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L'impact des tensions russo-ukrainiennes sur le tissu économique wallon

  • Session : 2021-2022
  • Année : 2022
  • N° : 323 (2021-2022) 1

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  • Question écrite du 11/02/2022
    • de MAUEL Christine
    • à BORSUS Willy, Ministre de l'Economie, du Commerce extérieur, de la Recherche et de l'Innovation, du Numérique, de l'Aménagement du territoire, de l'Agriculture, de l'IFAPME et des Centres de compétences
    La situation à la frontière russo-ukrainienne est très préoccupante. En effet, depuis quelques semaines maintenant, cet endroit est le théâtre permanent de tensions entre les deux pays. La Russie menace d'envahir une partie de l'Ukraine et on peut constater que la situation se dégrade de plus en plus.

    Ce contexte géopolitique pourrait ne pas être sans conséquence sur l'approvisionnement des entreprises. En effet, l'utilisation de matières premières, de pièces, de produits chimiques et/ou de services, parfois importés de Russie, sont nécessaires. Or, en cas d'actions militaires de Moscou, l'administration américaine a communiqué que les États-Unis, mais aussi leurs alliés européens prendraient des mesures, et ce, de manière immédiate.

    Depuis 2014, des sanctions économiques à l'encontre de la Russie sont appliquées par l'Union européenne. Elles ont, d'ailleurs, été prolongées jusqu'au mois de juin. Au vu de l'aggravation des tensions, de nouvelles répercussions économiques sont à craindre.

    Monsieur le Ministre a-t-il envisagé des dispositifs afin de limiter l'impact des tensions actuelles sur les relations commerciales entre la Wallonie et la Russie ?

    Dans quelle mesure les entreprises wallonnes seraient-elles impactées ?

    Quelles dispositions sont prévues, le cas échéant, afin de pallier le manque de marchandises dû aux potentielles difficultés d'approvisionnement ?

    A-t-il eu des contacts avec ses homologues des autres niveaux de pouvoir sur le dossier ? Si oui, une stratégie commune est-elle prévue ?
  • Réponse du 09/03/2022
    • de BORSUS Willy
    Depuis le dépôt de la question de l’honorable membre, la situation a hélas évolué de manière dramatique en Ukraine. Nous le savons, la Russie a lancé une attaque d’ampleur inédite sur l’Ukraine. Cette attaque a été condamnée dans les termes les plus forts par la Communauté internationale, l’Union européenne, le Gouvernement belge et la Ministre belge des Affaires étrangères. Nous n’en sommes donc plus au stade des préoccupations, mais à la mise en place de mesures de sanctions vis-à-vis de la Russie.

    L’action de la Wallonie est bien évidemment coordonnée avec les autres niveaux de pouvoir, dont au premier chef le niveau fédéral.

    Il est difficile à l’heure actuelle d’évaluer l’impact des sanctions, mais il ne fait aucun doute que cette crise et les mesures qui y sont associées affecteront nos échanges commerciaux. L’AWEx et mes équipes suivent de très près la situation et se tiennent aux côtés des entreprises wallonnes qui ont un courant d’affaires dans la région.

    De manière générale, les échanges commerciaux entre la Wallonie et la Russie sont relativement modestes. Selon les chiffres du premier semestre 2021 :

    - la Russie est le 7e fournisseur de la Wallonie, et plus de 89 % des importations concernent les produits sidérurgiques ;
    - en ce qui concerne les exportations, la Russie était le 27e client de la Wallonie, avec 40 % de produits des industries chimiques et pharmaceutiques dans le mix des produits exportés.

    Concernant le régime des sanctions, l’UE a publié une série de sanctions à ce jour.

    - L’UE a notamment décidé d’interdire les exportations de biens à double usage ou d’autres produits visés vers la Russie. Cela perturbera également les activités de certaines entreprises wallonnes ;
    - les perturbations des déplacements de personnes vont impacter les relations de nos entreprises avec leurs partenaires russes freinant davantage les flux commerciaux ;
    - les restrictions financières rendent difficiles les transactions bancaires et donc l’exécution des contrats commerciaux. De plus, le Gouvernement russe a déclaré l’interdiction du transfert de devises étrangères à l’étranger, ce qui veut dire que les entreprises russes ne sont plus autorisées à payer en EUR ou en USD à des parties étrangères. Les exportations wallonnes seront également freinées par l’affaiblissement du rouble ;
    - les sanctions sur l’interdiction de l’espace aérien européen aux compagnies aériennes russes ont également un impact. L’activité de l’aéroport de Liège est également touchée étant donné la présence de deux opérateurs cargo russe : Airbridge Cargo et Atran. La crise actuelle aura un impact sur les chaines logistiques de la Wallonie.

    La situation actuelle présente un certain nombre de risques pour nos entreprises :

    - des sanctions économiques européennes qui frapperaient les importations russes (à l’instar de l’acier), pourraient se révéler fortement problématiques pour certaines entreprises wallonnes ;
    - les prix de l’énergie, du gaz et du pétrole ont augmenté fortement, ce qui a et aura un impact très important sur les industries wallonnes. Nous constatons également l’inflation importante, et le mécanisme d’indexation des salaires – par ailleurs bien légitime - réduira encore plus les marges de nos entreprises ;​
    - concernant la chaine logistique, Il n’y a plus aucune liaison aérienne directe avec la Russie, et les coûts de transport, aussi bien routier que maritime, risquent d’augmenter. En ce qui concerne les importations, les chaînes d’approvisionnement risquent également d’être perturbées ;
    - les boycotts éventuels des chaines russes installées en Wallonie (Lukoil, MERE) mèneront très certainement à certaines difficultés en Wallonie.

    Finalement, il convient de rester aussi très attentif aux éventuelles contre-sanctions russes à venir. Certaines voix politiques russes appellent notamment à une nationalisation des investissements étrangers en Russie. L’AWEx a recensé une vingtaine d’entreprises wallonnes qui ont une présence en Russie.

    En ce qui concerne l’Ukraine, c’est le 55e client de la Wallonie, avec des valeurs d'exportation de l'ordre de 26 millions d'euros au cours du premier semestre 2021. L'Ukraine est notre 39e fournisseur et au cours du premier semestre 2021, nous avons importé des produits pour une valeur de 15,6 millions d'euros. Aussi, l’Ukraine n’est pas un des partenaires commerciaux principaux de la Wallonie. Le secteur du bois pourrait être impacté. S’agissant d’un des principaux produits ukrainiens d’importation pour la Wallonie, cela risque de renforcer la pénurie et donc la demande – et pourrait encore influer sur les prix à la hausse du bois.

    Les premiers signaux d’alertes des Affaires étrangères quant à une escalade rapide du conflit sont parvenus à mes services à la mi-janvier. Plusieurs réunions présidées avec les Affaires étrangères ont eu lieu afin de définir les intérêts et les risques de la Belgique relatifs aux sanctions européennes, et cetera.

    Des contacts en amont de ces réunions ont été établis notamment avec les représentants de l’Union wallonne des entreprises (UWE) qui était elle-même en contact avec les fédérations sectorielles.

    Suite au déclenchement de la crise en Ukraine en février 2022, en concertation avec Monsieur le Ministre-Président, nous avons décidé de créer une « task force » wallonne pour l’anticipation des risques et impacts de l’économie wallonne. Cette « task force » économique réunit plusieurs organismes régionaux (AWEx / Sofinex / SOGEPA / SRIW / Cab EDR / Département des licences). Celle-ci s’est réunie pour la première fois le 18 février. La prochaine réunion est prévue le 8 mars. L’objectif est, d’une part, de faciliter l’échange d’information entre les membres de cette taskforce, et d’autre part, d’analyser et d’anticiper les risques et impacts pour notre économie tout en identifiant les éventuelles mesures à prendre.

    Pour le surplus, je renvoie l’honorable membre au débat d’actualité prévu ce mercredi 9 mars en séance plénière du Parlement wallon.