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Le soutien financier régional apporté au stockage de CO2 par des pratiques agricoles nouvelles

  • Session : 2021-2022
  • Année : 2021
  • N° : 161 (2021-2022) 1

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  • Question écrite du 22/11/2021
    • de ANTOINE André
    • à BORSUS Willy, Ministre de l'Economie, du Commerce extérieur, de la Recherche et de l'Innovation, du Numérique, de l'Aménagement du territoire, de l'Agriculture, de l'IFAPME et des Centres de compétences
    Souvent mis au banc des accusés dans le débat climatique - essentiellement pour les dégagements de GES liés aux engrais et à l'élevage bovin -, les agriculteurs peuvent aussi être une partie de la solution dans le défi du stockage de CO2.

    Dans le Condroz liégeois, à Clavier, Guillaume Debouge en est un exemple dans le cadre d'un programme plutôt original et potentiellement rémunérateur. Le jeune agriculteur a adhéré au programme de Soil Capital, une société créée par des ingénieurs agronomes et basée à Thorembais-les-Béguines.

    Quelque 150 agriculteurs (dont 15 en Belgique) ont déjà adhéré à ce « premier programme européen de rémunération carbone certifié pour l'agriculture » depuis son lancement fin 2020. Après bilan, il s'avère que tous les agriculteurs de la première saison sont déjà des stockeurs nets de carbone, indique Soil Capital, qui souligne que toutes les cultures sont susceptibles de stocker au moins deux tonnes de CO2 par hectare et par an.

    Quel bilan environnemental Monsieur le Ministre tire-t-il de cette pratique de capture agricole de CO2 ? De quelle campagne de sensibilisation a bénéficié cet ambitieux programme européen

    A-t-il contacté les fédérations agricoles pour les convaincre de s'investir dans cette technique innovatrice, dès lors que les agriculteurs impliqués dans ce programme sont malheureusement encore très limités ?

    Envisage-t-il un dispositif incitatif financier wallon complémentaire, même provisoire, à partir du Fonds Kyoto ? La société Soil Capital bénéficie-t-elle d'une intervention financière de l'un de nos outils économiques ? Si oui, pour quel montant ?

    Quelles autres démarches agroenvironnementales propose-t-il à nos agriculteurs pour devenir acteurs d'une écologie rurale ?
  • Réponse du 30/11/2021
    • de BORSUS Willy
    L’agriculture, comme l’honorable membre le fait bien remarquer, est effectivement génératrice de gaz à effet de serre, mais en subit aussi les conséquences et est à même de faire partie de la solution dans la lutte contre le réchauffement climatique. L’élevage concentre certains reproches vis-à-vis de ses émissions de méthane. Or, ces émissions doivent être considérées en regard du rôle des prairies permanentes destinées à l’élevage dans la fixation du carbone si l’on veut dégager une vision plus objective. Il faut garder à l’esprit que celles-ci représentent quelque 42 % de notre surface agricole utile et compensent donc en grande partie les gaz à effet de serre des élevages wallons. Leur disparition signifierait une libération dans l’atmosphère des stocks de carbone accumulés depuis des décennies dans nos prairies. L’attention portée à notre élevage bovin reste donc primordiale.

    Avec les concepts d’agriculture durable, de conservation des sols, régénératrice … et la volonté politique de réduire les gaz à effet de serre, des opportunités privées se sont ouvertes pour la filière grandes cultures dans le secteur du carbone avec l’enjeu d’une rémunération spécifique pour service sociétal rendu.

    C’est dans ce marché naissant que la démarche « Soil Capital Carbon » de la jeune société Soil Capital a été lancée, en Belgique et en France, avec l’idée d’avoir des collectifs d’agriculteurs suffisants pour générer des crédits « carbone » attractifs pour des acheteurs potentiels.

    Même si « Soil Capital » ne bénéficie pas d’un subside public, elle bénéficie d’un prêt financier de la SOWALFIN. Elle a aussi effectué une demande de soutien à l’emploi SESAME proposé par le Forem. « Soil Capital » est une démarche entrepreneuriale libre dans laquelle les pouvoirs publics ne peuvent directement s’immiscer.

    A contrario, il est de notre rôle d’ouvrir des perspectives et de les encourager. Ce que la Région wallonne n’a pas manqué de faire et continue de faire. Des programmes de recherche et de développement vont dans ce sens. À titre d’exemple, au travers des projets du CRA-w « Decide 2.0 » un outil de bilans de gaz à effet de serre, énergie et ammoniac des exploitations agricoles a été développé. En termes de développement sur le terrain, la Région soutient financièrement, aussi à titre d’exemple, l’association d’agriculteurs « Greenotec »pour encadrer ces derniers dans leurs développements en agriculture de conservation des sols.

    L’agriculture carbonée est un enjeu majeur global. Elle est au cœur du pacte vert de la nouvelle PAC. Ce programme européen a fixé un objectif ambitieux : celui de la neutralité climatique à l’horizon 2050.

    Les écorégimes de la PAC et principalement celui encourageant la couverture longue des sols ainsi que les mesures agroenvironnementales et climatiques dont la nouvelle mesure visant à augmenter le taux de carbone organique dans les sols et les financements privés peuvent se rejoindre pour encourager les pratiques agricoles qui aident à lutter contre le réchauffement climatique.

    Notre agriculture wallonne y a sa place. Nous en sommes bien conscients. Nous déposerons prochainement à la Commission notre Plan stratégique wallon incorporant explicitement et concrètement ces thématiques et actions allant dans le sens souhaitable : celui d’une agriculture carbonée, mais aussi durable environnementalement et économiquement.

    La Région wallonne n’a toutefois pas attendu cette PAC pour agir en faveur du stockage du carbone dans le sol. En effet, les prairies qui jouent un rôle majeur dans le maintien du carbone dans les sols sont déjà protégées via :
    - le réseau Natura 2000 complètement mis en œuvre en 2018 ;
    - les mesures agroenvironnementales qui permettent de protéger les prairies naturelles et de haute valeur biologique, ainsi que les exploitations visant l’autonomie fourragère et la faible charge en bétail.

    Nous avons aussi directement un rôle important à jouer avec des sociétés comme Soil Capital : celui d’instaurer un cadre propice de concertation « public – privé » afin de s’assurer d’une bonne complémentarité avec effets démultipliés entre initiatives libres et réglementation.

    Je serai attentif au fait que, si les conditions belges sont propices à la demande de certificats carbone par nos industries de transformation, celle de l’offre l’est cependant moins. La taille plus réduite de nos exploitations comparativement à celles des grandes plaines de cultures françaises joue ici en notre défaveur. Elle constitue un frein financier, compte tenu du fait qu’il y a un coût d’adhésion fixe moins facilement amortissable.