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Les mesures de préservation des biens immobiliers privés classés

  • Session : 2021-2022
  • Année : 2022
  • N° : 202 (2021-2022) 1

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  • Question écrite du 11/02/2022
    • de DI MATTIA Michel
    • à DE BUE Valérie, Ministre de la Fonction publique, de l'Informatique, de la Simplification administrative, en charge des allocations familiales, du Tourisme, du Patrimoine et de la Sécurité routière
    La Wallonie compte un nombre précieux de biens immobiliers privés classés au patrimoine. C'est le cas, notamment, de la maison de Maître Gaspar-Thibault construite en 1900 et qui bénéficie d'une reconnaissance pour ses indéniables qualités architecturales reflets de l'ère industrielle, mais également comme étant une des dernières maisons à porte-guillotine, munie de son mécanisme d'origine. Ce témoin d'un savoir-faire d'exception a été classé en 2014 avant d'être mis en vente publique en 2017 pour 750 000 euros.

    À l'instar de cet édifice tombant en désuétude, la Wallonie risquerait de payer le tribut d'une impossibilité à trouver des repreneurs pour ces biens immobiliers privés classés qui demandent aujourd'hui des investissements considérables pour être rénovés. Ce type de sommes à investir ne relève pas de tous les portefeuilles et pourrait davantage être un frein qu'un moteur à la préservation.

    Madame la Ministre considère-t-elle que la législation actuelle afférente aux immeubles privés bénéficiant d'une pastille de classement patrimonial est toujours en adéquation avec la réalité ?

    Envisage-t-elle de faire évoluer les différentes catégories de classement ?

    Va-t-elle demander une évaluation des besoins de conservation et d'évolution des biens immobiliers privés classés ?

    Plaiderait-elle pour des changements significatifs, notamment dans le développement de partenariats publics-privés ? Pense-t-elle dès lors opportun de stimuler davantage l'attention des investisseurs privés, fondations et philanthropes par le biais d'une communication spécifique ?

    L'Agence wallonne du Patrimoine bénéficie-t-elle d'un cadre législatif pour acquérir des éléments architecturaux, par exemple la porte-guillotine et son mécanisme, dans une volonté de préservation du savoir-faire et des techniques ?
  • Réponse du 08/03/2022
    • de DE BUE Valérie
    La politique de la Wallonie est déjà très incitative en ce qui concerne la conservation des biens classés. Pour rappel, dans la catégorie des monuments, chaque dossier de restauration introduit dans le respect de la procédure bénéficie, sans exception, d’une subvention régionale (50 % du coût des travaux, majoré de 10 % si le bien est accessible au public). Cette aide substantielle est destinée à épauler le propriétaire d’un bien classé afin que ce dernier puisse faire face au surcoût lié aux exigences techniques particulières qu’impose la préservation d’un bien classé. La législation actuelle répond donc déjà favorablement aux questions liées au financement des travaux sur monuments classés.

    Par ailleurs, je souhaite préciser qu’il existe déjà différents degrés de protection en ce qui concerne les biens de valeur patrimoniale. D’une part, ils sont tous inscrits à l’inventaire régional, d’autre part certains d’entre eux sont marqués d’une pastille. Cette pastille souligne leur intérêt particulier à l’échelle locale. Une portion limitée de biens sont classés à la suite d’une procédure rigoureuse. Cette reconnaissance est traduite par un arrêté ministériel qui octroie aux propriétaires des droits, mais lui impose également des devoirs. Enfin, une sélection sévère peut être également enclenchée au sein de ce corpus qualitatif, et mener à l’intégration des meilleurs exemples dans la liste du Patrimoine exceptionnel de Wallonie. Les biens qui bénéficient de cette ultime reconnaissance peuvent prétendre à un taux de subsidiation encore plus élevé (65 % du coût des travaux, additionné de 10 % si le bien est accessible au public).

    En ce qui concerne l’évaluation de l’état d’un bien, celui-ci est effectué lors de l’entame d’une procédure de classement éventuel. Ce monitoring dresse la liste des travaux à prévoir en vue de la bonne conservation du bien. Un état des lieux est également réalisé par mon Administration lorsque des travaux sont projetés sur un bien classé.

    La Région, en tant que service public, intervient pour soutenir les initiatives, mais elle ne peut en aucun cas endosser la responsabilité du maintien en bon état d’un bien classé à la place des propriétaires. Dans le but d’améliorer le modèle, dès le début de mon mandat j’ai entamé une exploration des pistes alternatives en termes de financement et encouragé leur développement.

    La Wallonie subventionne et soutient l’action de l’ASBL Prométhéa dont la mission est de développer le mécénat d’entreprise dans les domaines de la Culture et du Patrimoine. L’association cherche continuellement à augmenter le nombre d’entreprises mécènes, ainsi que les ressources affectées au mécénat, par le biais de son école du mécénat, par le recours à une plateforme de « crowdgiving » et, surtout, par le développement de collectifs d’entreprises mécènes axés sur une zone géographique ou un thème particulier. Elle est aussi chargée de réaliser son autopromotion, par le biais de la cérémonie des Caïus par exemple, également soutenue par la Région.

    Il existe par ailleurs des fonds de mécénat à la Fondation Roi Baudoin. Ils sont classés en six grandes catégories qui concernent le patrimoine mobilier, le patrimoine architectural, le patrimoine naturel, l’histoire & l’archéologie, ainsi que la musique. Certains propriétaires de biens classés y ont recours et peuvent, selon les cas, dégager des marges financières importantes.

    Lors de mes rencontres avec le secteur privé, j’invite également les entreprises à investir dans le Petit patrimoine populaire wallon. Outre le fait qu’il s’agit de dossiers dont les aspects administratifs, la temporalité et le plan financier sont plus faciles à appréhender, il est question d’opérations réalisées « au coin de la rue », c’est-à-dire qu’elles permettent d’inscrire l’action du mécénat dans l’ancrage local, au plus près des entreprises, dans des délais maîtrisés.

    Différentes mesures d’optimisation fiscale sont également envisagées, mais il s’agit d’une matière complexe, qui implique différents niveaux de pouvoirs.

    Pour terminer, je souhaite revenir sur l’état actuel de la maison de Maître Gaspar-Thibaut à Gosselies et sur les possibilités d’acquisition d’éléments architecturaux.

    Cette maison, classée en 2014, a fait l’objet de mesures conservatoires urgentes à la suite de l’apparition d’un champignon de type « mérule ». Le propriétaire a fait intervenir sans attendre une société spécialisée, permettant ainsi de contenir l’attaque, ce qu’a pu constater un comité d’accompagnement en septembre 2021. Lors de cette réunion, le comité a déploré l’absence d’entretien qui a pu favoriser l’attaque de champignon. Des échanges sont encore en cours, entre mes services et le propriétaire, pour pallier au mieux à ce problème en attente de la vente du bien.

    Le Code du Patrimoine ne prévoit pas de disposition particulière visant l’acquisition d’éléments matériels qui participent à la valeur patrimoniale d’un bien classé. Lors de la démolition ou de transformations conséquentes, des éléments patrimoniaux peuvent cependant être prélevés sur place, avec l’accord du propriétaire, pour être entreposés dans la matériauthèque de l’AWaP.