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La suspension par le Conseil d'État des plans de gestion de la chasse à la perdrix grise

  • Session : 2021-2022
  • Année : 2021
  • N° : 168 (2021-2022) 1

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  • Question écrite du 22/11/2021
    • de FONTAINE Eddy
    • à BORSUS Willy, Ministre de l'Economie, du Commerce extérieur, de la Recherche et de l'Innovation, du Numérique, de l'Aménagement du territoire, de l'Agriculture, de l'IFAPME et des Centres de compétences
    Récemment, la Ligue royale belge pour la protection des oiseaux (LRBPO) a obtenu la suspension de la chasse à la perdrix grise pour neuf conseils cynégétiques wallons, et des procédures sont toujours en cours pour une dizaine d'autres auprès du Conseil d'État. Par cette suspension, il est espéré diminuer la pression sur cette petite faune.

    Dans sa décision, le Conseil d'État pointe le fait qu'un service public de Wallonie, le Département de l'étude du milieu naturel et agricole (DEMNA), demande que les prélèvements soient « totalement arrêtés pendant toute la durée du repeuplement, soit 2 à 5 ans ».

    Ainsi, alors que la Wallonie a réintroduit des perdrix en milieu naturel, il y a conflit entre l'arrêté chasse et l'administration wallonne, tout en ne respectant pas les prescrits européens au regard de la directive européenne sur la protection des oiseaux, qui classe la perdrix grise comme oiseau menacé d'extinction. Ainsi sont visés les délais de tir après réintroduction des perdrix, délai inexistant pour 2021 et fixé à un an pour 2022.

    Quelle est l’analyse de Monsieur le Ministre face à cette décision du Conseil d'État relative à cette portion de l'arrêté chasse 2020-2025 ?

    Compte-t-il modifier en conséquence les dispositions prévues concernant la perdrix grise en Wallonie ?

    Des échanges ont-ils été bien engagés avec le DEMNA suite à cette décision, afin d'éviter de nous retrouver dans une situation contradictoire entre Gouvernement et administration publique ?

    Plus largement, la proposition de la LRBPO concernant un moratoire pour la protection de toute la petite faune des plaines suscite-t-elle une réflexion sur la pression subie par le « petit gibier » en Wallonie ? Je pense à la perdrix, mais aussi au faisan, colvert, lapin ou encore au lièvre.
  • Réponse du 13/12/2021
    • de BORSUS Willy
    La directive européenne sur la protection des oiseaux sauvages autorise bien la chasse de la perdrix grise en Belgique. Depuis cette saison cynégétique, la chasse de la perdrix n’est plus autorisée que sur les territoires relevant d’un conseil cynégétique agréé qui dispose d’un plan de gestion de la perdrix grise approuvé par la Directrice générale du SPW-ARNE. Compte tenu de son état de conservation défavorable chez nous, le Conseil d’État – s’appuyant sur un guide interprétatif de la directive élaboré par des experts à l’initiative de la Commission européenne – a toutefois jugé que la chasse d’une espèce en mauvais état de conservation comme la perdrix, si elle est maintenue, devait s’inscrire dans le cadre de plans de gestion susceptibles de conduire au redressement des populations de perdrix. Outre des prélèvements raisonnés, ces plans doivent notamment prévoir la mise en œuvre d’actions favorables à l’espèce au niveau de son milieu. C’est ce qui a été prévu par le Gouvernement dans le cadre de l’adoption de l’arrêté quinquennal actuel des ouvertures de la chasse (AGW du 29 mai 2020).
    20 conseils cynégétiques ont donc introduit un plan de gestion et 19 ont vu leur plan partiellement approuvé par la Directrice générale du SPW-ARNE.
    10 décisions d’approbation partielle de ces plans de gestion ont cependant été attaquées début septembre au Conseil d’État par la LRBPO, qui a demandé leur suspension en extrême urgence et leur annulation.
    Une décision n’a pas été suspendue. Les 9 autres décisions ont effectivement été suspendues en extrême urgence par le Conseil d’État, le 29 septembre dernier. Pour l’essentiel, le Conseil d’État a reproché deux choses au niveau de ces décisions :
    - d’avoir indiqué qu’exceptionnellement cette année, l’administration tolèrerait qu’une partie des oiseaux lâchés puissent être prélevés comme le plan le prévoyait, mais que celui-ci devrait être corrigé en vue de la prochaine saison de chasse pour prévoir une interdiction de chasser la perdrix en cas de lâchers. Dans la mesure où sont seuls encore admis les lâchers de repeuplement, il est assez logique d’exiger que les oiseaux lâchés aient la possibilité de se reproduire au moins une fois ;
    - d’avoir relevé l’un ou l’autre manquement au niveau de ces plans et demandé dès lors de corriger ceux-ci en conséquence, en vue la prochaine saison de chasse.

    Le Conseil d’État a considéré que la réglementation n’offrait pas la possibilité à l’administration de demander des corrections ou des améliorations au niveau des plans de gestion et que les décisions étaient donc entachées d’illégalité. Pour le Conseil d’État, l’administration n’avait pas d’autre choix que de refuser d’approuver les plans s’ils ne rencontraient pas les exigences prévues par la réglementation.

    Si l’administration a voulu faire preuve de souplesse, c’est parce qu’elle était consciente de l’urgence dans laquelle ces plans ont dû être élaborés par les conseils et parce qu’elle a souhaité susciter une démarche d’amélioration, plutôt que de les refuser tout simplement, ce qui aurait conduit à l’arrêt définitif de la chasse de la perdrix. Je rappelle ici que si le Gouvernement a décidé de maintenir à certaines conditions l’ouverture de la chasse de la perdrix, c’est parce qu’il était d’avis qu’une interdiction de la chasse de ce gibier ne ferait qu’accélérer son déclin, plus personne sur le terrain ne se préoccupant des conditions de vie de cet oiseau de plaine. Il faut en effet reconnaître que les chasseurs – au moins certains d’entre eux – sont les seuls à mener des actions d’amélioration du milieu en faveur de la perdrix, dont le déclin est dû, pour l’essentiel, à la dégradation de son milieu, la chasse n’étant responsable que d’une mortalité de l’ordre de 5 %.

    Il est à noter que le Conseil d’État n’a pas encore statué en annulation et n’a pas examiné tous les arguments invoqués par la LRBPO. Pour se prononcer sur la suspension en extrême urgence, il lui suffisait d’acter qu’il y avait une réelle urgence et qu’au moins un des arguments soulevés par le requérant était à première vue sérieux.

    Les 9 autres décisions d’approbation des plans de gestion ont également été attaquées par la suite devant le Conseil d’État par la LRBPO, mais compte tenu des délais écoulés, uniquement en suspension ordinaire et en annulation.

    Compte tenu des 9 arrêts de suspension en extrême urgence prononcés par le Conseil d’État le 29 septembre dernier, on doit s’attendre à ce que presque toutes les décisions d’approbation des plans de gestion soient annulées. Les conseils cynégétiques auront alors le choix, soit d’abandonner la chasse de la perdrix, soit de réintroduire un nouveau plan de gestion répondant totalement aux exigences de la réglementation et susceptible de faire l’objet d’une nouvelle décision favorable de la Directrice générale. C’est la raison pour laquelle mes services s’attellent évidemment à analyser en profondeur les arguments développés par la LRBPO afin d’éviter à l’avenir de se voir exposés aux mêmes reproches. Toutefois, si le Conseil d’État annule prochainement les dispositions de l’arrêté quinquennal d’ouverture de la chasse relative à la perdrix, qui font toujours l’objet d’un recours pendant en annulation, introduit par la LRBPO en 2020, il en résulterait qu’en ne disposant alors plus de base légale, les plans de gestion n’auront plus lieu d’être et la question pour les conseils cynégétiques d’introduire ou non un nouveau plan de gestion ne se poserait plus en l’attente ou sous réserve du rétablissement d’une base légale. Dans cette hypothèse, cela en serait malheureusement peut-être terminé de la chasse de la perdrix en Région wallonne, je dis malheureusement, car je crains fort qu’une telle issue ne soit absolument pas profitable à cette espèce, les chasseurs se désinvestissant alors au niveau des aménagements de la plaine en sa faveur.