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L'approvisionnement des scieries wallonnes en feuillus de qualité

  • Session : 2021-2022
  • Année : 2021
  • N° : 182 (2021-2022) 1

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  • Question écrite du 03/12/2021
    • de LAFFUT Anne
    • à BORSUS Willy, Ministre de l'Economie, du Commerce extérieur, de la Recherche et de l'Innovation, du Numérique, de l'Aménagement du territoire, de l'Agriculture, de l'IFAPME et des Centres de compétences
    La situation des scieries de feuillus wallonnes est de plus en plus critique, au point, aujourd'hui, de constituer une menace pour la filière entière.

    En cause, la difficulté de s'approvisionner en feuillus sur le marché local, et particulièrement en chêne de première qualité, suite aux prix records atteints par ces grumes de plus en plus destinées à l'exportation.

    Un premier « remède » à cette situation aujourd'hui en phase aiguë avait déjà été envisagé en 2014 par le Gouvernement wallon, autorisant les propriétaires forestiers à vendre 15 % de leur production aux transformateurs locaux.

    Dans l'état, cette solution s'avère aujourd'hui insuffisante : trop rares sont par exemple les communes, principales destinataires du décret wallon, à pratiquer ces ventes de gré à gré évidemment moins intéressantes au seul regard des finances locales ; plus rares encore sont-elles à proposer des lots de qualité répondant aux besoins spécifiques des scieries wallonnes.

    Notre région n'est évidemment pas la seule à rencontrer ces problèmes.

    La création d'un label européen obligeant l'acheteur à assurer la première transformation des grumes en Europe, à l'instar du label français UE mis en place par l'APECF, est aujourd'hui avancée par la Confédération belge du bois et rencontre les souhaits de la profession. Ce label viendrait en complément des ventes de gré à gré laissées à la seule appréciation des propriétaires.

    Quelles mesures Monsieur le Ministre prend-il pour permettre aux scieries wallonnes de feuillus de s'approvisionner en bois de qualité de manière satisfaisante ?
  • Réponse du 23/12/2021 | Annexe [PDF]
    • de BORSUS Willy
    Je souhaite tout d’abord insister sur l’importance du secteur que l’honorable membre évoque dans sa question, en termes d’emplois notamment. Je suis bien évidemment fort sensible aux difficultés qu’il rencontre.

    La vingtaine de scieries de bois feuillus wallonnes auxquelles s’ajoute une dizaine de scieries mixtes consomment annuellement environ 70 000 m³ de grumes de bois feuillus, essentiellement du chêne ; les essences comme le hêtre ou le frêne n’étant quasiment plus sciées chez nous. Pour ces dernières, l’exportation vers l’Asie reste actuellement la seule piste de valorisation satisfaisante.

    Selon l’Inventaire forestier, la récolte moyenne de chêne sur les dernières années est de l’ordre de 265 000 m³. En fonction des grosseurs et qualités, on peut estimer qu’au moins 100 000 m³ pourraient être sciés, de quoi satisfaire théoriquement largement les besoins des scieries locales de bois feuillus.

    Afin d’aider les scieurs wallons à sécuriser une partie de leurs approvisionnements, le Gouvernement wallon a mis en place depuis la fin 2014 une procédure de vente en gré à gré. Il s’agit en réalité d’appels d’offres limités, pour des petits lots dont l’estimation ne dépasse pas 35 000 euros. Les scieurs peuvent par ce biais obtenir au maximum le tiers de leur approvisionnement annuel (approvisionnement moyen sur les 5 dernières années), ce qui représente environ, toutes scieries confondues, 19 000 m³. L’autre limite, le volume global vendu en gré à gré ne peut dépasser 15 % du volume total vendu l’année précédente.

    Une directive a été donnée au DNF pour mettre en vente sous cette forme les chênes des propriétés domaniales (25 % de la forêt publique wallonne). Les communes, qui représentent 71 % de la forêt publique, restent quant à elles libres de leurs choix. Il est néanmoins utile de signaler que seules les communes disposant de peuplements de chênes sont concernées, ce qui réduit sérieusement le nombre de celles qui peuvent potentiellement adhérer à la formule. Au final, c’est environ 5 à 6 000 m³ qui sont vendus annuellement de cette façon, soit à peine 30 % de ce que permet l’arrêté du Gouvernement wallon.

    Une action de sensibilisation a été entamée à l’attention des communes présentant un « gisement » potentiel important. Certaines y ont déjà réagi, d’autres pas, et ce, pour diverses raisons : absence de scieries de bois feuillus sur leur territoire, différentiel de prix, et cetera. Il est clair que ce travail de sensibilisation doit être poursuivi, voire intensifié.

    Cette action pourrait également être élargie vers les propriétaires privés via la Société Royale Forestière de Belgique, la Fédération nationale des Experts Forestiers, Nature Terre et Forêts, et cetera.

    Les ventes en gré à gré, en ne portant que sur un tiers de l’approvisionnement des scieries, pourraient toutefois rester insuffisantes, et d’autres pistes comme la mise en place de contrats d’approvisionnement (qui existent déjà en France et en Allemagne) devraient être investiguées comme le suggère la Confédération belge du Bois. Une analyse de ce mode de vente a été réalisée par l’Office économique wallon du bois. Une brève synthèse de cette analyse est présentée en annexe.

    Le label UE français est tout à fait comparable dans ses grandes lignes au système de vente en gré à gré en vigueur en Wallonie, si ce n’est que le système français demande beaucoup d’efforts, est coûteux et manque singulièrement de souplesse. Et pour ceux qui pensent qu’il est plus restrictif, il autorise la transformation en Europe, alors que le système de vente en gré à gré wallon n’autorise qu’une transformation de proximité.

    Le label français UE a été très mal accueilli par les exploitants forestiers qui, pour marquer leur désaccord, ont finalement fait sécession de la Fédération nationale du Bois et ont entamé une action juridique qui a conduit à l’invalidation du label par le Conseil d’État. De plus, certaines dérives ont déjà été observées via des sociétés-écrans. Enfin, les chiffres révèlent que depuis la mise en place du label, les exportations de chêne n’ont pas diminué, et le problème d’approvisionnement des scieries n’a pas été résolu.

    Concernant les contrats d’approvisionnement, en 2019-2020, une étude des modes de vente a été menée par l’Office Économique wallon du Bois. Cette étude fait le point sur les modes de vente en pratique en France et en Allemagne, et notamment sur les contrats d’approvisionnement. Ce mode de vente a été évalué via une analyse SWOT pour les deux pays. Les possibilités de transposition à la Wallonie ont été ensuite abordées avec les avantages, freins et limites liés à notre mode de vente de bois, notre régime fiscal, et les attentes de nos acheteurs (en annexe).

    Soulignons encore que cette question, comme d’autres questions dont l’actualité de la filière wallonne du bois est constituée, est assez largement discutée dans la dernière édition du baromètre économique que publie trimestriellement l'Office Économique wallon du Bois. (https://www.oewb.be/sites/default/files/media-documents/202103_Barom%C3%A8tre%20%C3%A9conomique_PDF.pdf.)