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L'éco-anxiété suscitée par l'urgence climatique

  • Session : 2021-2022
  • Année : 2021
  • N° : 137 (2021-2022) 1

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  • Question écrite du 22/11/2021
    • de ANTOINE André
    • à MORREALE Christie, Ministre de l'Emploi, de la Formation, de la Santé, de l'Action sociale, de l'Egalité des chances et des Droits des femmes
    Alors que la COP26 vient de se terminer, l'UCLouvain vient de publier une étude relative à l'éco-anxiété, réalisée dans huit pays européens, dont la Belgique. En effet, un répondant sur dix se dit fortement impacté psychologiquement par l'urgence climatique, au point de manifester des symptômes d'éco-anxiété. Trouble qui peut être défini comme "l'appréhension et les inquiétudes ressenties quant à l'étendue potentielle des impacts du changement climatique et à l'incertitude de leur nature spécifique, de leur calendrier et de leur localisation précise".

    De cette première phase de l'étude réalisée en ligne auprès de 2 080 personnes francophones, il ressort en effet qu'environ 12 % d'entre elles sont en proie à des troubles du sommeil et des syndromes dépressifs, cela à des degrés et à une fréquence variables. Les scientifiques affirment donc que « l'éco-anxiété entrave le bien-être psychologique d'une proportion importante de la population ».

    À la question de savoir qui sont plus précisément les personnes qui souffrent de ce phénomène relativement nouveau et encore peu étudié, il semble, d'après les experts, que « les femmes et les personnes jeunes (moins de 40 ans) soient davantage impactées par l'éco- anxiété ».

    Madame la Ministre a-t-elle pu prendre connaissance de l'étude ? Partage-t-elle les résultats ?

    Quels sont les réactions et les moyens que le Gouvernement wallon peut apporter afin de contrer ce nouveau phénomène, l'éco-anxiété, qui va malheureusement se développer ? Selon quelles modalités ?

    Va-t-elle se concerter avec ses homologues de la Santé afin d'élaborer des initiatives communes ?
  • Réponse du 16/12/2021
    • de MORREALE Christie
    Tandis que le sommet des Nations unies sur le climat à New York décrivait en 2019 le changement climatique comme le problème majeur de notre époque, un mouvement social mondialisé, auquel participent avec ferveur les plus jeunes, se mobilise pour réclamer des actions urgentes.

    Le dérèglement climatique et les événements météorologiques plus fréquents et plus intenses qu’ils provoquent affectent l'environnement ainsi que la santé physique et mentale des personnes.

    J’ai pris connaissance de l’analyse (34p., Préimpressions PsyArXiv | Sur l’anxiété liée au changement climatique et la menace qu’elle peut représenter pour l’adaptation : une étude internationale sur les territoires européens et africains de langue française. Alexandre Heeren, Camille Mouguiama Daouda, Alba Contreras) sur l’anxiété liée au changement climatique et la menace qu’elle peut représenter pour l’adaptation.

    Pour l’essentiel, il semble que la notion elle-même d’écoanxiété s’est imposée ces dernières années comme une conséquence du changement climatique. L’étude internationale établit qu’une proportion importante de personnes sont éprouvées par les questions climatiques au point d’en ressentir un mal-être et d’en souffrir.

    Mais pourquoi ressentons-nous des états émotionnels et mentaux négatifs en raison des changements climatiques ? Cela pourrait être expliqué par l'hypothèse de la biophilie (Wilson 1984), selon laquelle les êtres humains ont une connexion innée avec le monde naturel et qu'ils tirent des avantages psychologiques et de bien-être de cette affiliation. Cependant, les impacts environnementaux négatifs liés au changement climatique perturbent ce lien, entraînant un sentiment de perte dû à la modification de l’environnement (par exemple, le domicile, la communauté, les habitats naturels et les écosystèmes précieux), un phénomène connu sous le nom de « deuil écologique » (Cunsolo & Ellis 2018).

    Actuellement, il n’existe pas de diagnostic spécifique de l’écoanxiété, et aucune mesure spécifique n’a vu le jour pour atténuer ce phénomène. Il me semble nécessaire de continuer à documenter ce syndrome et d’encourager la recherche en matière de prévention, et de prise en charge des personnes qui en souffrent.
    Sur le plan mondial et national, il est une autre évidence, qui est de s’atteler aux causes de la situation et de tenir les engagements pris en matière de réduction du réchauffement climatique.

    En ce qui concerne l’aide et les soins aux personnes qui se plaignent de troubles, ou qui ont besoin d’aide ou de soins sur le plan psychique, j’ai déjà eu l’occasion de dire à l’honorable membre les moyens supplémentaires ponctuels que le Gouvernement wallon a déployés pour mieux accueillir l’afflux de demandes de prises en charge, et celles des jeunes entre autres, pour faire face à la crise sanitaire. Je rappellerai encore le site www.trouverdusoutien.be. Même si celui-ci a une vocation très généraliste, des ressources y sont disponibles pour ne pas rester seul face à des questions liées au mal-être que tout un chacun peut éprouver à un moment ou l’autre de sa vie, et plus encore en cette période difficile. Des outils existent pour ne pas se laisser envahir par le doute et l’anxiété, pour renforcer ses défenses et sa capacité à agir.
    Notre responsabilité en matière de prise en charge des troubles de santé mentale doit d’adapter constamment. Les déterminants de la santé évoluent, et avec eux les pratiques et les formations des prestataires sont amenées à évoluer pour apporter des réponses adaptées aux besoins et aux demandes.

    Il est nécessaire de travailler davantage en amont sur tous les déterminants de santé et de société qui peuvent contribuer à soutenir la population. Il faut prévoir et veiller à entourer bien davantage les personnes plus fragiles, parfois extrêmement jeunes, ou particulièrement sensibles aux dérives sociales et écologiques. L’information par tous les canaux possibles et les réseaux sociaux nous sature de nouvelles alarmantes. Dès lors, comment filtrer, comment faire la part des choses et puis comment garder confiance et prendre part à la vie en société ?

    Certains soignants n’hésitent pas à développer des méthodes qui permettent de se reconnecter à la nature telle qu’elle nous est offerte, et de s’y ressourcer. Elles permettent de s’apaiser (réduire le stress) et de restaurer nos processus attentionnels, cognitifs et affectifs. Car notre cerveau a été façonné pour être en relation étroite avec la nature. L’éloignement avec la nature est souvent corrélé à une augmentation des troubles psychologiques comme le stress et la diminution du bien-être psychologique perçu. Plusieurs chercheurs ont constaté que l’exposition à la nature est un facteur protecteur pour la santé mentale. L’exposition à des environnements extérieurs, notamment verts, ainsi que ceux situés à proximité de l’eau, comme un lac ou un océan, ont aussi des propriétés réparatrices.

    J’en terminerai avec cette citation de John F. Kennedy qui disait ceci : « Les problèmes du monde ne peuvent être résolus par des sceptiques ou des cyniques dont les horizons se limitent aux réalités évidentes. Nous avons besoin d'hommes capables d'imaginer ce qui n'a jamais existé ».