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La gestion de la dette

  • Session : 2021-2022
  • Année : 2022
  • N° : 10 (2021-2022) 1

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  • Question écrite du 24/01/2022
    • de LUPERTO Jean-Charles
    • à DOLIMONT Adrien, Ministre du Budget et des Finances, des Aéroports et des Infrastructures sportives
    La conjoncture économique et sociale que nous connaissons actuellement n'est pas sans conséquences sur les questions de macro-économie. Ainsi, il semble aujourd'hui, que la période des taux bas, voire négatifs pour les emprunts, vive ses derniers instants, et que nous devons nous préparer à une hausse dans les mois et années à venir.

    Malgré ce scénario particulier qui annonce qu'emprunter à l'avenir coûtera plus cher, les gestionnaires du Trésor belge demeurent sereins, pouvait-on lire dans le journal L'Écho de ce jeudi 20 janvier 2022.

    En effet, il semble que malgré la hausse, cette année encore la charge de la dette devrait encore diminuer de 900 millions comparativement à 2021, et ce grâce actuellement à la bonne tenue des obligations de l'Etat belge sur les marchés, mais aussi les perspectives d'une augmentation du PIB dans les années à venir. Si pour la dette nationale tout semble sous un relatif contrôle, la Belgique par sa complexité comprend les régions où les réalités économiques et sociales ne sont pas forcément similaires.

    Ainsi, même si la Wallonie se relève tout doucement des difficultés économiques et sociales qui l'ont fragilisée pendant de nombreuses années, le chemin semble encore semé de nombreuses embuches avant de renouer avec une rentabilité assurée. Et les emprunts feront encore partie du quotidien de la Région wallonne pour assurer ses nombreuses missions. À ce titre, soulignons que le taux d'emprunt représente le degré de risque et que ce degré est notamment fixé par les notes des agences de notations, dont Moody's qui, en décembre dernier, a décidé de dégrader la note wallonne.

    Quel est le regard de Monsieur le Ministre sur la situation actuelle et à venir ?

    Qu'en est-il des perspectives d'avenir en ce qui concerne la gestion de la dette actuelle et des éventuels emprunts futurs ?

    Une alternative à l'emprunt existe par l'émission d'obligations. Aussi, qu'en est-il de la tenue des obligations wallonnes sur le marché ?

    Est-ce que l'émission d'obligations futures est à l'ordre du jour ?

    Qu'en est-il par ailleurs de la qualité des prêteurs aujourd'hui ?

    Sont-ils de nature stable ou sont-ils issus de fonds spéculatifs ?
    Le cas échéant, quelle est l'importance de leur participation et anticipe-t-on les risques qu'ils représentent ?
  • Réponse du 14/04/2022
    • de DOLIMONT Adrien
    Dans un premier temps, avec la reprise de l’inflation, la hausse des taux d’intérêts se répercute sur les marchés financiers. Ce mécanisme découle des anticipations des investisseurs qui commencent de plus en plus à penser que la BCE va revoir sa politique monétaire, et va répercuter les événements économiques actuels dans ses décisions. De cette façon, les marchés financiers ont déjà été impactés, au point que les taux d’intérêts long terme se sont réhaussés.

    Rajoutons également que le conflit russo-ukrainien perturbe les marchés financiers, en augmentant les incertitudes des investisseurs, ce qui crée de la volatilité. Les investisseurs se réfugient donc vers des actifs plus sûrs, ce qui a pour effet de faire augmenter les valeurs obligataires, et par effet mécanique de faire redescendre les taux d’intérêt long terme.

    En conséquence, la Région wallonne est déjà affectée par ce rebond. Les deux premières transactions, pour un montant total de 30 millions d’euros, se sont faites à un taux moyen de 1,04 % (contre un taux moyen de 0,6 % en 2021). Notons que pour le moment, nous n’avons pas encore noté une augmentation de spreads. Il cependant rester attentif à une possible augmentation des spreads, notamment à cause de la dégradation de Moody’s et du déficit de la Région.

    Au regard des finances régionales, il serait plus judicieux de parler de poids de la dette, car comme l’honorable membre doit le savoir, la dette d’une entité publique étant à priori permanente, il n’est pas possible d’en dégager une rentabilité.

    Dans le cas de la Région, les montants empruntés à des taux plus avantageux ont effectivement été bénéfiques pour les finances wallonnes. Mais, en attendant leur libération (versement des dotations …), ces fonds ont été placés en compte auprès de Belfius. Cette thésaurisation temporaire a tout de même généré des taux d’intérêt créditeurs négatifs de l’ordre de 26,2 millions d’euros pour l’année 2021. Au final, les économies de coût d’emprunts réalisées grâce à des taux d’intérêt plus faibles ont été annihilées par l’excédent de liquidités en compte.

    Effectivement, nous sommes un émetteur obligataire depuis de nombreuses années. Auparavant, étant donné la taille limitée de la dette régionale, cela se faisait uniquement au travers de placements privés (un investisseur investi seul pour une maturité choisie). Depuis l’accroissement de la dette wallonne, et principalement depuis 2019, nous sommes devenus un émetteur récurrent sur les émissions syndiquées de taille benchmark. Ces dernières sont des émissions faites avec plusieurs parties (plusieurs investisseurs simultanés) et dont le seuil de départ est de 500 millions d’euros. Lors de ces « sorties » en taille benchmark sur les marchés financiers, les banques avec qui nous travaillons vont « vendre notre nom » et tenter de rencontrer l’appétit des investisseurs.

    Concernant ces émissions, il faut savoir que les montants ne sont généralement pas tous alloués, en général nous recevons plus d’ordres que le montant levé. Ce qui nous permet d’allouer en fonction de la qualité des investisseurs et d’assurer le bon comportement de nos émissions sur le marché secondaire. Cela nous permet de réduire nos spreads contre OLO sur nos émissions privées et ainsi d’engager un cercle vertueux. Depuis l’origine, la Région veille donc à la qualité des investisseurs présents dans son portefeuille. Ce sont ces derniers qui détiennent notre dette et sont en majorité des banques (+/-45 %) et des gestionnaires d’actifs (+/-37 %), ensuite des fonds de pension ou d’assurance (+/-13 %), et enfin des banques centrales ou organismes internationaux (+/-5 %). En moyenne, à l’occasion de nos opérations de cette année, les différents investisseurs sont issus principalement d’Allemagne/Autriche/Suisse (-/+40 %), de Belgique/Pays-Bas/Luxembourg (+/-18 %), de France (+/-18 %), d’Italie (+/-11 %), des pays nordiques (+/-8 %) et d’autres pays (+/-5%). La qualité des prêteurs de la Région ne consiste donc pas un risque, dans le sens où très peu de fonds spéculatifs se voient accorder des tickets lors des opérations de la Cellule de la dette, que ce soit lors de placements privés ou lors d’émissions benchmarks.

    La récente dégradation de Moody’s provoque de plus en plus de questionnements auprès d’investisseurs historiques. En plus d’une situation économique qui se compare défavorablement par rapport à ses pairs nationaux et européens, la Région wallonne fait face à un déficit budgétaire persistant qui poussera le fardeau de la dette de la Région à un niveau très élevé pendant plus longtemps. En effet, la tendance d’avant crise des finances wallonnes n’était pas rassurante. Certains investisseurs deviennent plus frileux suite à cette dégradation et commencent à réduire leur exposition vis-à-vis de la Région wallonne.

    À noter que des efforts structurels sont en cours, notamment via l’exercice Budget Base Zéro, ou encore une meilleure gestion de la dette. D’autre part, la cellule de la dette signale l’importance d’une amélioration de la gestion des liquidités via une meilleure calendarisation du versement des dotations ou encore, à la rationalisation des emprunts réalisés par les UAP. Ces aspects constituent les principaux leviers d’actions permettant le resserrement des charges d’intérêt de la dette wallonne.

    Compte tenu des besoins de financement, environ 2 500 millions d’euros au budget initial de 2022, nous continueront à émettre des obligations syndiquées. De manière générale, ces émissions continueront à représenter 2/3 du financement du déficit, car le stock de dettes augmente ce qui fait donc croître l’amortissement futur de l’endettement de la Région.