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L'impact de la hausse du prix de l'électricité sur l'emploi

  • Session : 2021-2022
  • Année : 2022
  • N° : 267 (2021-2022) 1

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  • Question écrite du 28/01/2022
    • de BELLOT François
    • à BORSUS Willy, Ministre de l'Economie, du Commerce extérieur, de la Recherche et de l'Innovation, du Numérique, de l'Aménagement du territoire, de l'Agriculture, de l'IFAPME et des Centres de compétences
    Comme Monsieur le Ministre le sait, depuis quelques mois, les prix de l'électricité et du gaz naturel ont connu une augmentation importante sur les marchés, que ce soit en Wallonie comme ailleurs en Belgique.

    Ces hausses ont commencé à se répercuter, souvent de manière très significative, sur les prix payés par les consommateurs. La hausse des prix devrait se poursuivre cet hiver même si on prévoit une accalmie au printemps avec une probable diminution des prix pour l'été prochain.

    Outre l'impact direct sur la facture des consommateurs, ce sont aussi les emplois et donc les ménages qui risquent bien d'en être doublement les victimes.

    Selon l'économiste de la Banque nationale de Belgique (BNB) Gert Bijnens, ce sont près de 10 000 emplois (correspondant à un accroissement durable des tarifs de l'électricité de 30 %) qui pourraient passer à la trappe dans les secteurs à haute consommation énergétique.

    La situation devient difficile pour les entreprises qui utilisent de manière importante ces ressources énergétiques pour leur production : secteur de l'acier, des produits chimiques, du papier, des engrais artificiels.

    Les grossistes indiquent que les prix du gaz et de l'électricité ont plus que triplé ces derniers mois. Les entreprises ne peuvent pas tout répercuter sur le client sous peine de voir leurs volumes de ventes chuter. Moins de ventes, cela signifie à terme moins d'emplois, a fortiori si la cause de cette diminution - une électricité plus chère - se révèle finalement permanente.

    Face à ce constat alarmant, quelles sont les actions envisagées par Monsieur le Ministre et son homologue du Gouvernement flamand, également fortement impacté par cette hausse ?

    Dispose-t-il d'une projection sur le court terme et le long terme de cette répercussion du prix de l'énergie sur nos entreprises wallonnes ?
  • Réponse du 22/02/2022
    • de BORSUS Willy
    Les secteurs intensifs en énergie sont en effet des secteurs soumis à forte concurrence internationale, et le maintien des conditions de leur compétitivité-coût est un élément important pour l’ancrage de ces secteurs en Belgique, et en Europe de manière plus générale.

    Les évolutions récentes des prix sont très inquiétantes, et sujettes à de nombreuses incertitudes.

    Des éléments de nuance doivent être apportés à la question de l’honorable membre :
    - d’une part les prévisions actuelles indiquent que la hausse des prix pourrait être temporaire, bien qu’il faille se montrer extrêmement prudents à cet égard. Les chiffres avancés dans l’étude se basent sur une hypothèse de hausse de 30% des prix sur le long terme ;
    - d’autre part, la plupart des industries fonctionnement sur la base de contrats à long terme avec leurs fournisseurs d’énergie, et ne sont globalement pas directement impactées de manière aussi brutale que les particuliers par des hausses subites des prix sur le court terme. Elles disposent en outre des tarifications spécifiques.

    Ces nuances étant posées, il s’agit d’une problématique importante pour la compétitivité de nos industries, à laquelle j’accorde une attention particulière, notamment dans un contexte où les prix de l’électricité sont déjà plus élevés en Wallonie par rapport à la Flandre ou d’autres pays européens. Bien que l’on ne puisse anticiper avec certitude l’évolution future des prix, il est clair que les défis de compétitivité des différents secteurs, spécialement ceux intensifs en énergie, resteront importants dans les années à venir dans le contexte où ils doivent également assurer leur transition verte.

    Nos réflexions doivent par ailleurs s’inscrire dans un cadre fédéral et européen. Les industries énergo-intensives font en effet l’objet d’une attention particulière dans le cadre de la stratégie industrielle européenne, car elles sont également soumises à une pression compétitive dans le cadre plus large de la transition vers une économie bas carbone. Un groupe d’experts à haut niveau est spécifiquement dédié à cette thématique, et une trajectoire de transition est en cours de développement pour définir la stratégie la plus adaptée aux besoins des secteurs concernés, en dialogue avec ceux-ci. J’ai eu l’occasion à plusieurs reprises au Conseil des Ministres européens de l’Industrie de pointer la situation particulière de ces industries face aux défis de transition qui sont les leurs, au regard de leur place importante dans nos chaînes de valeur industrielles.

    Bien que tous les leviers ne soient pas entre nos mains pour répondre à la problématique de la hausse des prix de l’énergie, nous avons développé un certain nombre d’axes de travail et activé différents leviers pour soutenir ces secteurs. Il s’agit notamment de compenser les conséquences du système d’échanges de quotas de CO2 sur la compétitivité des entreprises et autres mesures d’accompagnement liées à la transition bas carbone, de soutenir les efforts des secteurs pour décarboner leurs processus de production et renforcer leur efficacité énergétique, mais également de soutenir la transition dans les secteurs impactés par des pertes d’emplois, et de développer de nouvelles activités créatrices d’emploi dans les secteurs à faible intensité carbone.

    Le développement de l’innovation pour assurer des modes de production moins intensifs en énergie et à l’émergence de nouvelles activités porteuses d’emplois durables me semble un axe essentiel pour assurer une croissance durable en Wallonie et pour renforcer la position compétitive de nos entreprises dans une perspective de long terme, en particulier si la hausse des prix de l’électricité devait s’avérer structurelle.

    Sans être exhaustif, je peux relever différentes initiatives qui permettent de soutenir les secteurs concernés :
    - les accords de branches fixent un cadre pour soutenir et accompagner l’industrie dans son processus de décarbonation. La réflexion sur les futurs accords est engagée, en concertation avec les fédérations d’entreprises ;
    - le mécanisme de compensation du coût des émissions indirectes pour les entreprises dans certains secteurs d’activité électro-intensifs, qui permet de compenser en partie le déficit de compétitivité par rapport à des pays non soumis au système des quotas de CO2 (Carbon leakage) ;
    - le projet WalEnergie et le dispositif de financement zéro carbone qui consistent en un accompagnement « clé sur porte » par les outils financiers régionaux, des entreprises wallonnes vers une décarbonation de leurs activités. Cette nouvelle mission déléguée a été confiée à la SRIW en capitalisant sur l’expertise acquise par RénoWatt, notamment. D’autre part, il s’agit d’assurer le financement de projets d’industrie zéro carbone pour accélérer la mise sur le marché de processus et de technologies zéro carbone (IPCEI) ;
    - la mise en place d’une plateforme de démonstrateurs préindustriels pour les technologies énergétiques favorisant la décarbonisation (Exemples de technologies : électrification des procédés industriels ; production d’hydrogène par électrolyse ; production d’hydrogène par pyrolyse plasma ; utilisation directe de l’H2 ; capture et concentration des émissions de CO2 etc.) des entreprises à forte intensité énergétique. Ces démonstrateurs feront l’objet d’un appel à projets de type partenariat d’innovation (R&D) ;
    - dans le cadre de la Stratégie régionale de spécialisation intelligente, la transition bas carbone est une priorité transversale. Elle est en outre particulièrement visée par le Domaine d’Innovation stratégique 4. « systèmes énergétiques et habitat durables ». Dans ce cadre des projets d’innovation dans le domaine de la décarbonation des processus industriels pourront être soutenus. Le développement d’une économie de l’hydrogène fait partie des priorités identifiées dans ce cadre. L’innovation développée doit permettre de développer les activités industrielles de ce secteur en Wallonie, mais également d’offrir de nouvelles sources d’énergie à l’industrie, produite localement. Des budgets importants du plan de relance ont été réservés sur ce thème ;
    - la stratégie Circular Wallonia a pour ambition de développer un écosystème industriel engagé dans l’économie circulaire. Pour atteindre cette ambition, la stratégie prévoit une série de mesures qui permettront aux entreprises d’intégrer la circularité dans leurs processus de production et d’adopter une gestion plus durable des ressources naturelles, renouvelables et non renouvelables. Dans ce cadre, plusieurs chaînes de valeur visées concernent des secteurs intensifs en énergie, notamment la métallurgie ;
    - la Wallonie va également pouvoir bénéficier (sur certains arrondissements) des financements du Fonds pour la Transition juste, qui vise spécifiquement à soutenir la transition dans les zones les plus affectées par les impacts de la transition bas carbone.

    La transition verte et digitale vers laquelle s’engage la Wallonie va permettre d’évoluer vers une société bas carbone et de créer des emplois dans d’autres branches de l’économie, ce qui permettra de compenser les éventuels emplois perdus dans les industries intensives en énergie (même si l’incidence d’une hausse des prix sur l’emploi et l’économie dans son ensemble fait encore débat).

    Il s’agit donc également de renforcer les mesures existantes liées à la formation et aux compétences afin de pouvoir assurer une mobilité des travailleurs concernés et de développer un marché de l’emploi flexible.