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Le gaz hilarant de plus en plus utilisé par les jeunes

  • Session : 2021-2022
  • Année : 2022
  • N° : 241 (2021-2022) 1

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  • Question écrite du 28/01/2022
    • de GALANT Jacqueline
    • à MORREALE Christie, Ministre de l'Emploi, de la Formation, de la Santé, de l'Action sociale et de l'Economie sociale, de l'Egalité des chances et des Droits des femmes
    Depuis quelques années, l'utilisation de protoxyde d'azote comme gaz hilarant ne cesse de progresser, principalement chez les jeunes. Il n'est pas rare de croiser des capsules métalliques vides dans les parcs ou les endroits un peu plus fréquentés.

    Autrefois utilisé uniquement pour la chantilly, ce gaz est aujourd'hui utilisé par les jeunes comme drogue, inhalée dans un ballon de baudruche. Un moyen de s'évader de manière limitée dans le temps et pour un petit budget. Il est en effet très facile de se procurer ce type de produits.

    Asphyxie, paralysie temporaire … le gaz hilarant est nocif pour la santé et peut également être la cause d'accidents de la route. D'autant plus s’il est combiné avec d'autres substances comme l'alcool ou d'autres drogues.

    Madame la Ministre a-t-elle pris connaissance de phénomène qui prend de l'ampleur ?

    Que compte-t-elle faire afin de lutter contre cette problématique du gaz hilarant ?

    A-t-elle l'intention de mener une campagne de sensibilisation auprès des jeunes ?
  • Réponse du 23/02/2022
    • de MORREALE Christie
    La question que l’honorable membre pose revient régulièrement au-devant de la scène depuis quelques années, je suis bien au fait de celle-ci.

    Plusieurs éléments peuvent nous éclairer sur l’évolution de ce phénomène, et nous donner des indications quant aux actions à entreprendre, adéquates et proportionnées par rapport à la situation.

    Mais d’abord de quoi s’agit-il ?

    Il s’agit au départ d’une pratique qui parait ludique. Qu’il se présente sous forme de capsules à pression jetables utilisées le plus souvent pour la crème chantilly, ou de bombonnes servant au gonflage de ballons de baudruche, le protoxyde d’azote est très facile d’accès. Certaines entreprises se sont spécialisées, et la livraison à domicile est devenue courante, en général gratuite, 24/24. Le commerce est rentable et les chiffres d’affaires impressionnants. Les jeunes, en particulier les moins de 30 ans, utilisent ces cartouches par inhalation pour le plaisir bref, mais intense que cela procure, créant de l’hilarité irrépressible en même temps qu’une forme d’anesthésie des sens.

    Si l’effet du produit est très bref, il s’apparente à l’ivresse. Pour certains jeunes, cette consommation peut devenir une drogue, c’est-à-dire générer un besoin qui se transforme en une accoutumance même si les risques sont relativement faibles en raison des effets aversifs qu’ils induisent en cas d’usage excessif (maux de tête, nausées, vomissements, diarrhées…). L’effet de groupe joue un rôle non négligeable et, comme pour d’autres produits, les risques d’escalade et de consommation en solitaire sont réels.

    Qu’en est-il des faits, et de l’ampleur de cette pratique ?

    En 2015, la Fedito avait sondé les services et réseaux afin de savoir s’ils accueillaient des demandes spécifiques ou observaient une augmentation de la problématique. À l’époque, les situations de consommation étaient surtout relevées dans le cadre du milieu festif. Depuis, l’enquête de santé publique HBSC de 2018 a permis à EUROTOX en tant qu’Observatoire de faire un état des lieux de la situation. Les chiffres et tendances rapportés relatifs aux habitudes de consommation chez les élèves de l’enseignement secondaire supérieur de la FWB n’indiquaient alors pas une consommation massive et fréquente, mais néanmoins un usage plus important avec l’âge des répondants, et davantage chez les garçons que les filles.

    Quant à l’évolution des chiffres relayés par le Centre Antipoison belge, qui ne sont pas très récents puisqu’ils ne vont pas au-delà de fin 2019, ils indiquent que les appels faisant mention de cas d’exposition et d’intoxication au protoxyde d’azote sont rares, mais en légère augmentation. Si l’on en croit les chiffres de nos voisins français, qui reflètent en général assez bien la réalité belge, la consommation a tendance à augmenter ces dernières années.

    Pour être mieux au fait de l’ampleur de la situation, mais en particulier de la consommation qui porte à conséquence sur la santé, il nous manque un monitoring des prises en charge aux urgences permettant de comptabiliser exhaustivement les cas d’usage problématique. C’est un aspect qui pourrait donc être investigué, sachant que ce produit représente bien un risque sanitaire par les dégâts neurologiques qu’il peut provoquer. Il fait des victimes directes. Parmi les symptômes les plus graves, il y a la paralysie par atteinte de la moelle épinière ; les moins graves étant des troubles moteurs, sensoriels et cognitifs. Un traitement à la vitamine B2 associé à l’arrêt de la consommation améliore en général le pronostic clinique. Outre les dangers pour soi-même induits par la perte de contact avec la réalité, la consommation du protoxyde d’azote peut entraîner des accidents, surtout lorsqu’il est consommé au volant.

    En France, une disposition légale en interdit l’usage aux mineurs d’âge - mais sans limiter la vente des capsules ou des bonbonnes. Rien de tel en Belgique où ces substances psychoactives n’entrent pas dans la catégorie des drogues illicites, et où aucune limitation à la vente ou à la consommation n’est appliquée. Il n’y a pas non plus de recommandations applicables en matière de mise en garde ou de notice pour des produits détournés de leur usage habituel. Certaines communes ont adapté leur règlement de police pour restreindre la vente des capsules aux mineurs d’âge et leur permettre de verbaliser en conséquence. Mais d’ores et déjà on estime que sanctionner l’usage dans l’espace public ne fera que le pousser dans la clandestinité, ce qui est totalement contre-productif.

    Tout récemment, soit depuis fin 2021, une enquête a été lancée par l’ULB afin de mieux comprendre ces usages, de décrire l’attitude des jeunes par rapport à ce produit et d’évaluer leur connaissance des risques associés (https://survey.ulb.ac.be/survey3/index.php/447347?lang=fr).

    En tout état de cause, il est nécessaire d’améliorer le monitoring par rapport à cette pratique et aux consommations à risque, et il est très important d’agir en amont, en ajustant au mieux la communication au public visé, par l’information préventive auprès des consommateurs et des enfants en âge scolaire qui n’ont pas encore fait ce genre d’expérience, sur les risques liés à la consommation de ce produit et sur les moyens de les minimiser. La réduction des risques est donc en point de mire. C’est ce que préconise la revue ‘prospective Jeunesse’ dans un article publié en février 2020 (https://prospective-jeunesse.be/cpt_article/le-protoxyde-dazote-gaz-hilarant-probleme-de-sante-publique-ou-epouvantail-mediatique/).

    Cette réduction des risques s’inscrit pleinement dans le cadre du plan de prévention et promotion de la santé « WAPPS » développé par la Région wallonne, mais aussi à travers l’ensemble des politiques développées dans le secteur des assuétudes et qui, je dois malheureusement le constater, sont encore stigmatisées par certains tant au niveau des publics-cibles que dans la prise en charge des problématiques rencontrées.