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Le stockage de carbone dans les terres agricoles

  • Session : 2021-2022
  • Année : 2021
  • N° : 130 (2021-2022) 1

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  • Question écrite du 10/11/2021
    • de FONTAINE Eddy
    • à BORSUS Willy, Ministre de l'Economie, du Commerce extérieur, de la Recherche et de l'Innovation, du Numérique, de l'Aménagement du territoire, de l'Agriculture, de l'IFAPME et des Centres de compétences
    La neutralité carbone était une nouvelle fois inscrite à l'ordre du jour de la COP26.

    L'agriculture régénératrice peut jouer un rôle important dans la réduction des émissions de CO2. Sa particularité est de pouvoir reconstituer la matière organique et restaurer la biodiversité des sols dégradés. Le procédé est simple : utiliser le pouvoir de la photosynthèse des plantes afin de réintroduire le CO2 atmosphérique en excès dans le cycle du carbone.

    À l'inverse de l'agriculture extractive, l'agriculture régénératrice permet de stocker du carbone, d'arrêter l'érosion, de favoriser la biodiversité, de purifier l'eau et d'offrir une production de haute qualité.

    Une start-up wallonne, Soil Capital, a développé le premier programme européen de rémunération carbone certifié pour l'agriculture. 15 agriculteurs belges (sur 800 intéressés) ont pu participer avec 150 autres à l'année test lancée en septembre 2020 : des certificats ISO sont vendus aux agriculteurs et entreprises afin de les soutenir dans leur démarche de neutralité carbone.

    Une nouvelle programmation pourrait réunir 1 000 agriculteurs suite à une levée de fonds de 2 millions d'euros et sera ouverte aussi aux éleveurs. L'objectif : atteindre 1 000 hectares d'ici 2025.

    Quels sont les agriculteurs sélectionnés pour la participation à ce programme ?

    Quels sont les retours sur ce programme lancé par la start-up Soil Capital ?

    Monsieur le Ministre incitera-t-il nos cultivateurs et éleveurs à remettre leur candidature pour la nouvelle programmation ?

    Des leviers seront-ils levés pour encourager nos agriculteurs à la participation à une agriculture plus régénératrice ?

    Comment appréhende-t-il cette technique et comment est-elle compatible avec l'application de la PAC en cours ?
  • Réponse du 06/12/2021
    • de BORSUS Willy
    L’agriculture régénératrice est une expression récemment apparue pour faire référence à certaines techniques et pratiques de productions agricoles. On y fait souvent référence en agriculture de conservation des sols ou en agroécologie. Elle permet de protéger les sols et d’accroître leur potentiel en termes de stockage du carbone, de biodiversité et de résistance à l’érosion.

    Avec ce concept et la volonté politique de réduire les gaz à effet de serre, des opportunités privées se sont ouvertes pour la filière grandes cultures dans le secteur du carbone avec l’enjeu d’une rémunération spécifique pour « service sociétal rendu ».

    C’est dans ce marché naissant que la démarche « Soil Capital Carbon » de la jeune société « Soil Capital » a été lancée, notamment en Belgique, avec l’idée d’avoir des collectifs d’agriculteurs suffisants pour générer des crédits carbone attractifs pour des acheteurs potentiels, avec l’objectif d’étendre l’entreprise aux éleveurs. Il s’agit d’une démarche entrepreneuriale libre, au même titre que « Farming4Climate » ou « Plant C », dans laquelle les pouvoirs publics ne peuvent pas directement s’immiscer en incitant les agriculteurs à y adhérer ou en fixant des règles de sélection. Toutefois, le développement d’un règlement européen de certification du stockage de carbone par le secteur agricole, forestier et industriel d’ici fin 2022 sera l’occasion de débattre des différentes approches possibles et de clarifier, dans un cadre juridique commun, les règles de ce marché émergent.

    Le projet 207 « Analyser la mise en place d’un système de rémunération des externalités positives des exploitations » du tout récent plan de relance de la Wallonie s’inscrit parfaitement dans ce cadre. Cela devrait aboutir à la mise en place d’un système de rémunération/compensation des agriculteurs pour service rendu, dont celui de la réduction des GES. Des contacts ont déjà été pris avec les syndicats agricoles à cet égard.

    Il est à noter que l’approche utilisée par « Soil Capital » se base sur un modèle (le « cool farm tool ») développé en 2011 au Royaume-Uni, proche de l’équation préconisée par le GIEC pour estimer les émissions de CO2 au niveau national. Ce modèle ne fait toutefois l’objet d’aucune validation pour des échelles plus fines tels que des bilans à l’exploitation ou à la parcelle, et n’a pas été adapté au contexte agropédologique wallon. Il présente donc des incertitudes importantes dont il faut tenir compte. De plus, les crédits carbone prédits par le modèle au niveau des parcelles de l’exploitation et objet de la transaction financière ne font pas l’objet d’une vérification sur site (aucune analyse de sol n’est réalisée pour confirmer les résultats attendus). Bien que l’outil soit pertinent pour développer une réflexion sur les pratiques agricoles de l’exploitation, baser un paiement sur une telle approche reste délicat.

    Toutefois, il est de notre rôle d’ouvrir des perspectives et de les encourager. C’est ce que la Région wallonne n’a pas manqué de faire et continue à faire. Les programmes de recherche et de développement vont dans ce sens. À titre d’exemple, au travers des projets du CRA-W, « Decide 2.0 », un outil de bilans de Gaz à effet de serre, énergie et ammoniac des exploitations agricoles a été développé. On peut aussi citer celui d’EJP (European Joint Program) - Soil visant à créer un environnement européen de recherche visant à améliorer la contribution des sols agricoles aux défis sociétaux majeurs. En termes de développement sur le terrain, la région soutient financièrement, aussi à titre d’exemple, l’association d’agriculteurs « Greenotec » pour encadrer ces derniers dans leurs développements en agriculture de conservation des sols.

    L’agriculture carbonée est un enjeu majeur global. Elle est au cœur du pacte vert de la nouvelle PAC. Ce programme européen a fixé un objectif ambitieux : celui de la neutralité climatique à l’horizon 2050. Le secteur agricole a un rôle essentiel à y jouer : contributeur, il y est également fait part de la solution pouvant stocker le CO2 dans la couche arable.

    Les éco-régimes de la PAC et principalement celui encourageant la couverture longue des sols ainsi que les MAEC dont la nouvelle méthode visant à augmenter le taux de carbone organique dans les sols et les financements privés peuvent se rejoindre pour récompenser les pratiques agricoles qui aident à lutter contre le réchauffement climatique et la dégradation de la biodiversité, mais avec cette difficulté qui doit être pointée : on ne peut pas payer deux fois pour un même effort. Sans oublier le rôle des plans nationaux stratégiques.

    Notre agriculture wallonne y a sa place. Nous en sommes bien conscients. Nous déposerons tout prochainement à la Commission notre Plan stratégique wallon incorporant explicitement et concrètement ces thématiques et actions allant dans le sens d’une agriculture durable environnementalement et économiquement.