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Le rejet par Madame la Ministre de la demande de classement d'un immeuble situé rue Saint-Roch à Dinant

  • Session : 2021-2022
  • Année : 2022
  • N° : 154 (2021-2022) 1

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  • Question écrite du 17/01/2022
    • de BASTIN Christophe
    • à DE BUE Valérie, Ministre de la Fonction publique, de l'Informatique, de la Simplification administrative, en charge des allocations familiales, du Tourisme, du Patrimoine et de la Sécurité routière
    On apprenait, ce 10 janvier, que Madame la Ministre avait rejeté la demande de classement comme monument d'un immeuble situé rue Saint-Roch à Dinant.

    Le bâtiment ne manque pourtant pas d'intérêt, datant du XVIe siècle, il est d'ailleurs inscrit depuis le printemps 2019 sur la liste de sauvegarde du patrimoine wallon.

    Fort de cette reconnaissance, une procédure était lancée dans la foulée pour un classement du bâtiment. Cette candidature n'avait rencontré que des avis positifs tant du Conseil communal de Dinant, que de la Commission des Monuments, Sites et Fouilles ou encore de l'AWaP, qui retenait un intérêt architectural et patrimonial au bâtiment.

    Devant une telle unanimité, les observateurs s'attendaient à ce qu'elle suive les avis reçus, mais patatras le 11 décembre dernier, elle rejetait, dans un arrêté ministériel, cette candidature en se basant sur le prix de la rénovation, estimant celui-ci disproportionné.

    Madame la Ministre peut-elle nous expliquer pourquoi avoir été à l'encontre des avis unanimes en faveur du classement ? Ce type de décision est-elle fréquente ?

    Dispose-t-elle d'une estimation précise du prix de la rénovation ? À combien celle-ci était-elle estimée ? Qui avait réalisé cette estimation ?

    Une révision de sa position est-elle envisageable ?

    Faute de classement, envisage-t-elle de soutenir des actions visant à préserver le bâtiment ?

    Confirme-t-elle, comme certaines sources l'indiquent, que ce choix est motivé, au moins en partie, par le contexte budgétaire de la Région wallonne ?

    Devons-nous dès lors nous attendre à une révision de la politique de classement du patrimoine et une réduction du nombre de reconnaissances à l'avenir ?
  • Réponse du 01/02/2022
    • de DE BUE Valérie
    Cette interpellation me permet d’apporter des précisions sur ce dossier au long cours. En réalité, la question de la protection de l’immeuble dit « le Saint-Roch » à Dinant remonte bien au-delà de 2019. La première demande de classement a été introduite par le propriétaire en janvier 2008, à un moment où l’état du bien était déjà critique. Cette demande n’a pas eu d’effet avant 2012, lorsque le bien est inscrit sur la liste de sauvegarde. C’est alors qu’une étude archéologique a pu être menée et que l’histoire de l’immeuble a pu être documentée. C’est durant cette même année qu’est rédigée une fiche patrimoniale, restée lettre morte durant six longues années puisque ce n’est qu’en 2018 que la procédure de classement est sollicitée auprès de mes prédécesseurs. L’ouverture d’enquête est officiellement initiée deux mois avant les élections régionales. À ce sujet, je tiens à préciser qu’au terme de l’enquête publique, ni la commune ni la province ne se sont prononcées sur le classement éventuel du bien.

    Il faut attendre novembre 2019 pour que la Commission royale des Monuments, Sites et Fouilles fasse parvenir son avis à mon cabinet. C’est à ce moment que j’ai pris connaissance du dossier. Je ne souhaitais pas signer un arrêté de classement hérité de la mandature précédente sans en analyser le contenu. De plus, vu le défaut d’entretien de l’immeuble et son inévitable dégradation depuis 2012, la procédure telle qu’enclenchée se basait vraisemblablement sur une évaluation périmée.

    Je souhaite ne laisser aucun dossier de classement sans suite et m’efforce dès lors à répondre à chacun des demandeurs, en explicitant les raisons qui ont présidé à mon choix. Le cas de la Maison Saint-Roch était donc particulièrement interpellant. De plus, sa dégradation cause des dommages à l’immeuble voisin. Le Médiateur est intervenu auprès de mon Administration et de moi-même ; il appelait également à éclaircir cette situation qui devenait intenable. J’ai demandé à l’AWaP d’actualiser son analyse, laquelle a nourri l’arrêté que j’ai signé et qui valide l’arrêt de la procédure.

    En ce qui concerne la fréquence des éventuels avis contradictoires entre mon Administration et moi-même, il s’agit là de cas de figure extrêmement rares. Cependant, certains dossiers sont plus complexes et imposent parfois des échanges de point de vue. Le patrimoine n’est pas une île et les décisions prises à son sujet s’inscrivent dans une systémique complexe qui dépasse l’attachement émotionnel – et tout naturel – à un bien au profit d’une gestion plus globale de notre patrimoine.

    La décision de ne pas poursuivre la procédure de classement ne se base pas uniquement sur la disproportion estimée du coût d’une restauration. La qualité des critères évoqués à l’entame de la procédure se doit aujourd’hui d’être nuancée. La rareté de l’édifice n’est pas une évidence, car d’autres biens du même type et de la même époque sont déjà classés, notamment à Dinant, avec la maison du Pléban, mais également ailleurs en Wallonie. L’intégrité du bien est mise à mal, car en 2013, à la suite d’une analyse réalisée après la rédaction de la fiche patrimoniale, il a été considéré que de très nombreux éléments de la structure à pans de bois devaient être supprimés à cause de leur dégradation trop avancée, ce qui amoindrit considérablement l’intérêt patrimonial du bien. Par ailleurs, les éléments qui relèvent expressément du 15e siècle se situent sur le mur mitoyen. Cette portion du bien sera donc conservée, quel que soit le projet de réhabilitation à venir, indépendamment d'un classement.

    Le classement d’un monument ou d’un site traduit la reconnaissance de sa très haute valeur patrimoniale. Cette reconnaissance est indépendante de l’état des finances de Région wallonne. Cependant, je me dois de poser des actes soutenables à long terme et il n’est pas souhaitable de brader la notion de monument historique. Par ailleurs, il est naturel que le nombre de classements diminue avec le temps. Cette disposition est en pratique depuis 1933, le nombre de biens à protéger tend donc inévitablement à diminuer, toutes typologies confondues. De plus, les définitions et la portée des critères de classement se sont enrichies avec le temps. L’analyse est aujourd’hui plus fine, plus sélective et plus en phase avec les défis de demain. Aujourd’hui, nous devons nous ouvrir à d’autres types de biens. Il s’agit d’une réflexion au long cours qui nécessite une approche dynamique des monuments qui constitueront l’avenir du patrimoine wallon.