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Le coût écologique du recyclage de déchets

  • Session : 2021-2022
  • Année : 2022
  • N° : 288 (2021-2022) 1

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  • Question écrite du 28/01/2022
    • de ANTOINE André
    • à TELLIER Céline, Ministre de l'Environnement, de la Nature, de la Forêt, de la Ruralité et du Bien-être animal
    Le coût des déchets et de leur traitement est au cœur de tous les débats communaux où de nombreuses plaintes s'expriment sur l'explosion des coûts financiers directs et indirects ces dernières années.

    Par contre, le réel coût écologique du traitement et du recyclage des déchets passe souvent au second plan des préoccupations de nos concitoyens. Et pourtant, sur l'ensemble des emballages ménagers (PMC, papiers, cartons), 79 % sont recyclés en Belgique. Le reste est envoyé dans les pays limitrophes. Chez nous actuellement, un seul centre de recyclage est opérationnel pour donner une seconde vie au plastique, et deux sont en projet. L'un d'eux verra d'ailleurs le jour juste à côté du centre de tri, à Couillet, pour recycler les bouteilles en PET. “Pour le recyclage des plastiques, nous dépendons encore largement de nos voisins, reconnaît Valérie Bruyninckx. Mais aucun kilo de déchets triés et mis sur le marché par Fost Plus ne sort d'Europe.”

    N'empêche, pour aller jusqu'en Espagne, il y a déjà plus d'un millier de kilomètres à parcourir. “Évidemment, le transport de ces déchets génère des émissions carbones, mais c'est toujours mieux que d'aller chercher de la matière première vierge encore plus loin, relativise la responsable de communication de Fost Plus. L'extension du sac bleu à de nouveaux types d'emballages va par exemple permettre d'épargner 100 000 tonnes de CO2 à l'année grâce à leur recyclage.” Encore faut-il que la population suive correctement les instructions. Aujourd'hui, d'après les estimations de Fost Plus, les erreurs de tri dans le sac bleu de la part du consommateur tournent autour de 8 %, contre 10 à 15 % auparavant.

    Plus grave selon la FEB cette fois, “10 % de nos déchets reçoivent 90 % de l'attention des médias et du politique.” Selon les derniers chiffres de Statbel, qu'il a sous les yeux, en 2018 le gisement total de détritus s'élevait à 67 millions de tonnes pour l'ensemble de la Belgique. Là-dedans, seuls 7 % provenaient des poubelles des ménages, 93 % étaient des déchets industriels. “Les déchets industriels (tout ce qui est généré en dehors des ménages, incluant le secteur tertiaire), c'est quelque chose qui n'est pas très tangible. Dans les zonings par exemple, de grands flux de détritus sont collectés, mais ce n'est pas vraiment visible pour la société. C'est un peu “ni vu ni connu”.

    D'après les chiffres de Valipac, l'organisme chargé de la coordination du traitement des déchets d'emballage industriel en Belgique, seuls 39 % de nos déchets d'emballage industriel en plastique sont ainsi recyclés en Europe. 24 % voyagent jusqu'en Turquie, le reste part pour l'Asie. Un rapport de Greenpeace, publié en 2019, montre d'ailleurs que la Belgique est le cinquième plus gros exportateur de déchets au monde.

    “Si nous voulons faire bouger notre économie linéaire vers une économie circulaire, nous avons besoin de développer la filière du recyclage ici, en faisant évoluer la législation et en mettant en place des garanties pour la santé publique et l'environnement”, plaide le directeur général de Denuo. Garder la matière localement plutôt que de l'envoyer loin permettrait un double bénéfice: pour l'environnement d'abord, mais également économiquement puisque cela créerait de l'emploi. “Il faut créer un climat favorable. Actuellement, c'est toujours l'idée que cela doit être fait ailleurs, qu'on ne veut pas payer pour les déchets, etc. Techniquement, tout est recyclable, c'est juste que cela a un prix et qu'il faut être prêt à le payer.” Stany Vaes émet même l'idée d'accueillir les déchets d'autres pays, pour profiter ensuite de la matière localement. “Il faut donner de la valeur aux déchets. Si le gouvernement donne le bon exemple dans ses cahiers des charges en affichant sa préférence pour les matériaux recyclés, cela va créer un marché.”

    Quelle est la stratégie wallonne industrielle pour éviter voire empêcher le tourisme des déchets ?

    Quel contrôle développe Madame la Ministre pour s'informer sur l'issue de ces déchets et éviter qu'ils ne finissent dans une décharge à « ciel ouvert » loin de chez nous ?

    À quand l'ouverture des deux autres centres de recyclage du plastique en Wallonie ?

    Avec quelles interventions financières du Gouvernement wallon ?

    A-t-elle saisi le Comité de concertation pour instaurer une taxe sur les plastiques vierges ?

    Comment compte-t-elle favoriser le recours aux matériaux recyclés dans certains marchés publics ?

    Enfin, responsable de la sensibilisation du grand public, quelles initiatives nouvelles va-t-elle prendre pour améliorer le score du tri dans le sac bleu ?
  • Réponse du 02/03/2022
    • de TELLIER Céline
    La généralisation du nouveau sac bleu P+MC a un impact important sur l’ensemble de la chaîne du recyclage des emballages ménagers en Belgique. Avec 90 000 tonnes d’emballages supplémentaires à recycler par an et 5 nouveaux flux de déchets à trier, l’organisme Fost Plus se devait de renforcer sa capacité de tri et de recyclage.

    Pour ce faire, plusieurs marchés ont été attribués pour faire construire cinq nouveaux centres de tri des P+MC en Belgique : Indaver à Willebroek, Pre-Zero à Evergem, Val’Up à Mons, Valtris à Charleroi et Sitel à Liège. Les deux premiers sites sont opérationnels depuis début 2021, la chaîne de tri de Valtris a été inaugurée le 28 juin 2021 et les chantiers de construction des centres de Val’Up et Sitel ont été inaugurés respectivement le 5 octobre 2020 et le 19 novembre 2021. D’ici la fin de l’année 2022, quatre des cinq centres de tri tourneront à plein régime.

    En parallèle, Fost Plus a aussi lancé des appels d’offres pour développer une filière de recyclage des emballages ménagers en plastique en Belgique, avec la création de cinq nouvelles usines de recyclage. À ce jour, quatre projets d’investissements sont sur les rails : B-Recycling (sociétés Bionerga et Ecoo) à Beringen (pour le recyclage des films en polyéthylène), Ecoo à Houthalen (recyclage des films non-polyéthylène et emballages en plastique rigide mixte), Filao (sociétés Suez et Sources-Alma) à Couillet (recyclage des bouteilles PET bleues et transparentes « bottle to bottle ») depuis le 25/01/ 2021 et depuis peu (02/02/2022), Mopet (société Morssinkhof) à Neufchâteau (recyclage des bouteilles et des barquettes en PET). Le cinquième marché relatif au recyclage des emballages en polypropylène sera prochainement attribué.

    Les projets B-recycling et Filao bénéficient tous les deux d’un partenariat public-privé. L’usine de Couillet a été financée avec l’aide de la Société Régionale d’Investissement de Wallonie.

    Aujourd’hui, le nouveau sac bleu P+MC est déployé sur l’ensemble du territoire wallon. C’est donc l’occasion parfaite pour rappeler aux citoyens les nouvelles consignes de tri. En conséquence, une campagne générale de sensibilisation sera organisée en Wallonie dans le courant de l’année 2022. Par ailleurs, les intercommunales de gestion des déchets continueront aussi leurs efforts individuels avec l’aide de Fost Plus pour organiser des campagnes d’information plus locales.

    En ce qui concerne le contrôle des déchets d’emballages industriels exportés par la Belgique, il convient de nuancer au préalable les conclusions du rapport établi par Greenpeace. En effet, selon les informations transmises par Valipac, les statistiques utilisées par Greenpeace pour établir son classement incluent les quantités de déchets très importantes qui transitent par le port d’Anvers, mais qui proviennent en réalité des pays voisins. Tous les déchets exportés par la Belgique ne sont donc pas produits en Belgique.

    Le tourisme des déchets, comme on le qualifie, consiste à exporter des déchets vers des pays et des filières dans lesquels les coûts de main-d’œuvre sont les plus faibles et où les normes et les taxes environnementales sont également plus faibles, voire inexistantes. Ces déchets peuvent être exportés via plusieurs courtiers ou négociants successifs, faire l’objet de stockages temporaires dans plusieurs endroits, notamment aux abords des ports de mer, et leur traitement peut se faire en plusieurs étapes, au sein de plusieurs installations, et le tout dans plusieurs pays.

    Le premier outil mis en place pour lutter contre ce tourisme des déchets est la taxe subsidiaire sur les déchets collectés en Wallonie et traités en dehors de la Région. Ce régime de taxation impose un mode et un niveau de taxation sur les déchets exportés identiques à ceux appliqués aux déchets traités en Wallonie, déduction faite des taxes éventuelles appliquées par le pays d’importation. L’efficacité de cet outil est toutefois limitée par la difficulté de contrôler à l’étranger la réalité des paramètres déclarés par les redevables.
    Le second outil a trait au Règlement européen 1013/2006 et à la Convention de Bâle sur les transferts de déchets, qui interdisent les exportations de déchets destinés à l’élimination en dehors de l’Union européenne et de l’Association européenne de libre-échange, ainsi que les exportations de déchets dangereux en dehors de l’OCDE. Dans les autres cas, les exportations peuvent être interdites, soumises à notification et consentements préalables des autorités, soumises à des procédures locales ou être libres, selon le choix du pays d’importation concerné. Une traçabilité des déchets est effectuée lorsque la procédure de notification est applicable. Lorsque l’exportation est libre, les déchets sont uniquement accompagnés d’un bordereau.

    La Convention de Bâle a récemment été modifiée en ce qui concerne les déchets de plastique. Dorénavant, seuls les mono-flux de déchets plastiques suffisamment purs et directement recyclables sont libres d’exportation hors de l’Union européenne, sous réserve de dispositions imposées par le pays de destination qui pourraient être encore plus strictes. Par ailleurs, la Commission européenne a récemment proposé de réviser le Règlement européen sur les transferts de déchets pour interdire les exportations de déchets en dehors de l’OCDE, sauf vers une liste de pays à établir par la Commission européenne. La Commission propose également de rendre plus faciles les transferts de déchets entre les États membres de l’Union.

    Dans le cas spécifique des déchets d’emballages industriels, le troisième outil mis en place pour éviter le tourisme des déchets se retrouve dans les conditions fixées par ou en vertu de l’agrément de Valipac.

    Dans le cadre de son nouvel agrément 2022-2026, accordé le 2 décembre 2021 par la Commission interrégionale de l’Emballage, Valipac a proposé des mesures afin d’assurer la traçabilité et le recyclage effectif des déchets d’emballages industriels. D’ici la fin de l’année 2022, quasiment 100 % des destinations finales des déchets plastiques et 90 % des destinations finales des déchets de carton seront identifiées.

    Par ailleurs, en collaboration avec le bureau SGS, leader mondial de l’inspection, du contrôle, de l’analyse et de la certification, Valipac a aussi mis en place un programme d’audits auprès des recycleurs locaux afin de vérifier d’une part, que l’intégralité des déchets sont effectivement recyclés et d’autre part, que les conditions de recyclage sont comparables à celles en vigueur en Europe sur le plan social et environnemental.

    En outre, Valipac a développé un système de primes qui agit sur l’offre et la demande des déchets d’emballages industriels en plastique : les entreprises qui choisissent de faire recycler ces déchets en Europe (collecteurs ou traders) auront droit à une prime cumulée pouvant aller jusqu’à 35 euros/tonne : 20 euros/tonne pour le recyclage en Europe, 10 euros/tonne pour le recyclage en Belgique ou à proximité et 5 euros/tonne pour le recyclage effectué par des recycleurs certifiés EuCertPlast ou un système équivalent. Cette certification permet de garantir que le recyclage se fait effectivement dans le respect des conditions en vigueur au sein de l’Union européenne.

    Les clients de Valipac qui utilisent des emballages industriels en plastique contenant au minimum 30 % de déchets en plastique post-consommation (issus des collectes sélectives en entreprise) ont dorénavant droit à un bonus de 50 euros par tonne de matière recyclée. Afin d’aider ses clients à identifier les fournisseurs qui proposent ce type d’emballages, Valipac a développé la plateforme myrecycledcontent.com.

    Concernant les marchés publics, l’évolution de l’offre permet de les faire évoluer et d’y inclure une dimension environnementale et de circularité accrue. Ainsi, le cahier des charges type Qualiroutes autorise déjà l’usage de produits recyclés (granulats de débris de construction p.ex.) en construction routière, lorsqu’ils répondent à certaines exigences. Néanmoins, il existe encore de nombreux freins, notamment sur le terrain, pour que cet outil soit davantage efficace.

    Il faut donc poursuivre le travail à plusieurs niveaux : la sensibilisation et une meilleure connaissance de l’offre en produits recyclés (via des campagnes de communication renforcées), la qualité des matériaux recyclés et sa contrôlabilité, et l’évolution des cahiers des charges. Par exemple, en ce qui concerne le premier point, la fédération des recycleurs de matériaux de construction FEREDECO est subsidiée par la Région pour mieux faire connaître les caractéristiques, les usages et la qualité des granulats recyclés auprès des concepteurs publics et privés.

    Toutefois, la Wallonie ne peut pas avancer seule sur ce sujet et chaque niveau de pouvoir doit prendre ses responsabilités. Ainsi, les communes passent de nombreux marchés et elles disposent d’une capacité d’action importante, éclairée par les outils du réseau des acheteurs responsables. Le niveau fédéral peut quant à lui, dans le cadre de sa compétence en matière de normes de produits, réglementer le contenu ou l’affichage du contenu en matières recyclées des produits mis sur le marché. À ce sujet, plusieurs mesures visant à encourager l’utilisation de matériaux recyclés figurent dans le récent Plan d’action fédéral pour une économie circulaire 2021-2024, tel que la mesure 4 (Développer une certification fiable pour le contenu en matériaux recyclés) ou la mesure 14 (Renforcer les connaissances des pouvoirs adjudicateurs en matière de marchés publics circulaires et lancer des marchés publics pilotes dans le domaine de l’économie circulaire) par exemple.