Choix d'un cabinet d'avocats par un CPAS ou une société de logement social en particulier pour ce qui concerne la ville de Ciney.
Session : 2005-2006
Année : 2006
N° : 223 (2005-2006) 1
2 élément(s) trouvé(s).
Question écrite du 22/06/2006
de CHERON Marcel
à ANTOINE André, Ministre du Logement, des Transports et du Développement territorial
Le bourgmestre de la commune de Ciney, par ailleurs sénateur, est également avocat. Il est ainsi l'un des trois associés du cabinet d'avocats qui porte son nom, au même titre que, notamment, son chef de groupe au conseil communal.
Il apparaît que toutes les prestations d'avocats sollicitées pour se défendre en justice par le CPAS, d'une part, et par la société de logement social le « Foyer cinacien », d'autre part, sont attribuées au cabinet d'avocats du bourgmestre. Cela représente plusieurs dizaines de milliers d'euros par an.
Ces éléments ne manquent pas d'interpeller, tant sur le plan de la légalité que sur le plan éthique. Je souhaite dès lors interroger Monsieur le Ministre à ce sujet.
Je souhaite tout d'abord évoquer la problématique sous l'angle juridique. Monsieur le Ministre peut-il préciser les règles à observer en cette matière ?
Je souhaite également interroger Monsieur le Ministre sur le plan de la bonne gouvernance et de l'éthique. En particulier, est-il raisonnable qu'aucune mise en concurrence des différents bureaux d'avocats de la région ne soit jamais réalisée ? Est-il raisonnable que ces autorités, CPAS et SLSP, directement liées à la commune, choisissent de façon systématique le cabinet d'avocats du bourgmestre de la même commune ?
Le CPAS de Ciney fait appel au cabinet d'avocats du bourgmestre dans tous les cas de recours de demandeurs d'aide sociale alors que de nombreux CPAS assurent eux-mêmes leur défense dans les cas qui concernent les refus d'aides. Le plus souvent, en effet, dans de telles affaires, les avocats ne font que présenter les dossiers préparés par les travailleurs sociaux.
Par ailleurs, dans plusieurs affaires, le CPAS de Ciney et le Foyer cinacien sont allés en appel de décisions de justice alors que rien ne laissait présager un changement de verdict. D'où coût pour ces autorités. Ne convient-il pas de considérer qu'il y a là un recours abusif et coûteux à l'expertise du cabinet d'avocats ?
Enfin, la confusion entre ville de Ciney et CPAS ou SLSP est telle que, pour un certain nombre de personnes précarisées, la difficulté de défendre leurs droits sociaux est renforcée par le fait qu'elles se sentent à la fois en conflit avec le CPAS ou la société de logement social et avec l'autorité communale.
La confusion peut toucher à son paroxysme quand le sénateur-bourgmestre écrit, voire menace, un citoyen en utilisant des informations et références liées à un dossier judiciaire qu'il traite comme avocat. Cette situation ne pose-t-elle pas un problème déontologique important ? Qu'en pense Monsieur le Ministre ?
Réponse du 28/07/2006
de ANTOINE André
Les services juridiques relèvent incontestablement de la notion de marchés de service au sens de la loi sur les marchés publics.
Le principe veut donc que la consultation d'un bureau d'avocats soit précédée d'une mise en concurrence.
Toutefois, ce principe doit être nuancé.
En effet, la relation client/avocat est basée prioritairement sur une relation nécessaire de confiance.
Le caractère « intuitu personae » de la relation qui unit l'avocat à son client a comme conséquence « qu'en matière de mise en concurrence, un régime particulier, dérogatoire au système classique de mise en concurrence, est mis en place pour certains services juridiques » (P. Thiel, Mémento des marchés publics, éditions Kluwer, p. 82).
Ce régime dérogatoire est visé à l'article 68, alinéa 6, de l'arrêté royal du 8 janvier 1996 relatif aux marchés publics de travaux, de fournitures et de services et aux concessions de travaux publics qui dispose que «!'impossibilité de consulter le nombre requis est considérée comme établie pour les marchés publics portant sur des services juridiques de conseil et de représentation devant les juridictions et autres organes de règlement des litiges ».
Cela étant dit, toute dérogation au régime de droit commun doit s'interpréter restrictivement et, lorsqu'il s'agit de confier à un cabinet d'avocats un contentieux récurrent (tel que la récupération de loyers, par exemple), la mise en concurrence préalable peut s'envisager pour conclure un abonnement avec le prestataire de service présentant la meilleure offre de service.
Par contre, lorsqu'il s'agit de confier un dossier à un avocat sur un thème particulier, parfois délicat, la question de la confiance avec l'avocat l'emporte et les procédures de mise en concurrence ne sont pas adéquates.
Il convient d'ajouter que les avocats sont tenus au respect de règles déontologiques sous l'autorité du Bâtonnier.
L'incompatibilité éventuelle dont il est question dans la question relève de l'autorité du Bâtonnier auprès duquel une plainte peut toujours être déposée.