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Le périmètre d'intervention des directeurs généraux à l'égard des conseillers communaux

  • Session : 2021-2022
  • Année : 2022
  • N° : 205 (2021-2022) 1

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  • Question écrite du 10/02/2022
    • de EVRARD Yves
    • à COLLIGNON Christophe, Ministre du Logement, des Pouvoirs locaux et de la Ville
    Les directeurs généraux tiennent une place essentielle dans le fonctionnement des communes et des CPAS. Directeurs des services de l'administration, en charge de la préparation des dossiers et des procès-verbaux du conseil et du collège/bureau permanent, du programme stratégique transversal, conseillers juridiques et administratifs, garants de la légalité des décisions des organes locaux, informateurs institutionnels, etc., les directeurs généraux sont les chefs d'orchestre de la vie politique locale. Et pour accomplir sereinement toutes ces missions, pour éviter toute confusion des rôles entre le politique et l'administratif, il est important qu'ils ne s'impliquent pas dans le débat politique et incarnent la neutralité exigée dans l'accomplissement des missions de service public qui sont les leurs.

    Or il semblerait que la frontière ne soit pas toujours aisée à respecter et que de temps à autre quelques écarts soient observés. C'est du moins la situation qui m'a été relatée en suivi d'un conseil communal en Province de Namur, lequel examinait le budget 2022. Lors de ce conseil, l'opposition s'est inquiétée de l'augmentation budgétaire liée au personnel (+ 10 %, soit + 300 000 euros) souhaitant à nouveau rendre la majorité attentive face à cette augmentation budgétaire constante depuis 10 ans, au regard notamment des charges de pension.

    Quel ne fut pas l'étonnement des conseillers de la minorité, au lendemain du conseil communal, de recevoir de la part du directeur général un mail, adressé à tous les membres du conseil communal dans lequel le directeur général qui, tout en précisant « s'adresser à titre personnel et en sa qualité de représentant du personnel communal », se dit outré des propos relatifs aux charges de personnel et justifie les emplois au sein de la commune et le travail exécuté par le personnel communal. Le courriel, accompagné d'un document comparatif du nombre d'agents employés dans les communes environnantes, affirme que les conseillers de l'opposition méconnaissent le travail et les compétences gérés par la commune et les invite à « venir passer quelque temps auprès du personnel ». Ce courriel charge également la Région et le Fédéral « qui, sans cesse, leur remettent de nouvelles compétences ou tâches sur le dos ».

    Je souhaiterais connaître l'appréciation que porte Monsieur le Ministre à une telle démarche. Le directeur général peut-il s'adresser de la sorte aux membres du conseil communal sans que cela ne puisse être interprété comme une remise en question de son devoir de réserve ?

    De manière générale, quelles missions exerce le directeur général lors de la tenue des conseils communaux ?
    Peut-il d'initiative prendre part aux débats ?
    Lorsqu'il intervient, quelle forme son intervention doit-elle prendre ?
    Quel est le périmètre de son intervention ?
    Un rappel à l'ordre ou une sanction peuvent-ils être pris à l'égard d'un directeur général ?
    Quelle est la procédure ?
    Quelle est l'instance compétente, est-ce le conseil communal, le collège communal ou Monsieur le Ministre, sur base d'une réclamation ?
  • Réponse du 14/04/2022
    • de COLLIGNON Christophe
    Avant tout, je précise que la situation évoquée ne m’a pas été rapportée, de sorte que je ne peux me prononcer sur ce qu’il s’est réellement passé.

    D’un point de vue réglementaire, en ce qui concerne les missions confiées au directeur général dans le cadre des séances du conseil et du collège communal, l’article L1124-4 du Code de la démocratie locale et de la décentralisation prévoit ce qui suit :
    « § 1er. Le directeur général est chargé de la préparation des dossiers qui sont soumis au conseil communal ou au collège communal. Il assiste, sans voix délibérative aux séances du conseil et du collège.
    § 5. Le directeur général rédige les procès-verbaux des séances du conseil et assure la transcription de ceux-ci. Dans le mois qui suit leur adoption par le conseil communal, les procès-verbaux transcrits sont signés par le bourgmestre et le directeur général.
    Le directeur général donne des conseils juridiques et administratifs au conseil communal et au collège communal. Il rappelle, le cas échéant, les règles de droit applicables, mentionne les éléments de fait dont il a connaissance et veille à ce que les mentions prescrites par la loi figurent dans les décisions.
    Ces avis et conseils sont annexés, à la décision du collège communal ou du conseil communal, et transmis au directeur financier. ».

    Par ailleurs, l’article L1124-3 indique que « le directeur général est tenu de se conformer aux instructions qui lui sont données, soit par le conseil, soit par le collège communal, soit par le bourgmestre, selon leurs attributions respectives ».

    Il résulte de ces dispositions que le directeur général joue — d’ailleurs depuis toujours — un rôle de secrétaire des séances du conseil et du collège et de garant de la légalité. À ce dernier titre, il peut être amené à répondre à des questions techniques et juridiques sur les dossiers débattus en conseil. Toutefois, par nature, une séance de conseil est une discussion entre mandataires politiques. Les conseillers posent les éventuelles questions au président de séance qui, s’il le décide, se tourne vers le directeur général pour apporter des précisions d’ordre technique ou juridique.

    Pour le reste, si un manquement aux devoirs dans l’exercice d’une fonction devait être avéré, il appartient au collège communal de déterminer s’il est opportun ou non, selon la nature des faits, de constituer un dossier disciplinaire à l’encontre d’un directeur général.

    Comme le prévoit l’article L1215-2, « les sanctions disciplinaires visées à l’article L1215-3 peuvent être infligées pour les motifs suivants :
    1° manquements aux devoirs professionnels ;
    2° agissements qui compromettent la dignité de la fonction ;
    3° infraction à l’interdiction visée aux articles L1124-5, L1124-38, L1124-39 et L1214-1 ».

    L’article L1215-3 prévoit différents degrés de sanction :
    « Les sanctions disciplinaires suivantes peuvent être infligées aux membres du personnel communal :
    1° sanctions mineures :
    l’avertissement ;
    la réprimande ;
    2° sanctions majeures :
        la retenue de traitement ;
        la suspension ;
        la rétrogradation ;
    3° sanctions maximales :
        la démission d’office ;
        la révocation ».

    Selon les articles L1215-6 à L1215-8 du CDLD, la sanction de la rétrogradation n’est pas applicable au directeur général. Le conseil communal est la seule autorité compétente pour infliger les sanctions disciplinaires à l’égard du directeur général.

    Enfin, ce sont les articles L1215-10 et suivants qui règlent la procédure à suivre.

    En résumé, l’agent concerné ne peut se voir infliger une sanction sans avoir été préalablement été entendu. Avant son audition, l’autorité disciplinaire constitue un dossier disciplinaire qui doit contenir toutes les pièces relatives aux faits mis à charge. À partir de la convocation à comparaître devant l’autorité disciplinaire et jusqu’à la veille de la comparution, l’intéressé et son défenseur peuvent consulter ce dossier et, s’ils le souhaitent, communiquer, par écrit, les moyens de défense à l’autorité disciplinaire. Cette autorité dresse un procès-verbal de l’audition. Elle se prononce sur la sanction disciplinaire à infliger, dans les deux mois de la clôture du procès-verbal de la dernière audition, de renonciation ou de non-comparution. La décision motivée est notifiée sans tarder à l’intéressé, soit par lettre recommandée à la poste, soit par la remise contre accusé de réception.