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Le dernier avis du Conseil supérieur de la Santé (CSS) relatif au risque nucléaire et aux effets sur la santé des rayonnements ionisants pour la population résidant à proximité des sites nucléaires

  • Session : 2021-2022
  • Année : 2021
  • N° : 140 (2021-2022) 1

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  • Question écrite du 10/11/2021
    • de DEMEUSE Rodrigue
    • à TELLIER Céline, Ministre de l'Environnement, de la Nature, de la Forêt, de la Ruralité et du Bien-être animal
    Le Conseil supérieur de la Santé a publié le 25 octobre dernier un avis très remarqué concernant le risque nucléaire, le développement durable et la transition énergétique. Ce rapport aborde notamment la question de l'exposition de la population aux rayonnements ionisants.

    Le CSS affirme que de nouvelles données biologiques et épidémiologiques renforcent l'inquiétude quant aux effets néfastes d'une exposition aux rayonnements ionisants en dessous d'une dose de 100mSv (soit dans d'autres situations que des accidents nucléaires ou retombées d'essais atmosphériques de bombes nucléaires), en particulier chez les enfants et les enfants à naître.

    Sciensano avait déjà relevé par le passé, dans le proche voisinage de Mol-Dessel (moins de 5 km), une incidence 3 fois plus élevée du nombre de cas de leucémies infantiles que dans le reste du pays, et dans un rayon de 20 km autour du site de Fleurus, un gradient statistiquement significatif de l'incidence du cancer de la thyroïde avec les différents types d'expositions considérés.

    Dès lors, quelle analyse Madame la Ministre fait-elle de cet avis du CSS ? Quelles mesures a-t-elle prises suite aux conclusions de cet avis, dans le cadre des compétences qui sont les siennes ?

    Des mesures particulières sont-elles prises face au risque que représente l'exposition aux rayonnements ionisants ? Une analyse et des études complémentaires de l'impact de l'exposition aux rayonnements ionisants faibles et intermédiaires issus des installations nucléaires sur la santé des riverains sont-elles prévues ? L'AViQ dispose-t-elle de chiffres complémentaires ?

    Une concertation est-elle prévue avec l'autorité fédérale et la Fédération Wallonie-Bruxelles pour discuter de l'élaboration de plans d'actions visant à protéger la population à proximité des installations nucléaires, afin d'éviter l'occurrence de toute maladie radio-induite ?

    L'AViQ a-t-elle prévu une communication en la matière à destination de la population locale ?
  • Réponse du 24/01/2022
    • de TELLIER Céline
    En ce qui concerne les situations décrites par les deux études menées par Sciensano auxquelles l’honorable membre fait référence dans sa question, la première étude relative aux cancers de la thyroïde et la seconde étude relative aux leucémies infantiles ont principalement mis en évidence qu’il n’y avait pas d’augmentation de cas de cancer à proximité des centrales nucléaires belges. Mais c’est en lien avec l'incident survenu sur le site nucléaire de Fleurus en août 2008 (libération accidentelle de gaz radioactif contenant de l’iode 131) que Sciensano a été mandaté pour réaliser ces études. Il a été constaté une incidence plus élevée de cancers de la thyroïde autour du site nucléaire de Fleurus et une incidence plus élevée de leucémie infantile autour du site nucléaire de Mol-Dessel. Dans ses conclusions, Sciensano a précisé que ces études ne permettent pas de mettre en évidence un lien de causalité entre l’apparition de nouveaux cas de cancer et la présence des installations nucléaires. Elles ne permettent pas non plus de tirer de conclusions au niveau individuel.

    Les cancers de la thyroïde font l’objet d’un effort de recherche plus important de la part des praticiens de la santé chez les personnes résidant autour des sites nucléaires. Cet effort est justifié par les risques spécifiques de l’iode radioactif. Scientifiquement, l existe un risque de surévaluation du nombre de cas liés à cet effort de recherche plus important. C’est un risque connu en épidémiologie : le « research bias ». Cet aspect a été discuté par Sciensano dans ses publications décrivant la situation autour du site de Fleurus, situation qui ne se rencontre pas autour des autres sites étudiés. Néanmoins, je pense qu’on ne peut se permettre aucune légèreté dans ce domaine, et que la situation doit continuer à être suivie de près.

    En ce qui concerne la situation de Mol-Dessel, elle a été évaluée au cours d’un projet de recherche (NUCABEL 2) s’intéressant à quatre sites. L’étude indique que, pour trois d’entre eux, l’incidence des leucémies infantiles n’est pas plus élevée qu’ailleurs en Belgique. Dans le proche voisinage de Mol-Dessel (< 5 km), on observe bien une incidence statistiquement significative 3 fois plus élevée que pour le reste de Belgique. Le nombre de cas observés sur lequel repose cette analyse reste faible, avec le problème des « statistiques des petits nombres » portant en outre sur une maladie qui constitue le type de cancer infantile le plus fréquent.

    Les études du type de celles réalisées par Sciensano sont cruciales pour étudier la situation au niveau local, mais, pour pouvoir approfondir nos connaissances entre l’exposition environnementale et l’incidence de ce type de maladie, il est important de disposer de plus de données ou réaliser des méta-analyses combinant les résultats de plusieurs études.

    Enfin, Sciensano ne remet pas en question dans cette étude les seuils internationaux définissant les doses acceptables de radiations ionisantes en lien avec la survenue de cancer.

    Nos connaissances des effets à long terme des radiations ionisantes sont basées sur des situations réelles terribles auxquelles des populations entières ont été exposées (Hiroshima, Nagasaki, Tchernobyl, etc.). Les niveaux de sécurité des sites ont été établis en fonction de ces connaissances. L’essentiel de ces mesures a été défini sur base des capacités que manifestent les rayonnements nucléaires et certains isotopes radioactifs à induire des cancers. En cela l’analyse réalisée par le CSS est intéressante en mettant en avant les recherches les plus récentes qui visent cette fois d’autres types d’atteintes physiques. Cet aspect mériterait d’être plus spécifiquement développé pour permettre de réévaluer les conditions de sécurité des sites nucléaires qui ne vont malheureusement pas disparaitre du jour au lendemain. En effet, une centrale nucléaire mise à l’arrêt doit être démantelée et continuera à générer des déchets qui grossiront ceux déjà entreposés.

    Les conditions de sécurité sont encore à ce jour définies par l’Agence fédérale de contrôle nucléaire.