Choix d'un cabinet d'avocats par un CPAS ou une société de logement social en particulier pour ce qui concerne la ville de Ciney.
Session : 2005-2006
Année : 2006
N° : 199 (2005-2006) 1
2 élément(s) trouvé(s).
Question écrite du 22/06/2006
de CHERON Marcel
à COURARD Philippe, Ministre des Affaires intérieures et de la Fonction publique
Le bourgmestre de la commune de Ciney, par ailleurs sénateur, est également avocat. Il est ainsi l'un des trois associés du cabinet d'avocats qui porte son nom, au même titre que, notamment, son chef de groupe au conseil communal.
Il apparaît que toutes les prestations d'avocats sollicitées pour se défendre en justice par le CPAS, d'une part, et par la société de logement social le « Foyer cinacien », d'autre part, sont attribuées au cabinet d'avocats du bourgmestre. Cela représente plusieurs dizaines de milliers d'euros par an.
Ces éléments ne manquent pas d'interpeller, tant sur le plan de la légalité que sur le plan éthique. Je souhaite dès lors interroger Monsieur le Ministre à ce sujet.
Je souhaite tout d'abord évoquer la problématique sous l'angle juridique. Monsieur le Ministre peut-il préciser les règles à observer en cette matière ?
Je souhaite également interroger Monsieur le Ministre sur le plan de la bonne gouvernance et de l'éthique. En particulier, est-il raisonnable qu'aucune mise en concurrence des différents bureaux d'avocats de la région ne soit jamais réalisée ? Est-il raisonnable que ces autorités, CPAS et SLSP, directement liées à la commune, choisissent de façon systématique le cabinet d'avocats du bourgmestre de la même commune ?
Le CPAS de Ciney fait appel au cabinet d'avocats du bourgmestre dans tous les cas de recours de demandeurs d'aide sociale alors que de nombreux CPAS assurent eux-mêmes leur défense dans les cas qui concernent les refus d'aides. Le plus souvent, en effet, dans de telles affaires, les avocats ne font que présenter les dossiers préparés par les travailleurs sociaux.
Par ailleurs, dans plusieurs affaires, le CPAS de Ciney et le Foyer cinacien sont allés en appel de décisions de justice alors que rien ne laissait présager un changement de verdict. D'où coût pour ces autorités. Ne convient-il pas de considérer qu'il y a là un recours abusif et coûteux à l'expertise du cabinet d'avocats ?
Enfin, la confusion entre ville de Ciney et CPAS ou SLSP est telle que, pour un certain nombre de personnes précarisées, la difficulté de défendre leurs droits sociaux est renforcée par le fait qu'elles se sentent à la fois en conflit avec le CPAS ou la société de logement social et avec l'autorité communale.
La confusion peut toucher à son paroxysme quand le sénateur-bourgmestre écrit, voire menace, un citoyen en utilisant des informations et références liées à un dossier judiciaire qu'il traite comme avocat. Cette situation ne pose-t-elle pas un problème déontologique important ? Qu'en pense Monsieur le Ministre ?
Réponse du 17/07/2009
de COURARD Philippe
La question posée par l'honorable Membre a retenu ma meilleure attention.
Mon contradicteur consacre la première partie de son exposé à l'angle juridique de la situation qu'il soulève.
A cet égard, je me dois d'observer que rien ne semble s'opposer à ce que le cabinet d'avocats dont fait partie un mandataire intervienne dans une affaire du CPAS, moyennant l'application du prescrit de l'article 37, 1° et 3° de la loi du 8 juillet 1976 organique des CPAS. En tout état de cause, je recommande à l'ensemble des pouvoirs locaux de veiller scrupuleusement à l'application de la loi du 24 décembre 1993 relative aux marchés publics et à certains marchés de travaux, de fourniture et de services, notamment à l'article 17, § 1er, et de l'arrêté royal du 8 janvier 1996.
Il y a lieu d'observer que l'alinéa 6 de l'article 68 de l'arrêté royal sous références dispose que « L'impossibilité de consulter le nombre de candidats requis par les alinéas 3 et 4 est considérée comme établie pour les marchés portant sur des services juridiques de conseil et de représentation devant les juridictions et autres organes de règlement des litiges ».
Pour ce qui concerne la décision du Conseil de faire appel à un avocat pour la défense de ses intérêts et pour l'exercice des voies de recours, je me permets de rappeler à l'honorable Membre qu'elle relève de l'autonomie locale dont j'entends être le premier défenseur.
La deuxième partie de la question qui m'est adressée évoque la bonne gouvernance et l'éthique. Considérant le dernier paragraphe de ce texte, cette formulation me paraît être infiniment plus grave qu'il n'y paraît au premier abord puisque les éléments cités, s'ils devaient s'avérer, relèveraient du Conseil de l'Ordre, sans préjudice des fautes pénales qui seraient ainsi commises.
Je souhaite donc formuler ma réponse en deux temps :
1° les éléments énoncés par l'honorable Membre en conclusion de ses développements appellent la présentation d'éléments de preuve et, à titre immédiat, le respect de la saine présomption d'innocence. Il va toutefois de soi que, si j'étais saisi d'une plainte fondée, se basant sur des faits dûment démontrés et attestés, je ferais preuve, dans le cadre strict de mes compétences de tutelle, de la sévérité qui s'imposerait à l'égard de leur auteur ;
2° sur les paragraphes 5 à 8 de la question qui m'est soumise, et plus particulièrement encore l'avant-dernier paragraphe de cet exposé général, force m'est de reconnaître que, si ces éléments étaient avérés, les règles de bonne gouvernance ne sembleraient pas être traduites de manière optimale, encore que les dispositions légales existantes ne m'offrent pas la possibilité d'interférer en la matière.
Je veux toutefois souligner ici la prudence dont il y a lieu de faire preuve, dans la mesure où constituerait sans doute une erreur politique le fait d'adopter dans l'urgence, sans réflexion approfondie et pour un ensemble d'institutions, des règles visant à régler une problématique locale, au risque d'affaiblir les textes légaux existants ou de compliquer de manière inopportune l'organisation générale et le fonctionnement des institutions locales.
Enfin, il va de soi que je demeure attentif à chaque développement qui pourrait intervenir dans ce cadre auquel je ne manquerai pas de répondre dans les formes prescrites, pour autant que les faits concernés soient certains et démontrés comme tel.