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Les incidences du projet éolien à Ittre pour la biodiversité et les interrogations déposées par 30 médecins

  • Session : 2021-2022
  • Année : 2021
  • N° : 153 (2021-2022) 1

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  • Question écrite du 22/11/2021
    • de JANSSEN Nicolas
    • à TELLIER Céline, Ministre de l'Environnement, de la Nature, de la Forêt, de la Ruralité et du Bien-être animal
    Une lettre ouverte, rédigée par plus de 30 médecins, a été envoyée à Madame la Ministre ainsi qu'aux Ministres Morreale, Borsus et Vandenbroucke, le 15 octobre dernier, à propos d'un projet éolien à Ittre dont la demande de permis sera introduite fin 2021. Ce projet doit répondre à plusieurs critères : un permis d'environnement, le respect des conditions sectorielles et les conditions particulières propres à la situation.

    Les médecins signataires de cette lettre s'inquiètent des effets de ces éoliennes. Ils insistent notamment sur le manque d'études concernant l'impact des infrasons et évoquent des pathologies cardiovasculaires et pulmonaires, des troubles du sommeil, des acouphènes... Ils demandent d'appliquer le principe de précaution.

    Madame la Ministre envisage-t-elle de soutenir cette demande ?

    De plus, les effets sur la faune et la flore, et plus particulièrement l'avifaune, ne semblent pas pris en compte. Cela borde une zone Natura 2000 accueillant des espèces protégées (statut UICN), dont des espèces migratoires et des chiroptères (faisant l'objet de programmes de protection à Ittre). Une étude complète des effets de l'implantation d'éoliennes sur la biodiversité est-elle en cours ?
    Si oui, couvre-t-elle un cycle complet ?

    Le maintien du projet, et en cas d'acceptation, le choix du modèle d'éoliennes (actuellement 150m de haut) découlera des conclusions du rapport de l'étude d'incidences sur l'environnement. Ces études ont démarré en 2020.

    Peut-elle nous fournir les résultats de ces études ? Écartent-elles les risques craints par les citoyens ? Prennent-elles en compte les préjudices à la biodiversité ?

    Selon les auteurs de la lettre, aucune rencontre officielle avec les citoyens n'aurait eu lieu. Selon le porteur du projet, deux réunions d'informations publiques (RIP), virtuelles, se sont tenues en 2021. Dues à des problèmes de communication, elles n'ont, semble-t-il, pas permis aux habitants des 4 entités concernées d'y assister. Ne serait-il pas opportun de le prévoir ?
  • Réponse du 28/12/2021
    • de TELLIER Céline
    Suivant les recommandations de l’OMS, les émissions sonores des éoliennes ne devraient pas dépasser les 45 dB LDEN, niveau au-dessus duquel des effets sanitaires ont bien été constatés chez les personnes exposées. Suivant l’analyse de la littérature scientifique réalisée par l’ANSES, les mesures des niveaux de bruit exprimées en dBA, qui sont celles préconisées par les normes techniques, ne sont pas adaptées aux infrasons et basses fréquences sonores. Cependant, le profil particulier du spectre sonore éolien implique une proportionnalité entre le contenu spectral mesuré en dBA et le contenu spectral de la partie infrasons et basses fréquences sonores. Ainsi, des informations pertinentes concernant l’exposition aux infrasons et basses fréquences peuvent être obtenues à partir de données d’exposition mesurées en dBA. Compte tenu des spectres d'émission des éoliennes actuelles, la limitation d’un niveau sonore en dBA entraîne également une limitation du niveau sonore des infrasons et basses fréquences.

    Les symptômes décrits par certains riverains de parcs éoliens, qu’ils associent à leur exposition aux émissions « basses fréquences » des éoliennes, sont extrêmement divers. Pour l’essentiel, ils constituent ce que l’on appelle le « syndrome éolien » (wind turbine syndrome - WTS).

    Ce syndrome éolien a été décrit dans la littérature dès 2009. Il se présente comme un ensemble de symptômes rapportés par des riverains de parcs éoliens et dont ils attribuent eux-mêmes la cause aux éoliennes. Ces symptômes (troubles du sommeil, maux de tête, acouphènes, troubles de l’équilibre, etc.) ne sont pas spécifiques d’une pathologie. Ils sont notamment retrouvés dans les syndromes d’intolérance environnementale idiopathique. Ils correspondent cependant à un ensemble de manifestations pouvant être consécutives à un stress, à la perte de sommeil, qui peuvent devenir handicapantes pour le sujet qui les ressent.

    Les connaissances récemment acquises relatives à la physiologie du système cochléo-vestibulaire ont révélé plusieurs pistes de mécanismes d’effets physiologiques qui pourraient être activées en réponse à une exposition à des infrasons et basses fréquences sonores. Ce système sensoriel dispose en effet d’une sensibilité particulière à ces fréquences, supérieures à celle d'autres parties du corps humain. Des effets physiologiques ont pu être mis en évidence sur des modèles animaux exposés à des sons purs et intenses de haute intensité. Ces sons ne correspondent pas à des sons de très basse fréquence tels qu’ils peuvent être perçus chez l’Homme dans le cadre éolien. En effet, les expositions sonores dues aux éoliennes prennent la forme de sons complexes caractérisés par des intensités sonores moindres et sur des durées prolongées. L’implication du système cochléo-vestibulaire reste donc encore à démontrer.

    Plusieurs études expérimentales (effectuées en double aveugle et répétées) démontrent l’existence d’effets et de ressentis négatifs chez des personnes pensant être exposées à des infrasons inaudibles alors qu’elles ne le sont pas forcément. Ces effets ou ressentis négatifs seraient causés par les seules attentes d’effets délétères associés à ces expositions. Cet effet, que l’on peut qualifier de « nocebo », contribue à expliquer l’existence de symptômes liés au stress chez des riverains de parcs éoliens. Il doit être d’autant plus important dans un contexte éolien où de multiples arguments d’opposition non exclusivement sanitaires (économiques, culturels, territoriaux, politiques, et cetera) circulent, véhiculés en particulier par internet et qui peuvent contribuer à la création d’une situation anxiogène. Néanmoins, l’existence d’un tel effet nocebo n’exclut pas de facto l’existence d’effets sanitaires qu’il peut potentiellement exacerber.

    Les études épidémiologiques qui permettraient de confronter les pistes de mécanismes d’effets physiologiques aux états de santé observés dans les populations riveraines des éoliennes restent malheureusement peu nombreuses à ce jour. Elles se sont pour l’essentiel intéressées aux effets du bruit audible des éoliennes sur la santé des riverains.

    Le Département de la Nature et des Forêts est systématiquement consulté pour tout projet éolien soumis à permis unique, ce qui est le cas du projet en question. Le DNF et le DEMNA veillent à ce que l’étude biologique fournie permette d’évaluer les impacts sur la biodiversité du projet en question. L’étude doit couvrir une saison biologique complète, tant pour l’avifaune que pour les chauves-souris qui sont les principales espèces impactées par l’éolien. Le DNF dispose de guides méthodologiques établis conjointement avec le DEMNA et qui sont suivis par les bureaux d’études. Dès que l’étude biologique complète sera disponible, le DNF et le DEMNA l’analyseront et remettront leur avis dans le cadre de la procédure de permis tel que prévu légalement.

    À la date du 1er décembre, mon Administration n’a réceptionné aucune demande de permis unique concernant le projet éolien que l’honorable membre évoque.