/

La révision de la législation en matière de régies communales autonomes

  • Session : 2021-2022
  • Année : 2022
  • N° : 214 (2021-2022) 1

2 élément(s) trouvé(s).

  • Question écrite du 11/02/2022
    • de DI MATTIA Michel
    • à COLLIGNON Christophe, Ministre du Logement, des Pouvoirs locaux et de la Ville
    Les communes sont de plus en plus nombreuses à recourir à la création d'une régie communale autonome (RCA) afin de décentraliser certaines activités de nature industrielles ou commerciales.

    Cette figure juridique n'est cependant pas sans se heurter à certaines difficultés comme une absence de forme de droit privé qui ne lui permet pas d'adopter la forme de société anonyme ou de coopérative. Le législateur n'a pas non plus prévu de doter celles-ci d'un régime fiscal propre qui soit adapté à leur nature. Ainsi les RCA, qui sont par essence commerciales ou industrielles, sont presque exclusivement assujetties à l'impôt des sociétés ce qui constitue une lourde charge administrative pour celles qui réalisent des bénéfices.

    Par ailleurs, il revient en pratique au conseil communal de créer une RCA par l'adoption d'un règlement communal spécifique. Cela n'est aujourd'hui pas précisé dans le Code de la démocratie locale et de la décentralisation, ce qui peut générer un certain flou au moment où une commune se porte candidate à la création d'une RCA.

    Au regard des freins exposés, Monsieur le Ministre compte-t-il revoir la législation de manière à faire évoluer les RCA vers des formes sociétaires qui pourraient leur être plus favorables ? Envisage-t-il de développer à terme un régime fiscal qui leur soit propre ?

    Enfin, est-il prévu de revoir le Code de la démocratie locale et de la décentralisation pour améliorer la communication autour des modalités de constitution des régies communales autonomes ?

    Est-il satisfait de la manière avec laquelle les différents niveaux de pouvoir interagissent aujourd'hui dans ce cadre ?
  • Réponse du 26/07/2022
    • de COLLIGNON Christophe
    Les régies communales autonomes (RCA) sont réglementées par les articles L1231-4 à L1231-13 du CDLD (anciennement contenus dans la loi fédérale du 28 mars 1995) et par un arrêté royal du 10 avril 1995.

    Contrairement aux régies de fait et de droit, la RCA est dotée d’une personnalité juridique propre, distincte de celle de la commune.

    Les dispositions législatives de 1995 ont fait l’objet de critiques, évoquant des lacunes, des contradictions et certains vides juridiques. Différents aspects — comme le régime fiscal et la filialisation — n’ont pas été abordés par la loi du 28 mars 1995, laissant dès lors le droit commun s’appliquer.

    Dès lors, l’adoption d’un règlement communal déterminant le « statut » de la RCA est la solution que la pratique a mise en œuvre pour pallier le déficit d’encadrement juridique. Une assise à cette pratique dans le CDLD serait toutefois souhaitable.

    Comme l’indique l’honorable membre, « cette figure juridique n’est cependant pas sans se heurter à certaines difficultés comme une absence de forme de droit privé qui ne lui permet pas d'adopter la forme de société anonyme ou de coopérative ».

    En effet, si elles sont bien des personnes morales de droit public, les RCA disposent d’un statut sui generis, à mi-chemin entre le droit public et le droit privé.

    Sur la plan fiscal, le renvoi au droit commun a pour conséquence que les RCA sont assujetties à l’impôt des sociétés (Isoc) et à la TVA.

    Pour rappel, le premier objectif du législateur fédéral était de moderniser le système fiscal dans le but d’opérer une réduction de la pression fiscale et parafiscale. Il s’agissait de créer un système de concurrence fiscale loyale entre le secteur public et le secteur privé, en supprimant le régime d’exception automatique dont bénéficiaient les intercommunales.

    Par ailleurs, il s’agissait aussi de mettre un terme à la discrimination constatée par la Cour dans son arrêt no 114/2014 du 17 juillet 2014. La Cour a annulé l’article 180, 1°, du Code des impôts sur le revenu 1992 en ce qu’il n’exonérait pas de l’impôt des sociétés les régies communales autonomes alors qu’elles exercent une mission identique à celle d’une intercommunale ou d’une structure de coopération, mission qui n’entre pas en concurrence avec le secteur public. Ces deux objectifs ont été rappelés dans l’exposé des motifs de la loi-programme du 19 décembre 2014 qui précise que « les intercommunales et les régies communales autonomes seront mises sur un pied d’égalité, à partir du moment où elles exercent une activité similaire, en soumettant les unes et les autres à l'impôt des sociétés ou, si elles ne se livrent pas à des opérations de caractère lucratif, à l’impôt des personnes morales ».

    Indépendamment même du fait qu’il s’agit d’une compétence exclusive du niveau fédéral, il apparaît donc que prendre le chemin inverse de la modification du CIR, en exonérant les RCA de l’Isoc ne correspondrait pas à l’esprit du législateur au regard des éléments de contexte rappelés.

    Par ailleurs, selon la conception traditionnelle de l’administration belge, la RCA est, de plein droit, un assujetti à la TVA en vertu de l’article 4 du Code sur la TVA, sans être visée par l’article 6 du même code.

    Cependant, il faut également prendre en compte l’article 44, § 2, du Code sur la TVA qui exempte de cette dernière une série de prestations liées notamment aux exploitations sportives ou culturelles. Ainsi, une RCA sportive peut déduire entièrement la TVA sur les frais de construction et d’exploitation d’un centre sportif (gymnase, piscine, manège, terrain de sports, terrain de tennis...) lorsqu’elle encaisse elle-même le prix de l’entrée.

    Toutefois, en vertu de l’article 44, § 2, 3°, du Code sur la TVA, sont exemptées de la TVA « les prestations de services fournies par les exploitants d’établissements d’éducation physique ou d’installations sportives aux personnes qui y pratiquent la culture physique ou une activité sportive, lorsque ces exploitants sont des organismes qui ne poursuivent pas un but lucratif et que les recettes qu’ils retirent des activités exemptées servent exclusivement à en couvrir les frais ».

    Il faut cependant que la RCA puisse mesurer l’impact de cette exemption sur droit à déduction.

    En définitive, la RCA est exemptée de TVA si l’activité est 1° une prestation qui concerne l’exercice même du sport et est fournie aux personnes qui le pratiquent ; 2° à but non lucratif, et 3° voit les recettes tirées de l’exploitation affectées exclusivement à la couverture des frais.

    S’agissant de la nature des activités gérées par les RCA, l’arrêté royal de 1995 comprend une liste exhaustive d’activités — au nombre de 16 — pour lesquelles une RCA peut être créée. Comme pour les intercommunales, les régies peuvent avoir plusieurs objets, repris dans la liste.

    La plupart des RCA gère des infrastructures sportives communales (et peuvent être reconnues comme centre sportif local ou centre sportif local intégré) ou le patrimoine foncier. D’autres s’occupent d’événementiel, de gérer le parc informatique, d’organiser les marchés hebdomadaires, de vente de bois ou encore d’organiser le parking public.

    Des législations particulières peuvent proposer voire imposer le recours à la forme d’une régie communale autonome et ce, même si l’activité exercée par celle-ci ne se trouve pas expressément dans la liste de l’arrêté royal de 1995.

    L’inscription de cet arrêté royal dans la future partie réglementaire du CDLD est à l’étude au sein de mes services, par souci de clarification.

    Enfin, concernant les règles organiques, les régies communales autonomes sont gérées par un conseil d'administration et un bureau exécutif. Les règles organiques sont contenues à l’article L1231-5, profondément revu par le décret « gouvernance » du 29 mars 2018.

    Selon l’article L1231-10 du CDLD, « les articles 63, 130 à 144, 165 à 167, 517 à 530, 538, 540 et 561 à 567 du Code des sociétés sont applicables aux régies communales autonomes, à moins qu'il n’y soit dérogé expressément par la première partie du présent Code. ». Une partie de ces dispositions concerne le régime de responsabilité des administrateurs. Toutefois, eu égard à l’abrogation de l’ancien Code des sociétés et à l’entrée en vigueur du nouveau Code des sociétés et des associations, cette disposition devrait être revue.

    Ces éléments confirment donc que, sur le volet fiscal, la Région ne dispose pas de la compétence pour changer le modèle existant. Néanmoins, le Code de la démocratie locale et de la décentralisation gagnerait à être revu pour ce qui concerne les RCA, de manière à clarifier et préciser un certain nombre de dispositions et d’outiller au mieux les communes s’agissant de l’opportunité de recourir à ce type de structure. Je compte ainsi mandater mon administration afin que des textes modificatifs en ce sens puissent m’être proposés.