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La protection des hiboux grands-ducs en Wallonie

  • Session : 2021-2022
  • Année : 2021
  • N° : 145 (2021-2022) 1

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  • Question écrite du 18/11/2021
    • de SOBRY Rachel
    • à TELLIER Céline, Ministre de l'Environnement, de la Nature, de la Forêt, de la Ruralité et du Bien-être animal
    Le hibou grand-duc d'Europe, surnommé le roi de la nuit, est le plus grand rapace nocturne de nos contrées. Alors qu'il disparait complètement de Wallonie durant la première moitié du XXe siècle, un programme de réinsertion mis en place en Allemagne le ramènerait par intermittences dans notre région.

    Madame la Ministre le rappelait à l'occasion d'une question écrite en février, le grand-duc s'installe généralement sur des escarpements rocheux tels que rencontrés le long de falaises ou dans des carrières. Alors qu'un couple a été repéré dans une zone rocheuse de Lompret, sur l'entité de Chimay, des mesures de précautions ont été prises pour éviter que cette espèce protégée et rare ne soit dérangée.

    Ainsi, la Ville de Chimay a pris un arrêté de police en vue d'interdire la pratique de l'escalade sur le site « des roches ». Il est vrai qu'un grimpeur pourrait effaroucher les jeunes et effrayer les parents s'il tombait sur le nid. Les menaces restent cependant nombreuses pour ce rapace nocturne : chasse illégale, prélèvement d'œufs par les collectionneurs, collisions avec des câbles électriques aériens, etc.

    En février, elle précisait à ma collègue Véronique Durenne que la dernière synthèse de données disponibles faisait état d'une population d'environ 90 couples, soit un effectif en légère hausse avec tendance à la stabilisation.

    Alors que la protection et la restauration des habitats pour la faune sauvage font partie des points repris par la Déclaration de politique régionale, j'ai plusieurs questions à poser,

    Quelles mesures de protection sont prises à l'égard des hiboux grands-ducs ?

    Est-il justifiable d'interdire certaines activités, comme l'escalade, qui se dérouleraient à proximité de nids identifiés ?
    Le cas échéant, une communication en ce sens à l'attention des communes wallonnes serait-elle utile ?

    L'engouement pour les randonnées et autres activités en extérieur risque-t-il, en certains lieux, de perturber les grands-ducs présents ?

    Pourrait-on installer des panneaux explicatifs pour les promeneurs ?
  • Réponse du 17/12/2021
    • de TELLIER Céline
    Le Grand-duc d’Europe est une espèce intégralement protégée en Wallonie en vertu de l’article 2 de la Loi sur la Conservation de la Nature du 12 juillet 1973. Ceci implique notamment l’interdiction de toute perturbation intentionnelle, ce qui peut inclure les dérangements issus d’activités telles que le passage de personnes à proximité directe du nid, dans la mesure où elles ont connaissance de la présence du nid.

    En effet, comme le précise le responsable du Centre belge de Baguage à l’Institut Royal des Sciences naturelles de Belgique (IRSNB) sur la base des observations issues d’un programme de suivi de l’écologie et de la dynamique du Grand-duc d’Europe, le Grand-duc d’Europe est réputé abandonner quasi systématiquement sa nidification si le nid est dérangé au point de provoquer l’envol de la femelle du nid pendant la période de couvaison ou au cours des 10 jours postérieurs à l’éclosion.

    La situation habituelle des nids, en paroi rocheuse, met généralement l’espèce à l’abri de tels dérangements, car le nombre de sites où le Grand-duc d’Europe niche et où la pratique de l’escalade à court est actuellement très limité en Wallonie. Il ne sera probablement jamais important considérant le fait que les uns et les autres affectionnent des facies de parois différents.

    Dans le cas où une activité est pratiquée régulièrement sur une paroi occupée par des grands-ducs d’Europe, ceux-ci vont systématiquement chercher à s’installer dans les zones libres de dérangement direct.

    Cependant, l’escalade est une activité qui s’exerce peu en hiver et qui est donc difficilement prévisible pour un oiseau. Afin d’éviter que le succès de nidification de l’espèce soit contrarié par cette pratique, il est opportun de garantir une zone d’exclusion de la pratique de l’escalade portée à 25 mètres de part et d’autre du nid et s’étendant du pied au sommet de la paroi. Pour la pratique en groupe d’activités d’escalade à caractère récréatif, la zone d’exclusion serait à étendre compte tenu du caractère plus bruyant de cette activité.

    En ce qui concerne la question sur la communication, je dois souligner la collaboration efficace, depuis une vingtaine d’années entre l’IRSNB, qui assure le suivi de la majorité des nids de hiboux grand-duc, et le Club alpin en Wallonie. Lorsque l’IRSNB ou des adhérents au Club alpin constatent la nidification du Hibou grand-duc sur un des sites qu’ils fréquentent, une zone d’exclusion de minimum 25 mètres est définie de part et d’autre du nid, selon la spécificité de la paroi. Cette mesure a prouvé son efficacité et dès lors les communes ne sont généralement pas impliquées dans les mesures visant à limiter le dérangement. Une telle implication pourrait éventuellement s’avérer utile pour les sites qui sont concernés par des activités d’escalade à caractère récréatif, mais est à envisager au cas par cas avec le Département de la Nature et des Forêts.

    Pour ce qui concerne l’impact éventuel d’autres types d’activités, le Hibou Grand-duc s’installe quasi systématiquement dans des parois rocheuses dont une très faible proportion est d’origine naturelle. L’activité de ce rapace est très majoritairement nocturne. Durant la journée, il reste posté sur la falaise, éventuellement à proximité de son nid, à l’abri d’une anfractuosité rocheuse ou d’un buisson, si bien que les activités extérieures, si elles se pratiquent à proximité de la falaise, ne sont théoriquement pas de nature à déranger significativement l’espèce.

    L’installation de panneaux explicatifs pour les promeneurs risquerait d’attirer l’attention des promeneurs sur des oiseaux qui généralement passent totalement inaperçus et n’est donc pas forcément à recommander.