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L'inquiétude des maraîchers de la Région verviétoise par rapport à la pollution diffuse et historique des sols

  • Session : 2021-2022
  • Année : 2022
  • N° : 271 (2021-2022) 1

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  • Question écrite du 14/01/2022
    • de FREDERIC André
    • à TELLIER Céline, Ministre de l'Environnement, de la Nature, de la Forêt, de la Ruralité et du Bien-être animal
    Les maraichers de la Région verviétoise et de ses environs sont inquiets quant à leur avenir. Depuis quelques mois, l'AFSCA réalise des contrôles chez différents producteurs de légumes concernant les métaux lourds (cadmium et plomb). Or, il apparaît qu'une pollution diffuse, historique, due aux industries qui extrayaient du plomb et du zinc dans les vallées de la Meuse et de la Vesdre a contaminé les sols de la région.

    D'emblée, soulignons qu'une étude (l'étude POLLUSOL 2, menée de 2009 à 2015) indiquait déjà une présence significative de cadmium et de plomb dans ces sols.

    Toutefois, les experts toxicologues concluaient que, dans le chef de jardiniers amateurs, « les mesures ne permettent pas d'affirmer l'existence d'un risque pour la santé ».

    En cas de dépassement des normes européennes en la matière, les légumes sont interdits à la vente et, pour les sociétés concernées, ils doivent être obligatoirement détruits. Une situation qui ne peut être tenable sur le long terme.

    Madame la Ministre va-t-elle rencontrer ces maraichers concernés prochainement afin de tenter de dégager ensemble une solution viable ?

    Les solutions actuelles semblent limitées, très longues (phytoremédiation) ou très onéreuses (remplacement des terres). Quelles solutions a-t-elle mises en place afin d'éviter le transfert du sol vers la plante de ces métaux lourds ?

    Afin de favoriser les circuits courts, et si effectivement les études confirment qu'il n'y a aucun risque pour la santé des consommateurs, n'y aurait-il pas lieu de leur accorder une dérogation de dépassement des normes européennes ?

    Enfin, en concertation avec le Ministre en charge de l'Agriculture, un dédommagement devrait-il être prévu pour ces maraichers contraints de détruire leur production ?
  • Réponse du 10/02/2022
    • de TELLIER Céline
    Voici la réponse à une question similaire que j’ai apportée en Commission de l’environnement le 18 janvier 2022 :

    « En tant que Ministre de l’Environnement et de l’Alimentation durable, j’ai été contactée par plusieurs maraîchers impactés par les décisions de l’AFSCA. Je comprends tout à fait leur émoi. J’ai eu l’occasion de les rencontrer pas plus tard que ce lundi matin.

    La production alimentaire en circuit court est essentielle. Dans le cadre de mes compétences, je mettrai tout en œuvre pour les aider à trouver une solution, avec l’aide de mon administration, afin de concilier au mieux l’activité de maraîchage et la prise en compte de l’état du sol et les risques éventuels pour la santé. S’il n’est pas question de transiger si des risques pour la santé étaient avérés, il s’agit aussi d’accompagner au mieux les agriculteurs qui découvrent une substance dont ils ne sont pas responsables, puisque vous l’avez bien indiqué, c’est une pollution historique dans le sol.

    Pour rappel, le suivi et le contrôle de la qualité des fruits et légumes produits et mis sur le marché relèvent des compétences des autorités fédérales, en particulier l’AFSCA et le SPF Sécurité de la chaîne alimentaire, sous la responsabilité de mon collègue, le ministre fédéral en charge de l’Agriculture, M. Clarinval. La définition de la majorité des normes pour les contaminants dans les denrées alimentaires, dont les métaux lourds, relève, quant à elle, du niveau européen, via le FSA.

    Dans le cas qui nous occupe, la Commission européenne a récemment renforcé la norme de certains métaux lourds dans les aliments, dont celle du cadmium.

    De mon côté, je prends au sérieux la problématique de l’impact des métaux lourds sur les productions maraîchères.

    Comme vous le rappelez, la contamination des sols au cadmium dans certaines zones du territoire n’est malheureusement pas nouvelle. Il s’agit d’une contamination dite historique liée à d’anciens dépôts atmosphériques diffus issus des activités sidérurgiques passées, principalement localisées dans le bassin de la Meuse. Elle fait partie de l’héritage du lourd passé industriel de la Wallonie, qui a été l’une des régions les plus productives au moment de la révolution industrielle. Cette contamination diffuse fait l’objet d’une attention soutenue des autorités régionales depuis plusieurs années, à travers le financement d’études d’évaluation de la situation environnementale et des risques pour la santé humaine, les études Pollusol 1 et 2 menées par la SPAQuE, l’étude Capasol, Sanisol et Fluxmafruil gérées par le SPW ARNE, mais également à travers l’adoption de dispositions réglementaires visant, d’une part, à prévenir la pollution – essentiellement via les permis d’environnement et le suivi des matières valorisées sur les sols – et, d’autre part, à améliorer la gestion et l’assainissement de la pollution des sols via le décret Sols.

    Dans le cadre de l’étude Pollusol 2 menée de 2009 à 2015, le territoire de dix communes de Wallonie a été investigué afin d’approfondir la connaissance de l’état de contamination des sols en zone de pollution atmosphérique de proximité, ce que l’on appelle une pollution diffuse. À partir des analyses de sol et de légumes obtenues auprès de jardiniers amateurs, une évaluation de l’exposition à la pollution diffuse a été réalisée indiquant la présence significative de cadmium et de plomb. Toutefois, les experts toxicologues qui ont suivi cette étude ont conclu que, dans le chef de jardiniers amateurs, et je cite : « Les mesures faites ne permettent pas d’affirmer l’existence d’un risque pour la santé ».

    Cependant, par précaution, les mesures habituelles de prévention ont été recommandées comme l’épluchage et le lavage à l’eau des légumes de jardin, le retrait de chaussures et de vêtements de travail à l’extérieur de la maison, le lavage des mains, et cetera.

    Afin d’objectiver l’exposition des Wallons à ce type de substance, nous avons également, comme vous le savez, lancé un biomonitoring wallon que j’ai présenté en octobre dernier. Celui-ci montrait que l’on retrouve du cadmium chez près de 90 % des ados et des adultes wallons et davantage encore chez les fumeurs. Ce sont des résultats similaires à d’autres au niveau européen. Toutefois, cela est bien plus rassurant, les dépassements de la valeur de risque sanitaire ne sont pas nombreux en Wallonie, de l’ordre de 2,8 % des adolescents et 0,8 % pour les adultes.

    Le cadmium n’a pas été détecté dans le sang de cordons des nouveau-nés.

    Pour en revenir et terminer au niveau des maraîchers professionnels, des solutions techniques basées sur des conseils de fumure spécifiques existent pour poursuivre les activités maraîchères dans ces zones particulières, tout en réduisant les risques pour la santé.

    En outre, un vade-mecum de la valorisation des produits agricoles et de leur commercialisation en circuit court existe et prend en compte la problématique des métaux lourds. Mon collègue, le ministre Borsus, et ses équipes sont en charge de ce volet agricole.

    Au niveau wallon, et spécifiquement en province de Liège, les services d’accompagnement, les services agricoles de la Province de Liège et le laboratoire provincial permettent de faire analyser un sol à cultiver.

    Une petite centaine de fermes bénéficie d’ailleurs déjà d’un accompagnement. Lorsqu’ils commencent une activité de production, de transformation et de vente en circuit court, les maraîchers, comme les agriculteurs, peuvent également bénéficier de l’aide de plusieurs structures d’encadrement financées par la Région wallonne, telles que Bio Wallonie ou le Centre interprofessionnel maraîcher, mais aussi diverses e-fermes qui encadrent les producteurs pour la mise en place de leur système d’autocontrôle et pour l’analyse et la maîtrise de différents problèmes sanitaires qu’ils peuvent rencontrer. À titre d’exemple, des solutions phytotechniques et agronomiques pour limiter les transferts sols-plantes du cadmium, en augmentant notamment le pH du sol et/ou en adaptant les apports en matière organique, sont applicables pour permettre de proposer des produits respectant les normes pour la consommation.

    Si les mesures d’accompagnement proposées se montraient insuffisantes pour permettre aux maraîchers de la région liégeoise de poursuivre leurs activités, je n’hésiterais pas à activer d’autres leviers auprès de mes collègues de l’Agriculture aux niveaux régional et fédéral, voire à interpeller la Commission européenne si cela s’avérait nécessaire ».