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Les conditions sanitaires des personnes âgées dans les prisons belges

  • Session : 2021-2022
  • Année : 2022
  • N° : 266 (2021-2022) 1

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  • Question écrite du 03/02/2022
    • de LENZINI Mauro
    • à MORREALE Christie, Ministre de l'Emploi, de la Formation, de la Santé, de l'Action sociale et de l'Economie sociale, de l'Egalité des chances et des Droits des femmes
    Le vieillissement de la population n'est pas un phénomène nouveau et le milieu carcéral n'échappe pas à cette évolution.

    Ainsi, le nombre de personnes âgées de plus 65 ans aurait augmenté de plus de 49 % ces 5 dernières années. Les détenus plus âgés restent bien sûr minoritaires, mais les prisons ne sont pas conçues pour des septuagénaires ou des octogénaires.

    Si la problématique de la santé des détenus relève du niveau fédéral, la Région wallonne a son mot à dire en tant que responsable de la promotion de la santé et de la prévention des maladies.

    À cet égard, Madame la Ministre peut-elle nous communiquer des informations sur la question des conditions sanitaires pour les seniors dans les 15 prisons wallonnes ?

    L'évolution de la population carcérale wallonne en termes d'âge, nécessite-t-elle d'être plus attentif à cette situation ?

    Dans quelles mesures les Régions et Communautés sont-elles associées à cette réflexion par le Fédéral ?

    Dans le cadre de sa compétence de promotion de la santé et de la prévention des maladies, des projets spécifiques existent-ils ou sont-ils envisagés pour faire face à cette évolution ?
  • Réponse du 09/06/2022
    • de MORREALE Christie
    Sur base du rapport KCE 293Bs de 2017 entre autres, Esprist Liège a établi un état des lieux de la santé dans les établissements pénitentiaires wallons. Cet état des lieux dépeint les conditions psychosociales, physiques et matérielles en prison. Le constat n’est en effet pas très bon puisque seulement 51.2 % des détenus seraient en bonne santé (contre 74.1 % de la population belge).

    Ce pourcentage correspond en effet aux précédentes publications sur le sujet. Le KCE, dans son rapport sur l’état de santé des détenus (2017), et le Rapport Salvi (2016), soulignaient les manquements importants en matière de santé de l’administration de soins adéquats jusqu’à la continuité des soins durant et après l’incarcération.

    Parmi les affections les plus fréquentes, on retrouverait les maladies infectieuses, les troubles psychiques et la toxicomanie. Les problèmes dentaires seraient également très fréquents. Les détenus évoquent en effet une accessibilité réduite aux soins dentaires et psychiatriques.

    De leur côté, les directions des établissements pénitentiaires avancent comme arguments le manque de moyens et l’existence de ces problématiques antérieurement à l’incarcération.

    Néanmoins, les soins médicaux ou paramédicaux classiques en milieu carcéral sont assurés par le personnel médical de la prison (dépendant du SPF Justice) permettant un maillage (théorique) relativement complet puisqu’un individu ayant besoin de soins médicaux à son arrivée en institution pourra les recevoir.

    À sa sortie de prison, l’individu aura accès au système classique de soins et pourra consulter les différents professionnels s’il le souhaite, également ceux utiles à son équilibre mental.

    Au niveau des conditions de détention, le constat est sans appel puisque le rapport évoque « des conditions de détention dégradantes ». Les infrastructures sont vétustes, manquent d’aération, manquent d’intimité, ne permettent pas des conditions d’hygiène optimales.

    Sur ce point, la Région wallonne n’est pas compétente, mais tente néanmoins d’apporter son aide à travers un projet ambitieux porté par « Un Pass Dans l’Impasse » (UDPI) visant à promouvoir la santé des détenus en prison.

    La part de seniors (plus de 65 ans) en Wallonie (population générale) était en 2021 de 19 % et sera, selon les projections du Bureau fédéral du Plan de 27.5 % en 2071 (pourcentage sensiblement similaire à l’échelle nationale). Cette hausse de la part des seniors est consécutive à des facteurs multiples comme l’amélioration de la médecine ou encore des conditions plus favorables de vie et de travail.

    La population carcérale belge n’échappe pas au phénomène du vieillissement que notre société connaît. Dans un monde qui vieillit, les prisonniers vieillissent également. Sur une population carcérale totale en Belgique de 11 040, 4 % avaient plus de 65 ans (chiffres de 2013). Ce pourcentage a plus que doublé en 10 ans puisqu’il était à peine de 2 % en 2002.

    Ce vieillissement s’accompagne parfois d’une diminution de l’autonomie nécessitant dans certains cas une aide extérieure pour se laver, s’habiller, se déplacer … or, le système carcéral actuel ne le permet pas. De plus, la nourriture n’est pas toujours adaptée à la situation médicale du détenu (problèmes dentaires, problèmes de déglutition …) l’empêchant de s’alimenter correctement. Le personnel d’encadrement ne dispose en effet d’aucune formation destinée à l’encadrement de personnes âgées et aucun centre de détention pour seniors n’existe en Belgique.

    Bien que l’on vive de plus en plus vieux en meilleure santé, le quotidien n’est pas toujours facile, surtout pour une population carcérale majoritairement issue des couches les plus précarisées de la société ayant des besoins de santé plus importants. Il apparaît donc évident qu’il faudra à l’avenir être particulièrement attentif à l’évolution de cette situation.

    Un plan d'action intégré par étapes contenant des mesures concrètes pour améliorer les soins de santé en milieu carcéral a été travaillé en collaboration avec les partenaires fédéraux et les partenaires des entités fédérées concernées.

    Celui-ci a abouti à un texte de vision et à des recommandations élaborées par les groupes de travail. C’est sur cette base - en collaboration avec les partenaires fédéraux et les partenaires des entités fédérées concernées – qu’a été défini un plan d'action intégré par étapes contenant des mesures concrètes pour améliorer les soins de santé en milieu carcéral.

    Ce plan d'action devait être finalisé et soumis à l'approbation de la CIM Santé publique à l'automne 2021. Mais, compte tenu du fait que les travaux ont été mis en pause durant une longue période et n’ont repris qu’au début de l’été, cette perspective n’était pas réaliste. À ce stade, plusieurs réunions ont pu être menées par l’AViQ sur les accords de coopération et un premier projet de texte a pu voir le jour. Des travaux sont donc en cours sur cette base.

    De plus et comme l’honorable membre le sait, la Région wallonne soutient un projet-pilote de promotion de la santé et d’accompagnement des détenus en matière de santé mentale, de gestion des assuétudes et de réduction des risques dans les prisons wallonnes. L’objectif général du projet porté par l’ASBL UPDI est d’améliorer la santé globale des personnes incarcérées (jeunes et moins jeunes), de favoriser la continuité des soins et de promouvoir la réinsertion sociale par le biais de l’autonomisation et de la responsabilisation.

    Actuellement, UPDI œuvre à l’organisation d’activités de prévention et de promotion de la santé au sein des prisons wallonnes. Des rencontres régulières avec UPDI et l’Agence sont organisées afin de mener à bien ce projet. Dans le but d’assurer la continuité de celui-ci, UPDI tente de réaliser des actions qui s’inscrivent dans le temps et qui ont des répercussions à moyen et long terme sur la santé des détenus.

    En outre, le projet vise à faire le lien entre la vie qu’a un individu en milieu carcéral et sa vie après, en lui donnant des moyens pour appréhender de manière optimale ses émotions, en essayant de lui donner les outils utiles à un bon équilibre psychologique. Il s’agit-là d’un défi énorme au vu de l’état des lieux du monde carcéral : surpopulation, situation sanitaire, portes closes de certains établissements aux opérateurs extérieurs …

    UPDI mène différents ateliers (de concert avec une série d’acteurs de la santé mentale) comme la gestion des émotions, la prévention à l’usage du tabac, les bienfaits de l’activité physique sur la personne incarcérée, les groupes de paroles, les ateliers d’accompagnement psychosociaux. Ces différentes actions menées s’inscrivent dans les objectifs poursuivis par le WAPPS et dès lors, dans la continuité (une attention toute particulière sera accordée sur la pérennité des actions entreprises).

    Enfin, il est peut-être intéressant de remarquer que certaines prisons n’ont pas autorisé UPDI à accéder à leur institution empêchant les détenus de pouvoir « remettre le pied à l’étrier » et à préparer leur réinsertion. La majorité des activités proposées sont accessibles également aux détenus plus âgés.

    Rappelons que ce projet n’a été attribué à UPDI qu’en décembre 2019, soit quelques mois avant l’arrivée du Covid-19 ce qui n’a évidemment pas facilité sa mise en œuvre.