/

La prévention du cancer du sein face au gène BRCA

  • Session : 2021-2022
  • Année : 2021
  • N° : 92 (2021-2022) 1

2 élément(s) trouvé(s).

  • Question écrite du 25/10/2021
    • de AHALLOUCH Fatima
    • à MORREALE Christie, Ministre de l'Emploi, de la Formation, de la Santé, de l'Action sociale, de l'Egalité des chances et des Droits des femmes
    L'âge du cancer du sein est plus précoce lorsque l'on a une mutation BRCA, en moyenne 40 ans pour BRCA1 et 43 ans pour BRCA2. D'après les résultats d'études actuelles, une femme a un risque au cours de sa vie de développer un cancer du sein de 51 à 75 % si elle est porteuse d'une mutation BRCA1 et de 33 à 55 % si elle est porteuse d'une mutation BRCA2. La femme porteuse d'un gène muté (BRCA 1 ou BRCA 2) a déjà eu un cancer du sein, le risque se porte essentiellement sur l'autre sein. Il est 4 fois plus important qu'une femme sans mutation et de l'ordre de 20 à 40 %.

    J'ai été contactée par des femmes qui ont dû se faire enlever les deux seins ainsi que les organes génitaux parce que porteuses de ce gène. Elles ont eu la chance d'être prises à temps, ce qui n'est pas le cas de toutes. Leurs oncologues ont recommandé l'ablation des seins et des organes génitaux aux porteuses du gène BRCA1 et BCRA2. Or, elles n'ont jamais eu cette information concernant cette mutation génétique lors de précédents mammotests.

    Ne serait-il pas important que toute femme ait, de manière automatique, l'information sur ce risque, d'autant plus si un membre de la famille a déjà eu un cancer ou une mutation génétique ?

    Ce point est-il ajouté aux informations reçues à la demande d'un dépistage ?

    Une campagne de communication est-elle envisagée sur cet élément précisément ?
  • Réponse du 13/01/2022
    • de MORREALE Christie
    L'âge du cancer du sein est plus précoce lorsque l'on a une mutation BRCA, en moyenne 40 ans pour BRCA1 et 43 ans pour BRCA2. D'après les résultats d'études actuelles, au cours de sa vie, une femme a un risque de développer un cancer du sein de 51 à 75 % si elle est porteuse d'une mutation BRCA1 et de 33 à 55 % si elle est porteuse d'une mutation BRCA2. La femme porteuse d'un gène muté (BRCA 1 ou BRCA 2) a déjà eu un cancer du sein, le risque se porte essentiellement sur l'autre sein. Il est 4 fois plus important qu'une femme sans mutation et de l'ordre de 20 à 40 %.

    J'ai été contactée par des femmes qui ont dû se faire enlever les deux seins ainsi que les organes génitaux parce que porteuses de ce gène. Elles ont eu la chance d'être prises à temps, ce qui n'est pas le cas de toutes. Leurs oncologues ont recommandé l'ablation des seins et des organes génitaux aux porteuses du gène BRCA1 et BCRA2. Or, elles n'ont jamais eu cette information concernant cette mutation génétique lors de précédents Mammotests.

    « BRCA est un gène suppresseur de tumeur impliqué dans les mécanismes fondamentaux de stabilité cellulaire. Ses mutations sont responsables de nombreux cancers, ceux du sein et de l’ovaire chez la femme étant les plus fréquents. Elles sont également impliquées dans une augmentation du risque de cancers du pancréas, côlon, prostate, et lymphomes systémiques chez les hommes porteurs de mutations BRCA » (Girardstein-Boccara et Al., 2014).

    Les mutations touchant ce gène suppresseur sont donc assez fréquentes, mais par chance, elles n’aboutiront pas toutes à l’apparition d’un cancer.

    À titre informatif, les seuls cancers du pancréas, côlon et prostate concernent à eux seuls près de 20 000 cas en 2019, le cancer du sein touche lui près de 3 500 femmes âgées de plus de 50 ans surtout.

    Le taux de survie à 5 ans suite à un tel cancer (sein) atteint, avec les moyens et le moment du dépistage que l’on connait, près de 92 % (chiffres du Registre belge du Cancer pour 2019).

    Ne serait-il pas important que toute femme ait, de manière automatique, l'information sur ce risque, d'autant plus si un membre de la famille a déjà eu un cancer ou une mutation génétique ?

    Il est à noter que les tests génétiques relèvent du fédéral. Les patientes sont informées par leur médecin (gynécologue ou généraliste).

    Une stratégie de screening systématique montrerait rapidement ses failles :

    - À savoir qu’il engendrerait un stress important pour le citoyen qui découvrirait qu’il est le malheureux détenteur de cette mutation ! cette information lui parviendrait à brûle-pourpoint sans aucune structure pour remettre en perspective la réception de l’information et surtout, relativiser les chances (ou les risques) de voir apparaître un cancer dans l’avenir ;

    - Envisager un screening généralisé de la population obligerait à y consacrer des ressources (qui ne sont pas, rappelons-le, extensibles à souhait) et ce dépistage massif ne serait clairement pas « coût-efficient ». En effet, un nombre certain de gènes peuvent être touchés par des mutations, comme évoqués précédemment les BRCA 1 et 1, mais aussi T53, CHEK2, ATM, STK11. Ces mutations ne touchent que le seul cancer du sein !

    - Imaginons un instant le nombre de gènes concernés par des mutations qui aboutiront hypothétiquement à l’apparition d’un cancer et le nombre de personnes atteintes par ces mutations. On sait aujourd’hui que les gènes peuvent être « allumés » ou « éteints » par plusieurs types de modifications chimiques qui ne changent pas la séquence de l’ADN comme des méthylations de l’ADN et des modifications des histones, ces protéines sur lesquelles s’enroule l’ADN pour former la chromatine. Toutes ces modifications constituent autant de « marques épigénétiques » regroupées sous le terme d’épigénome. Les modifications épigénétiques sont induites par l’environnement au sens large : la cellule reçoit en permanence toutes sortes de signaux l’informant sur son environnement, de manière à ce qu’elle se spécialise au cours du développement, ou ajuste son activité à la situation. Ces signaux, y compris ceux liés à nos comportements (alimentation, tabagisme, stress…), peuvent conduire à des modifications dans l’expression de nos gènes, sans affecter leur séquence. Le phénomène peut être transitoire, mais il existe des modifications épigénétiques pérennes, qui persistent lorsque le signal qui les a induites disparaît. Contrairement aux mutations génétiques qui sont irréversibles, le « marquage » épigénétique peut changer. Un simple changement d’environnement peut modifier le fonctionnement des gènes dont nous héritons à la naissance, et donc de notre « phénotype » (Jablonka, E., Lamb, M. Evolution in four dimensions. Cambridge MA 2005).

    - Sciensano confirme les propos : « Lorsque les personnes sont inquiètes, elles peuvent se faire conseiller et, si nécessaire, se faire tester. Nous recommandons en tout cas un examen génétique aux familles pour lesquelles il existe un soupçon lié à l’hérédité. Si une anomalie génétique est décelée, on sait qu’elle peut être associée à un risque plus élevé. Cependant, si ce type de test était élargi à une population plus étendue, il y aurait de grandes chances que l’on décèle des anomalies dans les mêmes gènes dans des situations moins typiques. Et rien n’exclut que ces anomalies génétiques soient associées à une moins grande augmentation du risque. En d’autres termes, le résultat doit être interprété en fonction des antécédents familiaux. Un exemple bien connu est celui des mutations dans le gène CHEK2. Chez les personnes en bonne santé par exemple, le risque est extrêmement variable. Si on retrouve une telle mutation chez une personne issue d’une famille présentant de nombreux cas de cancer du sein, alors la présence d’une telle mutation est associée à un risque de 3 à 4 fois plus élevé. En revanche, si on retrouve cette mutation au sein d’une famille qui présente une faible incidence du cancer du sein, l’augmentation du risque est moindre. On a affaire à la même mutation, mais ses implications sont très différentes.
    Nous n’en savons pas encore assez aujourd’hui sur le sujet pour offrir un test de ce type dans un contexte de dépistage (« La Politique du cancer en Belgique, hier et aujourd’hui. Des héros prennent la parole », Sciensano, 2019).

    Ce point est-il ajouté aux informations reçues à la demande d'un dépistage ?

    À l’heure actuelle, les examens de dépistage du cancer du sein consistent en la réalisation d’un Mammotest. Celui-ci permet le dépistage précoce d’un cancer du sein, augmente les chances de guérison complète et permet dans certains cas le recours à des traitements moins intrusifs. Il est systématiquement proposé aux femmes à partir de 50 ans jusqu’à 69 ans, et aux autres au cas par cas, en fonction du profil de risque (Fondation contre le cancer, 2018). Comme l’honorable membre l’a fait remarquer, l’âge de survenue du cancer du sein chez les femmes porteuses du gène BRCA1 et/ou BCRA2 est plus précoce. Elles ne sont en général pas concernées par le programme de dépistage organisé.

    Une campagne de communication est-elle envisagée sur cet élément précisément ?

    Il n’y a à ce jour aucune communication prévue sur cet élément. Rappelons toutefois les campagnes audiovisuelles qui existent invitent les femmes à l’autosurveillance, à l’autopalpation et à consulter leur médecin au moindre doute. C’est dans la relation de confiance avec le médecin que l’anamnèse familiale est réalisée. Elle peut mettre en évidence un risque accru de cancer du sein et amener la discussion avec la patiente sur les risques et bénéfices d’un dépistage génétique familial.