les perturbateurs endocriniens (NAPED).

    Et enfin, il me parait indispensable que nos actions en environnement santé soient adaptées en conséquence des résultats du biomonitoring wallon et intégrées dans l’actualisation du Plan ENVIeS. Celui-ci fait d’ailleurs l’objet d’un renforcement important de son budget dans le cadre du Plan de relance.

    Comme l’honorable membre le constate donc, ce biomonitoring est un travail conséquent, mais indispensable pour prendre les bonnes décisions en matière de protection des citoyennes et des citoyens contre les pollutions. C’est une de mes préoccupations majeures de cette législature.