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L'addiction au numérique

  • Session : 2021-2022
  • Année : 2021
  • N° : 136 (2021-2022) 1

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  • Question écrite du 22/11/2021
    • de ANTOINE André
    • à MORREALE Christie, Ministre de l'Emploi, de la Formation, de la Santé, de l'Action sociale, de l'Egalité des chances et des Droits des femmes
    La pandémie du Covid-19 a clairement changé notre mode de vie qui nous a, malheureusement, plus isolés. En effet, le télétravail et les cours à distance notamment étaient bien nécessaires. Néanmoins, les spécialistes remarquent une addiction, surtout pour les jeunes, qui n'ont pas eu d'autres moyens que d'utiliser les technologies pour rester en contact avec leurs relations.

    Frédéric Bordage, spécialiste français du numérique et fondateur de GreenIT, parle même de « Junkies » en état d'addiction numérique et en appelle à un authentique sevrage. « Nous devons penser à des solutions pour une transition lente vers un monde inéluctablement moins technologique, puisqu'il n'y aura plus de ressources » soulève Monsieur Bordage. En attendant des mesures structurelles et d'ampleur, l'heure est à la prise de conscience de l'impact de nos « clics » dématérialisés...

    Le temps passé sur les écrans a considérablement augmenté chez 60 % des enfants pendant le confinement, constate l'UCM. Selon l'Institut de microélectronique et composants (IMEC), environ 1 Belge sur 5 passe plus de 5 heures par jour sur un smartphone. La moyenne est de près de 3h par jour…

    Madame la Ministre partage-t-elle les résultats de l'enquête ? Va-t-elle, elle aussi, procéder à une évaluation des risques d'addiction ?

    Quelles sont d'ores et déjà les mesures de prévention mises en place par la Région contre une dérive au numérique ? Quels sont les moyens financiers engagés dans cette lutte ?
  • Réponse du 16/12/2021
    • de MORREALE Christie
    Tout d’abord, je me permets de revenir sur certains termes qui selon moi méritent que l’on s’y attarde un instant.

    En parlant de manière plus positive et plus constructive des problématiques qui touchent notamment nos jeunes, je pense que nous pouvons déjà émettre une action et une amélioration ne serait-ce qu’au niveau des mentalités. En effet, la référence aux « junkies numériques » et à un « authentique sevrage » peut nous amener à nourrir des représentations très anxiogènes de ces pratiques. Il y a donc tout d’abord selon moi, un vrai travail sur les représentations à concevoir.
    Les enjeux écologiques liés aux outils numériques mentionnés dans la question sont réels et importants, mais ils ne doivent pas à mon sens, justifier des références régulières à la psychopathologie. Ils se suffisent à eux-mêmes.

    Cela étant, le confinement s’est accompagné d’une augmentation du temps d’écran dans toutes les tranches d’âge.

    Les chiffres repris dans la question de l’honorable membre correspondent effectivement à ce que l’on peut lire dans les études qui ont porté sur cette problématique.

    Cette observation est assez logique dans le contexte que nous vivons et n’étonnera personne, encore moins les travailleurs qui doivent se conformer à la règle du télétravail depuis de nombreux mois maintenant.

    Concernant les risques d’une augmentation possible des usages problématiques, j’aimerais partager avec lui plusieurs constats :

    Tout d’abord, nous ne sommes malheureusement pas encore sortis de la crise, il y a donc une certaine prudence à avoir sur ses effets à moyen et long terme et sur les données récoltées. Celles-ci sont encore très peu fournies et nous n’avons malheureusement pas le recul nécessaire pour d’ores et déjà, tirer des conclusions voire entrevoir de nouvelles politiques publiques à cet égard.

    Aussi, entre autres chez les adolescents, il ne faut pas oublier que les outils numériques ont constitué une ressource durant le confinement. L’étude réalisée en Belgique pendant le confinement nous montre que « les médias sociaux peuvent être utilisés comme une stratégie d'adaptation constructive par les adolescents pour faire face aux sentiments d'anxiété pendant la quarantaine du COVID-19 »( Cauberghe, V., Van Wesenbeeck, I., De Jans, S., Hudders, L., & Ponnet, K. (2021). How Adolescents Use Social Media to Cope with Feelings of Loneliness and Anxiety During COVID-19 Lockdown. Cyberpsychology, Behavior, and Social Networking, 24(4), 250–257. https://doi.org/10.1089/cyber.2020.0478. Concernant le lien entre adolescence et usages des RSN, une synthèse est disponible ici : http://www.cresam.be/wp-content/uploads/2020/06/Ados-RSN-et-SM-rapport-final-light.pdf.). Ils peuvent donc aussi être utiles et constituer une ressource positive.

    Si une majorité de jeunes se sont en effet sentis tout de suite beaucoup mieux lorsqu’ils ont pu reprendre le présentiel dans le milieu scolaire, les plus fragiles ont vu quant à eux, leurs difficultés augmenter. Les services du secteur de la pédopsychiatrie témoignent tous d’une augmentation des demandes dans ce secteur. On peut imaginer que les usages problématiques du numérique sont un des symptômes du tableau clinique de certaines de ces demandes, mais il ne serait pas approprié de les voir comme une cause unique.

    Je souhaiterais également lui faire part des observations que me relaient les acteurs de terrain au sujet de cette problématique. Les membres du groupe de travail UpTIC dans lequel nous retrouvons notamment l’ASBL CRéSAM ( Centre de Référence en Santé mentale) qui développe une expertise très précieuse dans le domaine de l’usage problématique des nouvelles technologies ou encore l’ASBL Nadja et l’ASBL La Clé qui offrent une prise en charge aux personnes confrontées à une problématique de dépendance comme la cyberdépendance et l’addiction aux jeux me relatent que dans leur pratique, il ne semble pas y avoir d’augmentation importante selon eux, des demandes concernant les usages excessifs des jeux vidéo actuellement dans les services spécialisés. Les professionnels s’accordent à dire qu’il est possible qu’on observe une augmentation des demandes liées aux jeux d’argent et de hasard en ligne. Toutefois, cela doit bien entendu encore être objectivé.

    Je profite de la question de l’honorable membre pour évoquer l’utilisation des écrans chez les jeunes enfants qui est également un sujet très important. Je n’ai pas de données chiffrées toutes récentes à ce sujet, mais nous pouvons penser que durant le confinement les règles d’accès aux écrans au sein des familles ont bougé et permis plus d’accès à ceux-ci.

    Aussi la massification du télétravail et de l’utilisation des outils qui le permettent ont amené des changements importants dans les modes de vie, notamment une plus grande porosité entre vie professionnelle et vie personnelle. Il sera nécessaire d’en évaluer l’impact sur la santé mentale, mais encore une fois, nous avons actuellement peu de recul sur cette question. Cela étant, on observe déjà que ces changements sont mieux vécus par certaines personnes que par d’autres.

    La Wallonie soutient le travail réalisé par le projet UpTIC qui est porté par l’ASBL CRéSaM et l’ASBL Nadja. Depuis 13 années, ils forment les professionnels de secteurs divers et variés sur ces questions. Sans doute que nous devrions à l’avenir voir dans quelles mesures mon soutien ne devrait-il pas évoluer au regard de l’actualité et des nécessaires études que nous pourrions réaliser en Région wallonne à ce sujet. Cela nous permettrait d’objectiver les constats repris ci-dessus et doter la Région d’une expertise structurelle en la matière.

    Aussi, j’aimerais rappeler le travail des services spécialisés en assuétudes qui proposent une prise en charge aux personnes souffrant de dépendances. Pour rappel, en plus de l’ASBL La Clé, pour qui une subvention facultative annuelle est octroyée chaque année, je soutiens le travail des 26 services spécialisés en assuétudes déployés sur notre territoire. Enfin, il est évident que les services de santé mentale peuvent également prendre en charge les situations d’usages excessifs. Les travailleurs des SSM de notre région participent d’ailleurs régulièrement aux formations mises en place dans le cadre du projet UPTic.

    Comme il le voit, je soutiens plusieurs structures dans le but de répondre à la problématique que constitue l’addiction aux outils du numérique.