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La prise en charge de la santé mentale en Wallonie vu la croissance de la demande des soins

  • Session : 2021-2022
  • Année : 2022
  • N° : 223 (2021-2022) 1

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  • Question écrite du 17/01/2022
    • de AHALLOUCH Fatima
    • à MORREALE Christie, Ministre de l'Emploi, de la Formation, de la Santé, de l'Action sociale et de l'Economie sociale, de l'Egalité des chances et des Droits des femmes
    Récemment, la mutualité Solidaris rendait public son baromètre confiance et bien-être. Comme on pouvait s'y attendre, les indicateurs ne sont pas très bons. En matière de bien-être, l'indice baisse de 4,5 % et touche la plupart des profils sociodémographiques, même si certaines catégories marquent de plus grands écarts (femmes, groupes sociaux les plus faibles).

    Par ailleurs, l'Union professionnelle des psychologues cliniciens francophones (UPPCF) a également tiré la sonnette d'alarme. Selon son président, Quentin Vassart « Les confinements successifs, le climat anxiogène et l'incertitude par rapport aux mesures empêchent de pouvoir se projeter dans l'avenir constituent un cocktail explosif pour favoriser le mal-être de la population.

    Actuellement, les psychologues peinent à répondre à la demande croissante de consultations et attire l'attention sur l'importance des troubles anxiodépressifs liés à la crise.

    Des patients doivent être refusés et/ou réorientés vers des services d'écoute. Or, durant le 1er confinement, les psychologues n'ont pas pu continuer leurs activités et cela a eu pour conséquences l'absence de soins et l'installation de problématiques dans le temps.

    Madame la Ministre a-t-elle pris connaissance de cette situation ? Quelle analyse en fait-elle ?

    Quelles solutions met-elle en place en matière de santé mentale en Wallonie, et plus particulièrement en cette situation de crise sanitaire ?

    Travaille-t-elle à d'autres pistes pour répondre à l'urgence de la détérioration de la santé mentale ?
  • Réponse du 16/02/2022
    • de MORREALE Christie
    Il est fait référence au baromètre confiance et bien-être de la mutualité Solidaris qui mesure depuis 2015 l’état de bien-être et de confiance de la société belge francophone.
    Le baromètre de 2021 montre que le niveau moyen de bien-être et de confiance mesuré chez les Belges continue de baisser. Le recul observé est le plus marqué depuis 2015. Ce baromètre montre également que l’indice global de bien‑être chute le plus fortement pour les classes intermédiaires, celles situées entre les plus aisées et les plus précarisées.

    Comme les baromètres précédents, celui de 2021 atteste que les inégalités sociales se creusent entre les personnes les plus aisées et les plus précarisées. Parmi celles-ci, ce sont les malades de longue durée, les chômeurs, les familles monoparentales et les travailleurs/travailleuses précaires, qui sont les plus à risque de voir leurs perspectives s’assombrir. Les baromètres de Solidaris partent du postulat que la santé mentale d’un individu est tributaire d’une série de facteurs, dont ses conditions objectives d’existence, parmi lesquelles le logement, les revenus, le pouvoir d’achat, la sécurité d’emploi, et bien d’autres domaines.

    Des études classent les déterminants de la santé mentale en trois niveaux : le niveau individuel, le niveau organisationnel, relatif à certaines institutions, à certaines communautés, et finalement le niveau sociétal qui vise la population dans son ensemble. Ces trois niveaux peuvent s’interpénétrer, se compléter et se renforcer, mais ils n’ont pas tous le même poids. Le niveau sociétal détermine davantage la santé mentale des personnes. Selon l’Organisation mondiale de la santé, « des pressions socio-économiques persistantes sont des facteurs de risque reconnus pour la santé mentale des individus et des communautés. Les données factuelles qui l’attestent le mieux sont les indicateurs de pauvreté, notamment les faibles niveaux d’instruction ». Il est donc prioritaire de renforcer et de faire évoluer les mécanismes qui garantissent l'accès aux droits fondamentaux, en mettant les bouchées doubles pour les personnes les plus exclues de notre société.

    Avant la crise de la Covid-19, l'offre de soins de santé mentale ne répondait déjà pas suffisamment aux demandes. Les listes d’attente dans les Services de santé mentale étaient antérieures à l’année 2020.

    C’est notre responsabilité à tous de faire évoluer les politiques qui produisent, reproduisent et maintiennent des catégories de population exclues. Je sais que je peux compter sur la contribution de l'honorable membre pour que chacun puisse mener une vie conforme à la dignité humaine, comme prévu dans notre constitution belge.
    Concernant la déclaration du président de l’Union Professionnelle des Psychologues cliniciens francophones & germanophones, à laquelle il est fait référence, je pense qu’il faut la nuancer. Au regard des craintes émises pour la santé mentale des Belges, dans le cadre de crise sanitaire, les baromètres de Solidaris montrent des inégalités importantes et des réalités individuelles très différentes parmi les Belges interrogés. Comme évoqué, tout le monde n’est pas logé à la même enseigne. Et c’est non seulement la santé mentale de la population qui a été mise en péril par les mesures de confinement, mais aussi notre cohésion sociale.

    On m’interroge sur les solutions mises en place en matière de santé mentale en Wallonie durant la crise sanitaire. À de nombreuses occasions, j’ai expliqué les mesures urgentes en santé mentale adoptée. Brièvement, des subventions exceptionnelles ont permis de financer du personnel supplémentaire pour une série de services œuvrant dans le secteur de la santé mentale, et ce, dès le mois de mars 2020. Ces subventions ont été prolongées en 2022.

    Je tiens à saluer la convention passée entre l’INAMI, le SPF Santé et les 32 réseaux en santé mentale du pays qui est entrée en application ce 1er janvier 2022. Le budget annuel accordé au secteur passe ainsi de 39 à 152 millions d’euros. Cette réforme négociée avec les entités fédérées vise à rendre les soins psychologiques plus accessibles tant au niveau du prix, des démarches, que de l’accessibilité géographique. Son objectif est d’agir davantage en amont, c’est-à-dire de pouvoir trouver de l’aide suffisamment tôt et rapidement de façon à prévenir l’aggravation d’une situation de trouble ou de mal-être, retrouver un équilibre ou mettre en place les conditions pour se sentir acteur de sa propre vie. Et d’autre part, la réforme vise l’accessibilité de ces psychologues à un public qui ne va pas facilement vers ce type de prestataires. Nous avons d’ailleurs négocié que la réforme touche l’ensemble de la population – ce qui n’était pas le cas auparavant, puisque celle-ci concernait les 18-65 ans – mais soit aussi accessible à tous les services agréés par la Wallonie.

    Je tiens aussi à mentionner l’axe 2 du Plan wallon de promotion de la santé en ce qui concerne la promotion de la santé mentale. Il comprend la prévention des assuétudes, la promotion du bien-être et la bonne santé mentale. De nombreux opérateurs ont la charge de ces matières. Je ne vais pas tous les citer. Cet axe 2 s’inscrit pleinement dans la vision globale de la santé mentale, où la promotion et la prévention restent, comme souvent, le meilleur investissement. Cela dit, l'opérationnalisation du WAPPS devrait être effective pour 2023. En outre, la prévention et la promotion de la santé mentale reposent pour une large part sur des stratégies intersectorielles. Outre la santé, il convient d’associer aussi les secteurs de l’éducation, de l’emploi, de la justice, des transports, de l’environnement, du logement, de la culture notamment. Malgré des collaborations accrues, la conception même de la santé mentale reste malheureusement trop cloisonnée dans la perception des nombreux protagonistes. Aujourd’hui encore, certains ne s’estiment pas responsables ou compétents en matière de promotion et de prévention dans les soins de santé mentale.

    Une campagne de promotion du bien-être et de la santé mentale des jeunes adultes (18-35 ans) doit voir le jour prochainement, à ma demande. Nous fondons beaucoup d’espoir de toucher ainsi les plus jeunes parmi nos citoyens. Favoriser et préserver la santé mentale des jeunes adultes relève d’un ensemble coordonné d’actions visant l’amélioration de leurs conditions de vie, la mise en place de normes et de règles favorisant la réduction des inégalités sociales de santé mentale, l’accès aux ressources et services dans leurs divers milieux de vie ainsi que leur participation à la vie économique et sociale.
    En outre, l’AViQ vient de lancer la toute première phase d’une nouvelle campagne de sensibilisation intitulée « Partager, c’est se libérer » sur le site : jemelibere.be. Cette campagne est destinée à tous, afin de nous inviter à nous interroger sur notre bien-être, sur notre bonne santé mentale, dans un ton positif. Une phase de déploiement plus important de la campagne aura lieu d’ici quelques semaines. La campagne permettra alors d’orienter tout citoyen vers des partages, conseils et solutions en matière de santé mentale.