/

Le développement du secteur spatial en Wallonie

  • Session : 2021-2022
  • Année : 2022
  • N° : 355 (2021-2022) 1

2 élément(s) trouvé(s).

  • Question écrite du 14/02/2022
    • de LUPERTO Jean-Charles
    • à BORSUS Willy, Ministre de l'Economie, du Commerce extérieur, de la Recherche et de l'Innovation, du Numérique, de l'Aménagement du territoire, de l'Agriculture, de l'IFAPME et des Centres de compétences
    Dans une allocution à l'Université Rice de Houston, le Président John F. Kennedy soulignait qu'une économie « qui s'attend à être le leader » ne peut « s'attendre à rester à la traîne dans la course à l'espace ». Ce discours annonçait, il y a maintenant 60 ans, ce qui allait être une avancée majeure, à savoir le fait qu'un homme allait pour la première fois marcher sur la lune. Depuis la course à l'espace a vu grossir le rang des candidats avec l'entrée de l'Europe, la Chine et maintenant des sociétés privées.

    Pour l'Europe, bien que détentrice d'un certain savoir-faire, ce dossier n'était pas parmi les priorités. Toutefois, selon l'édito du journal L'Echo du mercredi 26 janvier 2022, le regard évoluerait lentement. En effet, nous pouvions apprendre qu'à travers son programme Maïa, l'Europe entendait ainsi prouver, à nouveau, son ambition d'être un acteur incontournable de l'économie spatiale. L'Europe a aussi lancé un fonds doté d'un milliard d'euros pour stimuler le financement privé dans des start-up à finalités spatiales. Avec pour perspective que chaque euro investi dans l'espace draine 3 à 4 euros supplémentaires.

    La Wallonie a aussi pu démontrer sa compétence dans ce domaine. Citons par exemple, les satellites Oufti qui interviennent dans le développement du programme de géolocalisation Galileo.

    Quelle est la position de la Wallonie dans ce secteur d'activité ?

    Comment la recherche spatiale est soutenue et financée ?

    Qu'en est-il des programmes en cours actuellement et de la participation des sociétés wallonnes aux futurs projets ?

    Comment sont-elles aussi soutenues ?
  • Réponse du 10/03/2022
    • de BORSUS Willy
    Le programme Maïa auquel l’honorable membre fait référence est un projet français de développement d'un micro-lanceur partiellement réutilisable placé sous la responsabilité d’ArianeGroup. Son objectif est de combiner le savoir-faire existant dans le domaine des lanceurs, avec l’agilité d’une start-up du new space. Il existe d'autres initiatives plus privées de développement de micro-lanceurs, comme l'initiative Spectrum, portée par la société allemande Isar Aerospace.

    Rapidement, la dernière version d'Ariane (Ariane 6) ne pourra plus faire face à la concurrence américaine des lanceurs réutilisables, qui propose des prix de lancement des satellites très concurrentiels. L'Europe se doit donc de développer au plus vite ce nouveau type d'accès à l'espace au meilleur coût pour rester dans la course mondiale. Ces initiatives sont donc à saluer et doivent être soutenues.

    Au niveau belge, il est à noter que la quasi-totalité des activités industrielles et scientifiques sur les lanceurs est effectuée en Wallonie et à Bruxelles (motorisation, logiciels, électronique, structure, essais cryogéniques…) par des acteurs reconnus comme Safran AeroBooster, Spacebel, ThalesAleniaSpace Belgique, SABCA, ULiège …

    À ce jour, les acteurs industriels, académiques, etc., du secteur spatial wallon sont cependant actifs dans tous les segments du secteur spatial (essais au sol, lanceurs, satellites et sondes, gestion du vol des satellites, réception des données, traitement des données et développement de services utilisant les données d'observation de la terre ou de géo-positionnement). Ils sont plus de 40 acteurs actifs sur ces segments et génèrent un chiffre d'affaires de plus de 350 millions d'euros par an.

    Le Gouvernement wallon entend, à travers son Plan de relance, encore développer la compétitivité du secteur spatial en Wallonie et une meilleure coordination des acteurs (administrations, universités et centres de recherche) avec le secteur industriel pour soutenir les projets de recherche et pour structurer la force de proposition spatiale wallonne.

    À cet effet, au moins un appel à projets collaboratifs sera lancé, visant le développement d’une chaîne de valeur spatiale wallonne, notamment dans la filière des lanceurs. Un budget de 20 millions d’euros a été dégagé à cet effet.

    En outre, le Gouvernement wallon a, en décembre dernier, soutenu le financement d’une plateforme technologique d’excellence « spatial » visant à maintenir et amplifier le statut régional et international dans le domaine, en mettant à la disposition des chercheurs et partenaires industriels une plateforme universitaire structurante dotée d’équipements de pointe.

    Enfin, Win4Excellence, programme d’excellence à destination des Universités, en collaboration avec les centres de recherche agréés, visant à financer des recherches ambitieuses et fortement positionnées en amont, a été lancé par le Gouvernement wallon, à mon initiative, et vise des thématiques porteuses pour la Wallonie, comme celles des domaines d’innovation stratégique de la stratégie de spécialisation intelligente wallonne (RIS3) ou dans des domaines spécifiquement mis en avant dans la DPR, comme le spatial.

    Ces mesures, issues du PRW, viennent en complément des possibilités de soutien public telles que celles décrites ci-dessous.

    Au niveau européen, deux sources de financement indépendantes, mais coordonnées, pour la recherche dans le domaine spatial s’offrent aux industriels au travers du programme de recherche Horizon Europe et des programmes spatiaux de l’Union européenne d’une part, et de l’Agence spatiale européenne, d’autre part.

    Depuis le Traité de Lisbonne (2007), la Commission européenne assume des responsabilités croissantes dans le domaine du spatial. Ceci offre une opportunité aux acteurs belges de gagner des contrats supplémentaires. Ce marché est totalement compétitif.

    Trois types de participations au programme spatial européen sont possibles :
    - participer aux appels à propositions de recherche compétitifs de la Commission européenne dans le cadre du Cluster 4 « Digital, industry and Space » du programme européen de R&I « Horizon Europe » 2021-2027. Le budget total pour le Cluster 4 de 2021 à 2027 s’élève à 15,349 milliards d’euros. Il vise à favoriser la compétitivité du secteur spatial de l'UE et à renforcer la capacité de l'UE à accéder à l'espace et à l'utiliser. Horizon Europe finance la R&I pour le nouveau programme spatial de l'Union, qui regroupe en un seul programme les quatre composantes EGNSS (european global navigation satellite system), Copernicus, Space Situational Awareness (SSA) et les communications gouvernementales sécurisées (GOVSATCOM). De plus, trois activités horizontales soutiennent l'accès à l'espace, les start-up et la sécurité (Quantum Communication Infrastructure) ;
    - participer aux appels d’offres réservés aux industriels et lancés par l’agence spatiale de l’Union européenne (EUSPA). Cette agence a été lancée depuis le 12 mai 2021, et est responsable de mettre en œuvre les 4 grands programmes phares de l’Union européenne : Galileo, Egnos, Copernicus et Govsatcom ;
    - participer aux appels d’offres destinés aux industriels et aux appels à propositions de recherche auprès de l’ESA pour les programmes spatiaux européens développés et opérationnalisés par l’ESA pour le compte de l’Union européenne.

    L’Union européenne est consciente que les investissements sont essentiels à la croissance des entreprises spatiales européennes. Le Commissaire européen, Thierry Breton a ainsi lancé l’initiative facilitatrice Cassini le 25 janvier 2022, avec le Fonds européen d'investissement. Cassini est doté de trois volets, à savoir l’accès à la finance, le développement d’affaires et les réseaux d’affaires, les prix et compétitions. Il vise à soutenir l’innovation et l’entrepreneuriat privé dans un secteur jusqu’à présent dominé par les programmes publics. Cassini déploiera une capacité d'investissement de 1 milliard d'euros pour dynamiser les entreprises spatiales. Cassini soutiendra l'esprit d'entreprise dans l’industrie spatiale dans toute l’Union.

    L'initiative est conçue pour répondre aux besoins des entreprises à différents stades de croissance, de l'amorçage aux moyennes capitalisations. Les entreprises (y compris les PME) qui développent des technologies spatiales et celles qui commercialisent des applications numériques peuvent en bénéficier. L’idée générale de cette initiative est de développer un écosystème d'entrepreneuriat spatial, de soutenir les activités d'intérêt et transversales à toutes les lignes d'activité, telles que les technologies critiques pour la non-dépendance, les services de validation en orbite ("IOV") et de démonstration en orbite ("IOD"), et de contribuer à la science et aux missions spatiales, aux activités de sensibilisation et d'éducation et à la coopération internationale.

    Au niveau fédéral, la Belgique ne dispose pas de programme spatial, ni d’agence spatiale nationale. Elle mène cependant une politique spatiale depuis plusieurs décennies, notamment en occupant une place déterminante au sein de l'Europe spatiale en tant que 5e contributeur global à l'Agence spatiale européenne (ESA). Cette politique spatiale a permis de construire un tissu scientifique et industriel performant et reconnu comme tel en Europe et dans le monde, grâce aux retours sur investissements prévus dans les accords avec l’ESA afin de soutenir la participation d’acteurs belges dans les programmes de l’ESA.

    Actuellement, le budget fédéral annuel alloué à l'espace par la Belgique s'élève plus de 200 millions d'euros.

    Les considérations stratégiques et les axes prioritaires de la politique spatiale belge ont notamment guidé les choix programmatiques de la Belgique lors des derniers Conseils de l'ESA au niveau ministériel (Séville, novembre 2019), qui a vu l’accroissement de l’investissement annuel de la Belgique dans les programmes proposés par l’ESA (passant de 200 à 250 millions d’euros par an). Le futur Conseil ministériel de l’ESA aura lieu en novembre 2022 et permettra à la Belgique de renouveler ses choix programmatiques.

    Selon une étude réalisée par IDEA Consult en 2018, entre 2015 et 2020, environ 400 entités belges (industries, universités et centres de recherche) ont conclu un contrat avec l'ESA pour des développements dans le cadre des programmes spatiaux de l'Agence. Au total, ces contrats correspondent à une somme d'environ 1 milliard d'euros.

    Les piliers les plus importants du secteur spatial belge sont les suivants :
    - observation de la Terre, en particulier les observations et services liés à la surveillance de la végétation au niveau global ;
    - développement de satellites, principalement des petits satellites, comme les satellites de la famille PROBA ;
    - développement de parties de fusées (lanceurs) ;
    - télécommunications ;
    - électronique embarquée pour l'alimentation des satellites.

    Pour un euro investi dans les programmes de l'ESA par le Fédéral, nos acteurs industriels et scientifiques enregistrent en général un euro de contrats directs en provenance de l'ESA. Le résultat des développements technologiques réalisés par les industriels avec cet euro permet d'atteindre d'autres marchés ou d'autres activités récurrentes directes dans le secteur spatial. Cet effet levier est souvent estimé à 3 ou 4 euros de rendement direct de cet investissement d’un euro, ce qui est remarquable et stable depuis des années.

    Avec l'apparition du New Space depuis 5 à 10 ans, à savoir une approche plus commerciale du secteur spatial, et la création de nouvelles sociétés actives dans cette approche comme Aerospacelab, le rendement de l'investissement public dans le spatial sera encore décuplé par rapport à ce rendement actuel.

    Il revient à la Politique scientifique fédérale (BELSPO) d’implémenter la politique spatiale fédérale, de gérer la participation de la Belgique aux programmes spatiaux de l’ESA, et de développer des accords bilatéraux avec d’autres agences spatiales nationales.

    BELSPO gère également un programme fédéral de recherche en observation de la Terre, STEREO (support to exploitation and research in earth observation), dont la troisième phase (2014-2021) s’achève. Celle-ci aura permis de financer 83 projets pour un budget total de 54,445 millions d’euros. STEREO IV (2022-2027) est en préparation.

    Au niveau wallon, nous n'avons pas attendu le développement de l’initiative Cassini pour supporter le financement de nos startups du spatial. Il y a 3 ans déjà, un fonds public de 20 millions d’euros a été mobilisé à la SRIW à cet effet.

    Il a déjà été activé comme « financement de base » devant permettre aux fonds privés de poursuivre le support aux start-ups / scale-ups wallonnes. C'est ainsi que la startup du spatial wallon Aerospacelab, basée à Louvain-la-Neuve, a bénéficié, dans un premier tour de table, d'une petite partie de ce fonds public wallon et, dans un second tour de table, a levé récemment 40 millions d'euros de fonds privés.

    Il est clair que le fonds Cassini, sera un outil supplémentaire pour aider nos start-up à décoller plus rapidement encore.

    La Wallonie suit de très près le développement et le déploiement de la Politique spatiale belge, et soutient activement le secteur spatial wallon. Des projets de recherche peuvent être financés au bénéfice immédiat ou final des acteurs industriels, par le biais des divers instruments de financement « classiques » wallons comme les aides Win4Company ou les projets des Pôles de Compétitivité (et plus spécifiquement Skywin).

    De manière concrète, pour les guider et les soutenir dans le processus d’identification de sources de financement pour la R&I et de montage de projets, les entreprises wallonnes peuvent s’adresser au trinôme constitué du SPW EER (Département de la recherche et du développement technologique), du NCP-Wallonie, et du Pôle de compétitivité SkyWin. Ces trois entités travaillent de manière coordonnée et suivent la Politique spatiale et les opportunités de financement aux trois niveaux régional, fédéral et européen.

    La Région wallonne via ses aides directes et via le pôle Skywin participe donc, en complément du Fédéral, au développement du secteur spatial. Ce soutien est très dimensionnant pour le secteur en termes de stratégie, de visibilité, et plus particulièrement dans l'approche New Space et applicative du secteur.

    Comme précisé précédemment, une série de chantiers sont actuellement en cours pour positionner nos acteurs dans la course européenne à l'excellence, notamment dans le domaine des petits satellites d'observation de la Terre et des applications que l'on peut faire éclore en utilisant ces données. Ces utilisations sont multiples : gestion de l'environnement, de l'agriculture, de la logistique, des assurances, utilisation des données par les pouvoirs publics, et cetera. Le marché de l'utilisation de ces données est en pleine explosion et nos acteurs sont bien positionnés et structurés pour relever ces défis.