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Les projets d'usine de kérosène synthétique

  • Session : 2021-2022
  • Année : 2022
  • N° : 306 (2021-2022) 1

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  • Question écrite du 02/02/2022
    • de BELLOT François
    • à BORSUS Willy, Ministre de l'Economie, du Commerce extérieur, de la Recherche et de l'Innovation, du Numérique, de l'Aménagement du territoire, de l'Agriculture, de l'IFAPME et des Centres de compétences
    Le projet N-Kéro est initié par un groupe d'industriels wallons souhaitant produire un kérosène synthétique en combinant de l'hydrogène avec du CO2. 

    En attendant d'autres technologies, ce projet permettrait aux avions de devenir « neutres » sur le plan climatique. Cette démarche correspond ainsi à l'ambition européenne d'atteindre 28 % de kérosène « propre » en 2050.

    La Wallonie a tous les acteurs compétents pour se placer en précurseur de cette filière industrielle novatrice.

    La production annuelle ciblée pour N-Kéro est de 250 000 m3 de kérosène à destination de Liege Airport, ce qui équivaut à 1 million de tonnes de CO2 et 150 000 tonnes d'hydrogène. 

    L'avantage du CO2 est qu'il est disponible en quantité dans l'air ainsi qu'auprès d'industries émettrices.

    J'ai sollicité le Ministre Henry quant à son avis sur une plus-value écologique dans la gestion du CO2 par la mise en place d'un réseau permettant d'avoir accès à ces émetteurs de CO2 tels que des verriers ou des cimenteries.

    Quelles plus-values liées à la recherche et à l'innovation ce réseau pourrait-il développer ?
    Monsieur le Ministre y est-il favorable ?

    L'hydrogène constitue la difficulté du projet. Idéalement vert, le produire à partir d'énergies renouvelables nécessite beaucoup d'énergie et l'offre du renouvelable actuelle est insuffisante. 

    Ce sont 900 MW de puissance électrique qui seront nécessaires en continu.

    Comment compte-t-il favoriser ces projets malgré les discussions en cours portant sur les centrales nucléaires, malgré la diminution de puissance électrique à venir et la réalité d'un secteur du renouvelable qui ne peut aujourd'hui répondre entièrement aux exigences ?

    Soutient-il davantage des projets valorisant la capture atmosphérique de CO2, le recours à des émetteurs ou systématiquement une réponse hybride ?

    Le développement de carburant de synthèse en serait aux étapes de prototypage pré-industriel.

    Quel est le calendrier de l'industrialisation à plus grande échelle au regard des recherches actives ?
  • Réponse du 23/02/2022
    • de BORSUS Willy
    Il me semble tout d’abord important de rappeler qu’afin de fabriquer du e-kérosène, il est nécessaire de développer trois « briques » technologiques :

    1. Electrolysation de l’eau afin de produire de l’hydrogène ;
    2. Obtention d’une source de CO2 ;
    3. Développement d’un process Power2Kérozène en vue de transformer l’H2 et le CO2 en kérosène de synthèse.

    Le développement de réseau de transport de CO2 ou d’hydrogène que l’honorable membre évoque permettrait notamment d’acheminer vers les potentielles centrales de production de kérosène, l’un des composants nécessaires qu’est le CO2.

    Je suis évidemment favorable à ce type de développements pour la simple et bonne raison qu’il existe principalement deux façons d’obtenir du CO2. La première résulte d’un effort de captation dudit CO2 dans l’atmosphère, la seconde, consiste en l’utilisation du CO2 émis lors de procédés industriels (notamment par des chaufourniers).

    Or, il faut comprendre que la captation du CO2 dans l’atmosphère nécessite environ 2 MWh par tonne de CO2 récupérée, soit une valeur du même ordre de grandeur que l’énergie extraite de la combustion du gaz naturel qui a émis ce CO2. On peut donc douter de l’intérêt du projet (Fasihi M., Efimova O., Breyer C., 2019 Techno-economic assessment of CO2 direct air capture plants. Journal of Cleaner Production 224 (2019)) du moins sur le territoire wallon qui ne dispose pas de suffisamment d’énergie dite verte (nécessaire à son tour pour la catégorisation du kérosène ainsi produit comme étant « vert »).

    À son tour, la captation du CO2 dans les gaz émis par une centrale thermique fait augmenter sa consommation de gaz naturel de 25 %, avec les conséquences environnementales et géopolitiques sur l’exploration, l’extraction et le transport du gaz naturel qui en résultent.

    Il convient donc selon moi, de réserver la capture du CO2 à des procédés industriels conçus de telle façon que le CO2 se trouve en grande concentration dans les gaz, et est donc plus facile à récupérer, comme c’est le cas pour les chaufourniers notamment. Cette approche permettrait de réduire les besoins en énergie requis pour synthétiser du kérosène. C’est la raison pour laquelle, elle semble être la plus appropriée à la situation wallonne.

    Évidemment, la fermeture potentielle des centrales nucléaires ne facilitera ni le développement des procédés de création d’e-kérosène ni leur installation en Région wallonne.

    Comme rappelé plus haut, afin de pouvoir être considéré comme du kérosène « vert », celui-ci devra non seulement être synthétisé via un processus alimenté par de l’énergie verte, mais également au moyen d’hydrogène vert à son tour.

    Or, comme l’honorable membre le rappelle dans sa question, il est estimé que l’approvisionnement électrique nécessaire à la production de 250 000 mètres cubes de kérosène par an requerra 900 MW, ne serait-ce que pour la production d’hydrogène. À cela s’ajoute encore notamment l’énergie nécessaire à la synthétisation du kérosène et potentiellement, celle requise en vue de la captation de CO2.

    Par comparaison, en Wallonie, la puissance électrique éolienne installée est d’environ 900 MW pour une durée de fonctionnement de 2 000 heures par an. Pour le photovoltaïque, il s’agit de 1 100 MW pour une durée de fonctionnement de 900 heures par an, sachant que l’année fait 8 700 heures (données 2018).

    L’approvisionnement en électricité verte semble en conclusion insuffisante à ce stade et doit être sécurisé avant d’envisager une production industrielle d’e-kérosène.

    Finalement, en ce qui concerne le calendrier, il semble un peu tôt pour parler d’industrialisation. Plusieurs projets existent en la matière.

    Le consortium initial N-Kéro tel qu’annoncé en 2021 a été remanié et élargi pour y intégrer les entreprises Lhoist et Engie-Laborelec. Le projet a été rebaptisé N-Kéro-Lime (pas de modifications majeures des objectifs envisagés) et a été soumis dans le cadre de l’appel à projets Pôles de compétitivité lancé en juillet 2021 par les Pôle Greenwin et MecaTech (financement via le PNRR, fin du projet en 2026). Les résultats de l’appel à projets ne sont pas encore connus. Le Jury du Gouvernement s’est réuni ce 27 janvier 2022 pour finaliser la sélection des projets. Les résultats seront validés prochainement lors d’une séance du Gouvernement Wallon.

    Un projet KéroLhyme a également été soumis dans le cadre des IPCEI, avec comme partenaires les sociétés Engie et Lhoist, avec pour objectif de développer un projet industriel pour produire du kérosène de synthèse avec un électrolyseur de 100 MW (financement au travers du PNRR, fin du projet en 2026). Il semble difficile de pouvoir maintenir l’objectif temporel d’industrialisation de la technologie du projet, puisque les briques technologiques seront développées dans le projet N-kéro-Lime qui se finira lui-même en 2026.